Aujourd’hui une chronique pour répondre à une question que beaucoup d’auditeurs se posent certainement : comment ça marche la recherche ? Et en particulier la recherche biomédicale, dont on parle beaucoup aujourd’hui avec la crise sanitaire !
Pour répondre à cette vaste question, vous avez rencontré Hervé Chneiweiss, neuro-oncologue à la Pitié-Salpêtrière, chercheur et président du Comité de la recherche de la Fondation pour la Recherche Médicale. Il dirige aussi le centre de recherche « Neuroscience Paris Seine », où il mène ses recherches sur les tumeurs du cerveau.
En France, la Recherche Biomédicale, c’est 19 000 chercheurs dont près de la moitié de femmes comme chargées de recherche mais seulement 1/3 comme directrices. Ils sont recrutés à bac +15 environ et le salaire mensuel médian en biologie, médecine et santé : 2 370 euros. Depuis quelques années le nombre de postes offerts a diminué. Du coup, il y a en général, 100 candidats pour 1 poste dans les grands organismes de recherche publics.
La recherche académique se fait dans les Universités, les centres comme l’Inserm, le CEA civil, le CNRS ou les Instituts comme Pasteur, Gustave Roussy ou Marie Curie, au sein desquels se trouvent les laboratoires. Ces laboratoires regroupent des équipes autour de thématiques, de méthodologies et matériel communs.
La Recherche, ça commence par un problème à résoudre, une maladie à comprendre, un traitement pour la guérir.
Les organismes lancent un appel à projet pour répondre à une problématique, les laboratoires postulent en proposant une hypothèse de travail et un budget. Si leur dossier et retenu, et qu’ils obtiennent le financement et ils peuvent commencer. Le chercheur tente alors de vérifier son hypothèse en faisant des expériences. Quand il a obtenu assez de résultats, il soumet un article à des revues scientifiques internationales.
Les plus prestigieuses sont Nature, Science, New England Journal of Medecine.
Pour être publié, la qualité du travail est évaluée par des experts.
9 articles sur 10 sont rejetés pour avoir des explications ou des vérifications complémentaires ou tout simplement refusés et il peut se passer plusieurs mois avant que l’article ne sorte. Néanmoins depuis un an, dans le monde, 100 000 articles scientifiques ont été publiés sur la Covid-19. Rien que pour l’Inserm, c’est 1 000 publications !
D’abord, il y a la recherche pré-clinique. On commence par étudier les phénomènes, ou tester une nouvelle molécule in vitro : c’est-à-dire sur des cellules en culture ou, comme on le fait de plus en plus, sur des organoïdes, des mini-organes reconstitués. Ensuite il faut passer au niveau supérieur, c’est-à-dire à l’organisme entier. Car une molécule va agir différemment quand elle est dans la complexité d’un organisme. On passe donc au stade de la recherche sur l’animal. C’est encore une étape incontournable, et qui est très réglementée. Il faut un agrément pour les animaleries et les locaux. Les expériences, limitées à celles strictement nécessaires, sont soumises à une autorisation délivrée par le ministère de la Recherche, ainsi qu’à un aval du comité d’éthique de chaque établissement de recherche.
Oui mais de l’animal à l’homme, il y a souvent des désillusions : un traitement peut être très efficace chez la souris et sans effet thérapeutique chez l’homme Là aussi, on y va par étapes, ce qu’on appelle les phases. Il y en a 4. L’encadrement réglementaire et éthique est ici encore plus contraignant car toutes les précautions sont prises pour protéger les personnes.
Essai de phase I, c’est : le produit est-il sûr ?
Le produit expérimental, le candidat médicament, est testé pour la première fois, chez un petit groupe de personnes (le plus souvent des volontaires sains) dans le but d'étudier comment il se comporte dans l'organisme humain. L’essai de phase I a pour but de répondre aux questions suivantes : Quelle est la dose maximale tolérée ? Comment est-il assimilé dans l’organisme ? Quels en sont les effets secondaires dans ces conditions d'utilisation ? Essai de phase II, c’est : le produit a-t-il un effet bénéfique ? Il est mené sur un petit groupe homogène de volontaires atteints de la maladie ciblée. L’objectif est d'étudier l'efficacité du produit, d’approfondir les connaissances sur sa tolérance et de rechercher la plus petite dose efficace pour déterminer la dose optimale pour l’essai de phase suivante.
La phase III se fait sur une grande population de volontaires atteints de la maladie ciblée. L’objectif est de confirmer la tolérance et l’efficacité du médicament (en le comparant à un placebo ou un traitement existant). Là, ni les soignants ni les patients ne savent ce qu’ils reçoivent. Ce sont les essais en « double aveugle ». La particularité de cette phase c’est qu’elle coute extrêmement cher.
ICI, Les budgets sont multipliés par 100 ou même par 1000. Un essai clinique coute de 3 à 5 mille euros par patient et l’essai se fait sur des centaines ou des milliers de patients. On parle donc de millions d’euros pour un essai. C’est hors de portée pour un laboratoire académique, c’est donc là qu’entrent en jeu les industriels de la pharmacie, les « big pharma » et exceptionnellement les états comme pendant la crise de la Covid. Après cette phase, si les résultats sont positifs, le médicament (ou le vaccin, ou le dispositif) fait l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (l’AMM) auprès des agences réglementaires. Et là encore c’est tout un protocole avant que le traitement soit disponible. Au moment de la commercialisation commence la phase 4, appelée pharmacovigilance : on surveille l’apparition éventuelle d’effets adverses qui n’auraient pas été vus en phase 3. On en parle beaucoup en ce moment à propos des vaccins.
En général, c’est 15 ans de recherches pour aboutir à un médicament : 3 à 5 ans chez l’animal et 10 ans chez l’homme C’est donc un exploit que la recherche ait produit un vaccin pour la Covid 19 en 1 an seulement mais il faut dire que l’aide de certains états a été massive. Le gouvernement allemand financé le laboratoire BioNtech qui a trouvé le 1er vaccin, pour un montant de 4 millions dans les premières phases puis a ajouté 340 millions pour la fin du développement…
Avant les essais cliniques, qui, comme on l’a vu, ne peuvent être financés que par les entreprises pharmaceutiques ou les états, pour toute la recherche en amont, les organismes (Inserm, CNRS, Universités etc.) paient les infrastructures (les bâtiments) et les salaires des statutaires : il n’y a pas que les chercheurs, il a les techniciens, les administratifs, etc.
Pour le fonctionnement quotidien des projets eux-mêmes : le matériel, les consommables, tout ce qui permet de faire les expériences, le directeur de laboratoire passe une grande partie de son temps à remplir des dossiers de demande de financement pour obtenir ces crédits.
Ils se répartissent à peu près à parts égales entre :
-> les agences nationales (comme l’Agence Nationale de la Recherche, l’ANR) : 1/4
-> les programmes internationaux (européens par exemple) : 1/4
-> les contrats particuliers (industriels, etc.) : 1/4
-> et, enfin, les acteurs caritatifs (les associations, les fondations) : 1/4
Oui, c’est énorme ! Cette manne est absolument indispensable. Elle permet aux chercheurs de tester des nouvelles pistes, d’accélérer le passage entre la recherche fondamentale et la recherche clinique.
D’où l’importance de soutenir ces acteurs. Et en premier lieu la Fondation pour la Recherche Médicale, premier acteur caritatif à soutenir les recherches sur toutes les maladies en France
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