Le paradoxe de l'emballage...

De l'importance de l'emballage...
De l'importance de l'emballage...  ©Getty - 	Jochen Tack
De l'importance de l'emballage... ©Getty - Jochen Tack
De l'importance de l'emballage... ©Getty - Jochen Tack
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Que se passe-t-il quand nous achetons des produits emballés ? Qu'achetons-nous vraiment ? Le produit ou simplement son image ?

Une des différences entre le marché et le supermarché, c’est qu'au supermarché, les produits sont emballés. Au marché on achète des produits que l’on voit.  Au supermarché on achète des produits que l’on ne voit pas. 

Pourquoi? Parce qu’ils sont emballés et que l’emballage, le plus souvent, dissimule le produit que l’on achète. Vous me direz que c’est assez normal : l’emballage, emballe, c’est sa fonction. Le yaourt, le camembert, le beurre, le cassoulet ou les haricots verts, disparaissent derrière le pot de yaourt, la boîte de camembert ou la boîte de conserve…

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Mais l’emballage au supermarché ne fait pas qu’emballer et dissimuler, il révèle aussi, il illustre le produit, il est là même pour attirer l’attention et révéler tout le potentiel d’un ravioli ou de lentilles en exhibant une belle photo d’un bon gratin ou de petit salé… 

Donc si je ne vois pas toujours ce que j’achète, je sais pourtant ce que j’achète. Puisque avec l’emballage c’est marqué dessus et il y a de belles images ! Mais dans ce passage du « je ne vois pas » au «  je sais », dans ce passage du produit à l’emballage, on passe de la chose au signe, de la réalité à l’apparence. 

Je ne sais pas si le grand sociologue Jean Baudrillard faisait souvent ses courses au supermarché mais pour ce spécialiste de la consommation, ce passage là nous fait entrer dans "l’hyperréalité"

"L’hyperréalité" c’est quoi ? 

C’est le moment où nous quittons la réalité pour la confondre avec l’imaginaire, le moment où nous ne consommons plus seulement des choses mais aussi leur apparence. Et le moment surtout où l’apparence nie la réalité, pour prendre sa place

Un bon exemple de ce paradoxe c’est le paquet de jambon pré-emballé justement. 

Parce qu’il a un côté pile et un côté face. 

Face donc, une magnifique photo d’une magnifique tranche, un peu roulée sur une assiette avec un petit brin de persil et des tomates cerises. 

Côté pile, emballage transparent, donc on peut distinguer le produit : un vague demi cercle gris-rose plus ou moins épais… 

On finit donc par manger du  jambon, mais en ayant consommé la photo de l’emballage.  C’est elle qui la première nous a indiqué le jambon que nous allions manger. Mais comme l’emballage est là aussi pour donner envie et pour embellir, en consommant l’emballage, on ne consomme pas vraiment le produit. 

Dans l’hyperréalité de la consommation on ne consomme plus des produits, mais ce que Baudrillard appelle des simulacres. 

Des apparences ou des imitations qui oublient qu’elles en sont et qui se prennent au sérieux. Tout en se jouant de nous puisque les photos des emballages ne sont quasiment jamais contractuelles ! 

Voilà donc ce paradoxe de l’emballage qui fait disparaître le produit qu’il emballe pour mieux en faire réapparaître le simulacre. C’est peut être aussi pour cela que c’est si agréable d’aller au marché de temps en temps, d’embrasser la réalité des produits, de se souvenir que les poissons ne sont pas tous carrés et panés, que les crabes ne sont pas seulement une variété de bâtonnets et que chaque fromage a une couleur ou un aspect différent. 

Au marché donc on voit ce qu’on achète, même si on ne le sait pas toujours…

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