Par Romain Gubert, journaliste à l'hebdomadaire Le Point
La droite promet de remettre en cause « le mariage pour tous » lorsqu’elle retrouvera la majorité au Parlement.

D’ici un mois le Conseil constitutionnel va se prononcer. Puis, dans la foulée, François Hollande promulguera la loi. Ce sera ensuite autour du Conseil d’Etat et je vous passe les arrêtés que le garde des Sceaux prépare déjà pour adapter les formulaires administratifs en tout genre.
Je ne me risquerai pas à un pronostic sur la décision du Conseil constitutionnel. Mais je voulais vous parler d’une drôle de bataille : celle que la droite entend mener dans quatre ans. La plupart des députés UMP ont d’ores et déjà promis qu’ils reviendront sur cette loi par une autre loi. Après tout, c’est ce qui s’est passé pour les nationalisations. Une fois la droite revenue aux affaires en 1986, le processus de privatisation a été enclenché par une autre loi. Et c’est évidemment possible. Sur le papier. Car dans la vraie vie, c’est une autre affaire…
- C’est-à-dire ?
Dès qu’on touche à la vie, à la vie réelle, il est quasiment impossible de revenir en arrière. On ne refait jamais le match une seconde fois. Prenez les 35 heures : un sujet certes moins clivant que le mariage pour tous. La droite les condamne depuis des années. Mais entre 2002 et 2012, elle n’y a pas mis fin.
Même chose pour le PACS. Christine Boutin qui était la chef de file des anti-PACS a été plus tard dans un gouvernement qui a même consolidé les droits des Pacsés.
Et d’ailleurs, François Fillon et Jean-François Copé n’ont pas accepté de suivre leurs amis qui promettent de supprimer le mariage pour tous dans quatre ans en cas de victoire aux législatives. L’un et l’autre savent trop bien qu’on ne supprime jamais un droit. Les deux leaders de l’UMP se sont contentés d’annoncer qu’ils feraient bien une nouvelle loi. Mais seulement pour barrer la route à la gestation pour autrui et à la procréation médicalement assistée. Fillon comme Copé ne reviendront pas sur ce droit au mariage contre lequel ils sont pourtant opposés car ils savent qu’on ne retire pas un droit accordé à des individus même si c’est possible sur le papier.
Imaginer que l’Etat puisse « casser » le mariage de deux personnes célébré quelques années plus tôt est tout simplement irréaliste. Ce serait une intrusion moralement insupportable dans la vie de certains Français qui auraient choisi de se marier. Et puis, en vertu de la non-réactivité des lois, ce serait sans doute illégal. Quant à imaginer qu’après le vote d’une nouvelle loi, il pourrait y avoir des couples homosexuels qui, à un moment, ont eu le droit de se marier -et certains d'adopter- et que d’autres ne puisse pas accéder à ce droit, ce serait un véritable casse-tête sur lequel une nouvelle majorité risquerait de perdre bien des plumes.
Et pour cause : cela provoquerait d’innombrables recours à la Cour de justice européenne ou vers la Cour internationale des Droits de l’Homme. Où la France risquerait fort d’être condamnée. Et d’ailleurs, en Espagne, où le débat a pris une tournure au moins aussi violente qu’en France, la droite, revenue au pouvoir, n’est pas osé défaire ce qu’avait fait le gouvernement Zapatero. Et c'est la même chose dans les 13 autres pays qui ont ouvert le mariage aux couples homosexuels.