Le nom du Premier ministre

France Inter
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Deviner qui sera dans le premier gouvernement du quinquennat Macron est un sport très pratiqué dans les médias pour des raisons qui ne sont pas seulement journalistiques

« Je vais essayer de vous dire qui sera le Premier ministre ! »… Cette phrase, on n’a pas fini de la lire ou de l’entendre dans la presse, au moins jusqu’à dimanche après-midi. Elle possède une variante, à la fois plus floue et plus complète : « voici la liste de tous ceux qui pourraient figurer au gouvernement ».

Avec des traductions troublantes. Exemple, hier après-midi: un bandeau sur un écran de télévision où est écrit « Un tel, en tête des rumeurs pour Matignon ». Qu’on puisse faire un titre sur une rumeur, il y a tout de même là un sacré paradoxe quand on est censé faire de l’information

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Certes, l’espace accordé à ces spéculations varie beaucoup d’un média à l’autre, mais question, tout de même : pourquoi cette fascination, globalement, pour le gouvernement à venir ?

Il y a évidemment, des raisons logiques et une curiosité journalistique légitime : Quel équilibre politique, quelle parité, quelle proportion d’élus et de non élus, combien de novices, etc ? Le suspense bat son plein puisque s’y joue la traduction concrète de la promesse symbolique de renouvellement, clé de voûte du discours du nouveau Président.

Série télé et jeu vidéo

Mais il y a aussi des raisons plus prosaïques ou plus futiles…

Prosaïque : il faut « occuper le temps » dans cette longue semaine de transition, entre l’élection et l’investiture, un intervalle que l’équipe Macron aurait sans doute souhaité plus court… Spéculer sur le Premier ministre permet donc de… combler, comme dans un épisode de transition dans une série télé.

Prosaïque également : travailler sur les ministres potentiels et leurs équipes permet aux journalistes de poser les bases de leur activité pour les mois à venir, de prendre contact avec les nouveaux venus putatifs.

Prosaïque encore : les sujets Macron continuent de faire vendre, en particulier dans la presse écrite.

Plus futile : jouer à « qui sera premier ministre », c’est ludique ! On fait des simulations, dans un sens, puis dans l’autre. On multiplie les combinaisons, on fait du bonneteau… C’est un peu comme un jeu vidéo. Raté ! Essaie encore ! Et les journalistes sont comme tout le monde. Ils aiment bien s’amuser à l’occasion !

Enfin, il y a cette illusion un peu prétentieuse de la cartomancie. Je lis dans le marc de café, je suis Mme Soleil. Je sais avant tout le monde ce qui va se passer demain. C’est le même mécanisme que l’utilisation a gogo des sondages par certains: l’illusion de croire qu’un instantané du présent, fut-il bien fait, éclaire nécessairement le futur.

A chaque nouveau gouvernement, le sketch recommence ! On pourrait écrire des livres avec les prédictions erronées de la presse sur l’attribution des maroquins ministériels. Combien de gouvernements imaginaires, de Premiers ministres virtuels n’ont jamais dépassé le stade… de l’encre sur le papier !!

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