Manuel Valls, le vice-président

France Inter
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Par Piotr Smolar, journaliste au quotidien Le Monde

Manuel Valls
Manuel Valls
© Radio France

Il y aurait « un vice-président en France, Manuel Valls ! »: c’est ce que titrait récemment Le Nouvel Observateur .

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Comment expliquer ce phénomène de mode ? D’abord, Manuel Valls a une qualité par défaut : il ne s’occupe pas de questions économiques, les plus insolubles aujourd’hui. Demandez donc à Arnaud Montebourg, chargé de la dépression industrielle, ce qu’il en pense. Le ministère de l’Intérieur reste un rare espace régalien où la politique semble encore peser sur le quotidien des Français.

Et puis, Manuel Valls bénéficie de la faiblesse de Jean-Marc Ayrault. Le problème du Premier ministre n’est pas d’être impopulaire ; ce serait banal, et même normal, par ces temps de crise. Il est de ne pas imprimer dans l’opinion publique. Ses discours sont fades, sa personnalité raide. Du coup, Manuel Valls sort du lot. Il symbolise l’autorité, une valeur transgressive à gauche, mais sans basculer dans les excès de communication et d’annonce de l’époque Sarkozy. - On fait souvent la comparaison, d’ailleurs, entre Sarkozy et Valls au ministère de l’Intérieur Je vous recommande un exercice. Il est passionnant de se plonger dans les archives, pour voir ce qu’on disait de Nicolas Sarkozy il y a dix ans, en octobre 2002.

Il était alors la coqueluche des médias, l’homme du moment. Quelques mois plus tôt, Nicolas Sarkozy espérait encore devenir Premier ministre, mais Jacques Chirac lui avait finalement donné l’Intérieur. Il s’en était emparé avec gourmandise. Il multipliait les projets de loi répressifs sur la mendicité, la prostitution ou les regroupements dans les halls d’immeubles. Mais il donnait aussi des signes d’ouverture : sur la double peine, ou bien sur la fermeture du centre de Sangatte, terminus des sans-papiers. Or que voit-on en 2012 ? Une alchimie similaire ! Un Manuel Valls très habile et réactif, à sa façon. D’abord, il désigne 15 Zones de sécurité prioritaires, exactement comme Nicolas Sarkozy en janvier 2004.

Il donne aussi des gages aux policiers, en s’opposant au récépissé lors des contrôles d’identité. Mais en même temps, il ne couvre pas leurs dérapages, en sanctionnant sans tarder les fonctionnaires de la Bac de Marseille.

Enfin, Valls assouplit les critères de naturalisation, mais en même temps, par réalisme, il repousse le débat sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. Ce mélange de fermeté et de discernement est censé incarner la nouvelle sécurité de gauche, pragmatique et lucide. Pas étonnant que d’anciens cadres sarkozystes ne couvrent d’éloges en privé !

Mais le test décisif, pour Manuel Valls, se fera sur la durée : saura-t-il désintoxiquer les forces de l’ordre et se libérer lui-même des statistiques globales de la délinquance ?