Céline, antisémite

Louis-Ferdinand Céline se rend au Palais de Justice. Il attaquait les éditions Julliard pour diffamation après la parution du "Journal" d'Ernst Jünger - 1951
Louis-Ferdinand Céline se rend au Palais de Justice. Il attaquait les éditions Julliard pour diffamation après la parution du "Journal" d'Ernst Jünger - 1951 ©Getty - Keystone France
Louis-Ferdinand Céline se rend au Palais de Justice. Il attaquait les éditions Julliard pour diffamation après la parution du "Journal" d'Ernst Jünger - 1951 ©Getty - Keystone France
Louis-Ferdinand Céline se rend au Palais de Justice. Il attaquait les éditions Julliard pour diffamation après la parution du "Journal" d'Ernst Jünger - 1951 ©Getty - Keystone France
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Les milieux collaborationnistes de la Seconde Guerre ne considéraient pas l’écrivain de la même manière que nous aujourd’hui. Ils le voyaient surtout comme un chantre inspiré de l’hitlérisme et comme un grand inspirateur de la persécution raciale.

Avec
  • Annick Duraffour Professeur de lettres et spécialiste de l'antisémitisme en France

Quand l’été passé,  le président de la République s’exprimait pour l’anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, lui venaient spontanément à l’esprit quelques références : Darquier (de Pellepoix, commissaire aux Affaires Juives), Je suis Partout et… Bagatelles pour un Massacre, le premier des pamphlets antisémites de Céline. Les milieux collaborationnistes de la Seconde Guerre mondiale ne considéraient pas l’écrivain de la même manière que nous aujourd’hui. L’inventeur de formes nouvelles de langage les intéressait peu ; ils le voyaient surtout comme un chantre inspiré de l’hitlérisme et comme un grand inspirateur de la persécution raciale.

Il est vrai que, depuis, l’idée s’est imposée que Céline n’a participé qu’épisodiquement à la vie publique de l’Occupation. Et les pamphlets antisémites qui l’occupèrent à partir de 1937 ne sont plus connus que par ouï-dire. Bagatelles pour un massacre a été réédité en 1941, 1942 et 1943, L’École des cadavres en 1943, Les Beaux Draps datent de 1941. 

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Mais ni l’écrivain ni sa veuve Lucette n’en ont plus ensuite autorisé la réédition

Lucette a longtemps affirmé qu’ils étaient la source de leur malheur et qu’il fallait les oublier.

La veuve de Céline a maintenant 106 ans. Son avocat, François Gibault, célinologue incontournable, dit qu’elle a changé de point de vue. Il est vrai qu’une œuvre ne peut rester toujours amputée d’une partie essentielle et qu’à  l’horizon, se rapproche l’échéance de l’entrée dans le domaine public. C’est chose faite au Québec où une édition des trois pamphlets a déjà été produite : 1 200 pages dont un cinquième d’annotations par un célinologue de plus fraîche obédience, Régis Tettamanzi. La maison Gallimard se propose de reprendre cette édition, en la revoyant quelque peu et en la faisant préfacer par Pierre Assouline.

Sitôt l’annonce faite d’une parution au printemps, l’émoi a gagné d’autant que le délégué interministériel à la lutte contre le racisme a  convoqué Antoine Gallimard, histoire de manifester le souci du gouvernement. Le Premier ministre lui-même s’est exprimé hier dans Le Journal du Dimanche :

Je n’ai pas peur de la publication de ces pamphlets, mais il faudra bien l’accompagner. 

Antoine Gallimard avait fait savoir auparavant que le projet verrait le jour seulement « lorsque nous serons prêts ». On en est là présentement.

Des historiens montent au créneau

Annick Duraffour fait partie du collectif d'historiens qui a publié dans l'Obs un manifeste : "L'édition, telle qu'elle est annoncée par Gallimard nous paraît inacceptable. Ça revient à mettre sur le marché de la propagande, fut elle écrite par un grand écrivain. Céline, c'est quand même de la propagande, avec des notes tout à fait insuffisantes qui sont en fin de volume. Nous défendons pour notre part une véritable édition scientifique avec des notes en regard du texte pas à la fin en face. Et des notes assurées par une équipe pluridisciplinaire d'historiens, de spécialistes de la chose. 

Il y a des citations fausses, des chiffres faux, des mensonges, de la diffamation. Ça véhicule toute la littérature des officines. Et en face de cela, il faut rectifier et faire état de la recherche historique. Il faut, je dirais, un contrepoison en face avec le poison. 

Nous sommes sceptiques quant à l'édition Gallimard parce que les gens qui sont impliqués considèrent les pamphlets comme de la littérature.

Voilà la grande question : est ce que les pamphlets relèvent de la littérature qui ne mérite pas une approche historique et pluridisciplinaire sérieuse ? Parce que la littérature, on le sait, ce n'est jamais très sérieux. Et de l'autre côté, nous, nous pensons que ces pamphlets relèvent de la propagande la propagande raciste, antisémite, hitlérienne." 

►►► Le site de la Société d'Études Céliniennes

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