Les médias ont joué un rôle non négligeable dans cette libération, en prenant assez clairement partie pour la sexagénaire.
C’est une image furtive : le visage flou de Jacqueline Sauvage, derrière les vitres teintées de la voiture de sa fille, retrouvant la liberté à la sortie de la maison d’arrêt. Cette image, vous l’avez vue, en ouverture des Journaux télévisés, avant-hier soir. Mais cette vision fugace n’a guère satisfait la soif de médias espérant une sortie à visage découvert et souriant.
Pour illustrer cette grâce présidentielle, la presse s’est donc repliée sur une autre image. Image en Une du Parisien, en Une du site de France Inter, en page intérieure du Figaro, et d’un grand nombre de titres de la presse régionale. C’est une photo publiée pendant le procès, par La République du Centre.
On y voit la sexagénaire, dans le box, visage concentré, coiffure simple, lunettes classiques, chemisier banal dépassant d’un pull noir, le regard tourné vers la gauche. En fait elle parle à son avocate, mais le cliché a généralement été recadré exclusivement sur Jacqueline Sauvage. Reste donc ce regard vers la gauche, symbole d’une réflexion vers le passé.
C’est l’image de la grand-mère de tout un chacun, une image empathique, d’où son succès. Car elle correspond à l’état d’esprit de la presse : les médias, pour la plupart, ont pris le parti de Mme Sauvage et ils ont donc salué cette grâce avec une unanimité saisissante, presque troublante. Certains éditorialistes allant même jusqu’à requalifier le Président de « François le juste » !
Une unanimité troublante
Pourquoi une telle unanimité ?
D’abord en raison de la mobilisation de la société civile. La pétition en faveur de la grâce avait recueilli des centaines de milliers de signatures.
La presse n’a pas voulu « passer à côté » de cette mobilisation. L’unanimité politique sur le sujet, qui a trouvé son point d’orgue avec la décision de François Hollande, a ensuite alimenté… l’unanimité de la presse.
Ajoutons-y :
- la fascination, toute française, pour l’exercice de droit divin que constitue une grâce….
- le « fond de sauce » actuel de critique de la justice, bien qu’en l’occurrence il s’agisse de décisions prises par des jurys populaires,
- Et surtout les penchants manichéens, en particulier dans les procès d’assises : le bien ou le mal.
Sur Jacqueline Sauvage, il fallait donc choisir : voire en elle une meurtrière ou une victime ? La presse, dans sa grande majorité, a choisi la seconde option, oubliant parfois… la nuance.
En saluant la grâce présidentielle, les médias s’auto-congratulent de leur propre pouvoir, de leur propre mobilisation en faveur de l’accusée.
Souhaitons que l’énergie médiatique déployée sur ce cas particulier ne s’éteigne pas avec cette libération… Mais au contraire… perdure pour traiter du sujet de fond, qui concerne, lui, des dizaines de milliers de personnes : les violences faites aux femmes.
L'équipe
- Production
- Chronique