
A la terre qui aurait pu être stérile, les gens d’Orient ont arraché des espaces précieux dont ils ont fait des jardins.
Agnès Carayon (Chargée de collections et d’expositions à l'IMA, spécialiste du monde arabo-musulman médiéval).
Inspirés sans doute par les oasis qui jaillissaient miraculeusement du désert, c’étaient des endroits qui tranchaient avec le monde alentour. Souvent, ils se retranchaient derrière les murs : ils ne cherchaient pas à ouvrir des perspectives vers l’ailleurs, l’ailleurs était en dedans.
Certains sortaient, tout fleuris et peuplés d’oiseaux, de l’esprit des poètes ou s’inscrivaient seulement dans des miniatures. Les princes et les privilégiés raffinés en conçurent aussi beaucoup qui n’étaient pas imaginaires. Lieux de rêverie, haltes de répit dans la chaleur, ils pouvaient passer pour une image du paradis promis aux fidèles. Djanna… le mot apparaît une centaine de fois dans le Coran, il désigne à la fois le paradis et le jardin. C’était l’enclos où les péchés seraient abolis, où les fidèles soumis jusque-là à une existence de tension pourraient vivre dans le banquet perpétuel de tous les sens. Car c’était à tous les sens que s’adressai le jardin. La vue, évidemment. Mais l’odorat aussi : les végétaux n’y étaient pas choisis seulement en fonction de leurs apparences. Et l’ouïe : cascades, ruisseaux, fontaines… Entendre la circulation de l’eau, c’était la première des bénédictions.
A l’heure où les villes d’Orient soumises à une terrible pression démographique et foncière ont adopté le parc public à l’occidentale quand ce n’est pas le parc d’attractions, les anciens jardins d’Orient ne sont-ils plus qu’un fantasme ? Si oui, il est particulièrement vivace… en Occident.
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