Comme souvent dans les campagnes présidentielles, le traitement par les médias des faits divers peut avoir un réel impact sur le scrutin
C’est un classique des campagnes électorales : l’instrumentalisation politique du fait divers, érigé en fait de société, en utilisant la caisse de résonance des médias.
Et le mois de mars, 2 mois avant la présidentielle, est souvent marqué par des événements de cette nature. Quand les faits ébranlent tout le ciment social, ils ne profitent pas nécessairement à un candidat plutôt qu’à un autre. On pense aux tueries perpétrées par Mohammed Merah il y a 5 ans. Il en va différemment quand on est plus proche du fait divers.
Il y a 15 ans, en mars puis avril 2002, le massacre de Nanterre (Richard Durn) puis l’affaire dite « Papy Voise » marquent la campagne.
Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen y voient les symptômes de l’insécurité, là où il y a d’un côté le geste d’un fou, de l’autre une plainte douteuse qui sera classée sans suite.
Il y a 10 ans, mars 2007, après les affrontements à la Gare du Nord, Ségolène Royal dénonce une rupture du lien de confiance entre la population et la police. Nicolas Sarkozy lui rétorque : « vous êtes du côté des émeutiers ! ». Il marque des points.
Les heurts violents du lycée Suger, à St Denis, cette semaine, sont susceptibles d’entrer dans la même catégorie.Marine Le Pen a immédiatement dénoncé un laxisme des pouvoirs publics. Et François Fillon lui a emboité le pas.
La hiérarchisation journalistique et la radicalité des réseaux sociaux
La presse porte donc une responsabilité cruciale sur la façon dont elle relate ces événements
Au printemps 2002, l’importance énorme accordée dans les médias aux affaires Durn et Voise, avait sans nul doute favorisé la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour.
Cette fois-ci, face aux événements de Suger, les médias, pour la plupart, semblent adopter une attitude plus prudente.
A l’exception du JT de 20h de TF1 qui a ouvert sur le sujet mercredi soir, la presse n’a pas poussé ces événements en Une.
L’arbitrage éditorial est compliqué. Il faut évidemment se pencher sur ces affrontements, inadmissibles au sein d’un lycée. Et ne pas éluder le fait qu’ils ont tendance à se développer. Mais il s’agit aussi, a fortiori en période électorale, de peser les mots. De ne pas céder à la tentation exclusive de l’image spectaculaire. D’identifier l’instrumentalisation politique.Et de traiter toutes les facettes de ce sujet : les violences des casseurs bien sûr, mais aussi les conditions de détention troublantes des personnes interpellées.
La presse doit d’autant plus effectuer ce travail de hiérarchisation que les réseaux sociaux, eux, ne le font pas.
Tapez le mot clé « Suger » sur Twitter, et vous tomberez, en tête de liste, sur les propos de Marine Le Pen et du Front National.
Comme toujours désormais, les réseaux sociaux, incontrôlés, sont le premier outil de la propagation des idées extrémistes. Le vecteur de toutes les radicalités.
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