Le retour de l'affaire Gregory

France Inter
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La presse serait bien inspirée de regarder dans son rétroviseur pour traiter de cette affaire qui a suscité l'hystérisation collective il y a 30 ans.

Si vous avez moins de 30 ans, vous devez écarquiller des yeux devant le déferlement médiatique depuis 48h…

Ouvertures des journaux radios et télévisés, Unes de nombreux quotidiens… Avec cette même photo de Gregory, hier en couverture du Figaro, de Libération, du Parisien, etc.

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Il y a des raisons objectives à ce déferlement. C’est l’une des plus grandes énigmes criminelles de l’Histoire française, avec des rebondissements en série depuis 32 ans et une fascinante galerie de portraits dans une famille où règne le secret. Et bien sûr, au départ, l’assassinat de cet enfant de 4 ans au regard doux. L’horreur qui fait écho dans le cœur de chacun.

L'affaire avec un grand A

Mais il y a des raisons moins nobles à cette poussée de fièvre médiatique. D’abord, ce rebondissement tombe à pic ! L’actualité politique, qui a porté les médias depuis 6 mois, commence à lasser tout le monde. C’est une occasion parfaite de changer de sujet. C’est cynique, mais la presse fonctionne aussi comme ça.

Ensuite, et surtout, il y a un ressort propre aux médias. Cette affaire a marqué au fer rouge toute une génération de journalistes. Tous ceux qui, il y a 30 ans, l’ont couverte de près ou de loin. Pour nombre d'entre eux, ils étaient jeunes journalistes à l’époque, ils sont aujourd’hui quinquagénaires, aux postes de commandes dans de nombreux organes de presse.

Et pour toute cette génération, c’est L’AFFAIRE avec un grand A.

La déontologie au placard

Or la presse a joué un rôle énorme et très discutable dans ce dossier…

D’abord par le volume: plus de 3000 articles, 15 livres, des centaines de reportages radio et télé… Il y a 30 ans, la presse s’est passionnée pour l’affaire Gregory.

Et elle a franchi… la ligne rouge à de multiples reprises en voulant « chasser le scoop » : vol de documents, usurpation d’identités, caricatures de cette région des Vosges.

Plus encore, elle s’est parfois posée en justicier. En accusant tel ou tel. En prenant partie pour tel ou tel camp. En faisant pression sur la famille de la victime. Une hystérisation collective.

Notre ancienne consoeur Laurence Lacour a publié un livre remarquable à ce propos, « Le bûcher des innocents ». A l’époque, elle avait couvert l’affaire pour Europe 1 pendant plusieurs années. Elle en était ressortie dégoûtée du journalisme.

Si une telle hystérisation devait à nouveau s’emparer de la presse aujourd’hui, les effets seraient encore pires, démultipliés par l’accélérateur des réseaux sociaux et de l’information continue. On a donc le droit de s’inquiéter.

Alors un modeste conseil de lecture pour ce week-end : relire Laurence Lacour, pour travailler calmement sur l’affaire Gregory.

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