

Jean-Marc Lemaitre est directeur de recherche Inserm et responsable de l’équipe "Génome et plasticité cellulaire dans le développement et le vieillissement", à l’Institut de médecine régénératrice et de biothérapies, dont il est le directeur adjoint. Thierry Lhermitte présente son projet.
Pour faire face au vieillissement de la population, aux maladies, aux accidents, les chercheurs rêvent de pouvoir régénérer les organes, de les réparer lorsqu’ils sont défaillants. C’est aussi le rêve de Jean-Marc Lemaitre, un chercheur qui n’a pas froid aux yeux, et qui sans cesse essaie de repousser les limites du vivant dans l’intérêt du patient.
Avec son équipe, Jean-Marc Lemaitre explore les mécanismes qui sous-tendent la régénération tissulaire. Ses objectifs sont très ambitieux. Il cherche notamment à corriger les déficits des organes vieillissants.
Et l’enjeu est de taille car l’espérance de vie ne cesse de s’accroître, et notre population vieillit : en 2017, l’espérance de vie était de 79,5 ans pour les hommes et de 85,4 ans pour les femmes.
Un des moyens les plus prometteurs pour réparer les organes et leur redonner une deuxième jeunesse est d’utiliser le potentiel des cellules souches.
Qu’est-ce qu’une cellule souche ? Où les trouve-t-on ?
Les cellules souches sont des cellules capables de s’autorenouveler et de se spécialiser en plusieurs types cellulaires.
Il y en a plusieurs types, avec des potentialités différentes. La plupart de nos tissus adultes en contiennent, elles permettent d’entretenir et de réparer les tissus, mais leurs capacités sont restreintes et elles finissent par vieillir.
Les plus spectaculaires en termes de potentiel sont les cellules souches embryonnaires qui sont présentes dès les premiers stades de développement. Elles se différencient et assurent ainsi la mise en place de tous les tissus et organes de l’organisme (cellules cardiaques, muscles, neurones…). Leur utilisation en recherche est extrêmement réglementée en raison de problèmes éthiques car elles nécessitent la destruction d’embryons humains.
D’où la nécessité de trouver une autre source de cellules souches aux potentialités équivalentes qui seraient un outil de choix en médecine régénératrice.
Shinya Yamanaka : une avancée révolutionnaire dans la médecine régénératrice
En 2006, un chercheur japonais, Shinya Yamanaka, en utilisant un cocktail de quatre facteurs, a réussi à reprogrammer des cellules adultes spécialisées en cellules souches pluripotentes équivalentes aux cellules souches embryonnaires. Ces cellules souches peuvent ensuite être transformées en tous types de cellules spécialisées, en fonction des milieux de culture et facteurs de croissance utilisés. Cette technique de reprogrammation pourrait être une alternative à l’utilisation des cellules souches embryonnaires.
Cette technologie s’est avérée efficace sur des cellules adultes plutôt jeunes, mais s’est révélée inefficace sur des cellules vieillissantes ou sénescentes, alors que ces cellules s’accumulent dans l’organisme avec l’âge et sont un élément déterminant dans le vieillissement de nos tissus.
Jean-Marc Lemaitre : une nouvelle découverte
Grâce à un financement FRM obtenu en 2009 dans le cadre d’un appel d’offre consacré à la reprogrammation cellulaire, Jean-Marc Lemaitre et son équipe ont réussi à aller plus loin que ces chercheurs japonais.
En 2011, la découverte de Jean-Marc Lemaitre a fait grand bruit : avec son équipe, le chercheur a réussi à rajeunir des cellules sénescentes de la peau de personnes âgées de plus de 100 ans, en utilisant cette fois, un cocktail de six facteurs. Ils ont alors reprogrammé les cellules sénescentes en cellules souches pluripotentes induites, puis les ont retransformées en cellules de la peau. Les cellules obtenues avaient subi une véritable cure de jouvence !
Elles avaient retrouvé une véritable jeunesse : la longueur des télomères (extrémité des chromosomes) avait été rallongée alors que ces extrémités sont raccourcies dans des cellules âgées, l’activité des mitochondries (usine productrice d’énergie dans les cellules) s’était restaurée alors qu’elles étaient altérées avec l’âge, et le profil d’expression génique était celui de cellules jeunes… tout cela conférant à ces cellules une seconde vie !
Jean-Marc Lemaitre met actuellement en place au sein de son institut une unité de production de cellules souches reprogrammées au grade clinique, grâce au soutien de la région Occitanie et du CHU de Montpellier. Ce projet s’intègre dans l‘infrastructure nationale INGESTEM, qui réunit cinq unités de recherche et plateformes technologiques. Les cellules souches produites sur cette unité de production seront intégrées dans de futurs projets cliniques visant à corriger des pathologies liées à l’âge, utilisant la cellule comme un médicament au cours de protocoles de thérapie cellulaire. L’unité de production sera opérationnelle en 2019.
Les chercheurs ont ensuite voulu aller plus loin et se sont attaqués à un autre problème
Avec l’âge, on acquiert de plus en plus de cellules sénescentes, des cellules en fin de vie. Ces cellules favorisent l’inflammation et peuvent modifier le tissu environnant. Elles peuvent également donner lieu à des cancers.
Greffer des cellules rajeunies dans un environnement vieux pourrait donc poser des problèmes. C’est pourquoi de nombreux projets de recherche visent à trouver le moyen de retarder leur apparition ou de les éliminer. Jean-Marc Lemaitre et son équipe travaillent sur des souris modèles vieillissantes, afin d’explorer cette piste prometteuse. En effet des souris pour lesquelles on a détruit/supprimé les cellules sénescentes, avec des molécules dites sénolytiques, ont une durée de vie en bonne santé allongée de 30 %. L’efficacité de ces molécules devra bien sûr être confirmée chez l’homme.
Les chercheurs espèrent que d’ici une dizaine d’année on réussira à réparer les organes vieillissants en détruisant d’abord les cellules sénescentes puis en greffant des nouvelles cellules qui auront été reprogrammées pour les rajeunir.
Jean-Marc Lemaitre veut toujours avoir un coup d’avance et se surpasser en permanence. Il souhaite trouver une alternative à la réparation d’organes et cherche à en recréer de nouveaux.
Son équipe essaie de créer des mini-organes humains, d’abord chez la souris. Puis sur de gros animaux comme le cochon qui est proche de l’homme d’un point de vue anatomique et physiologique et pourrait permettre de produire des organes humains fonctionnels transplantables et palier des déficits liés à l’âge. Ce projet d’envergure, qui nécessite des fonds conséquents est porté par une startup Montpelliéraine dont il est fondateur la société ORGANIPS.
Sa devise, cette citation d’Oscar Wilde :
Il faut toujours viser la lune car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles... !
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