Madeleine Riffaud, le petit soldat de l'hôpital : Série profession invisible - Épisode 2

Madeleine Riffaud lors d'une séance de dédicace à la gare d'Orsay en 1968
Madeleine Riffaud lors d'une séance de dédicace à la gare d'Orsay en 1968 ©Getty - Keystone-France
Madeleine Riffaud lors d'une séance de dédicace à la gare d'Orsay en 1968 ©Getty - Keystone-France
Madeleine Riffaud lors d'une séance de dédicace à la gare d'Orsay en 1968 ©Getty - Keystone-France
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L’été 1973, sur le conseil de « Paul » un camarade de 1944 devenu chef de service à l’Assistance Publique, Madeline Riffaud se fait embaucher à Broussais et à Saint-Joseph. Au plus bas de l’échelle : bonnet sans galon, tablier bleu marine… Fille de salle. Elle a mis en avant son second prénom, Marthe...

Série "profession invisible"

Pendant la Résistance, Madeleine Riffaud a été membre du Front National des Etudiants puis, dès le début de 1944, à moins de vingt ans, du Parti communiste.

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En juillet 1944, elle tue de sang-froid un militaire allemand près des Tuileries. Un collaborateur qui conduit une voiture la poursuit, la percute, elle est transportée inconsciente à la Gestapo.

Plusieurs semaines de détention et de tortures. Par miracle, elle échappe à l’exécution puis à la déportation. Elle est déjà dans un train en gare quand la Croix Rouge parvient à l’en extraire. Elle est ensuite échangée in extrémis contre des Allemands.

Nous sommes à la veille de l’insurrection. Elle y participe au premier rang. Une citation à l’ordre de l’armée témoigne qu’« à la tête de ses hommes, elle a donné l’exemple d’un courage physique et d’une résistance morale remarquables ».

En raison de son jeune âge, elle n’est pas admise dans les troupes qui vont poursuivre la libération du pays. Un premier long épisode dépressif s’ensuit.

Madeleine Riffaud sera pendant deux ans l’épouse de Pierre Daix, un proche d’Aragon. Poète, elle est soutenue par Eluard. Journaliste, elle écrit dans «  Ce soir », dans « La Vie ouvrière » et, à partir de 1958, dans « L’Huma ».

Elle a le goût des conditions extrêmes, elle sera une grande correspondante de guerre. En Indochine encore française. En Algérie pendant la lutte de l’indépendance. Elle témoignera avoir vu à l’hôpital civil d’Oran l’OAS instaurer un traitement expéditif aux Algériens égarés dans le secteur européen. Un attentat de la même OAS la laissera blessée aux yeux : la cécité la gagnera peu à peu.

Le Vietnam la requiert particulièrement. Elle est la compagne du ministre de la Culture d’Ho Chi Minh. Ses reportages et ses livres sur le Vietnam la font connaître dans le monde entier. Elle collabore à bien d’autres journaux que les communistes. La direction de l’époque Marchais commence à se méfier de ce grand témoin de la Résistance tant appréciée par les gauchistes.

Après la conférence de Paris sur le Vietnam, elle se retrouve comme démunie, disponible. L’été 1973, sur le conseil de « Paul » un camarade de 1944 devenu chef de service à l’Assistance Publique, elle se fait embaucher à Broussais et à Saint-Joseph. Au plus bas de l’échelle : bonnet sans galon, tablier bleu marine… Fille de salle. Elle a mis en avant son second prénom, Marthe, la petite Marthe de l’Evangile.

Avec ses camarades de travail, elle va mener quotidiennement une guerre de poche afin que la salle commune tienne à peu près bon. Lavant à grandes eaux le carrelage, vidant les bassins, recueillant les confidences, Madeleine-Marthe retrouve la France dont elle s’est éloignée et qu’elle aime de nouveau, celle des humbles. Elle n’est plus sous les bombardements des B52 mais et de nouveau dans des conditions extrêmes, en zone de souffrances.

De son passage à l’hôpital, elle rapporte le plus beau de ses livres, «  Les linges de la nuit » qui résonne fortement au milieu des années 1970. Peut-être un million d’exemplaires vendus. Et un courrier extraordinaire. Les longues interviews qu’elle donnera dans les années 1990, notamment à France Culture, connaîtront le même écho.

À 95 ans, maintenant aveugle, Madeleine Riffaud continue d’être digne de la vie qu’elle a vécue.

Bibliographie

  • Madeleine Riffaud Les linges de la nuit Julliard
  • Madeleine Riffaud On l'appelait Reiner Julliard

Programmation musicale

Michel Sardou La maladie d'amour

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