Pourquoi dit-on que l'on fait des "fautes" d'orthographe, alors que la plupart du temps nous ne faisons que des erreurs ? Si je me trompe dans l'accord du participe passé est-ce que cela fait de moi une mauvaise personne ?
En parlant de faute d’orthographe, implicitement, on fait peser tout le poids d’un jugement moral sur la plus ou moins bonne maîtrise de règles de grammaire et d’orthographe qui sont pourtant purement arbitraires. Et mon diagnostic, c’est que si les gens sont fâchés avec l’orthographe, d’une part, et qui si d’autres gens sont si accrochés aux règles d’orthographe d’autre part, c’est justement parce qu’en fait une question de morale…
Comment soigner cette dégénérescence morale de l’orthographe ?
Avec une petite perfusion de philosophie : celle de Michel Foucault en l’occurrence, et notamment de son concept d'assujettissement. Foucault fabrique ce concept assujettissement pour expliquer comment est ce que les règles que nous essayons de suivre, à la fois nous soumettent – nous assujettissent – et à la fois nous transforment en sujets. Suivre une règle c’est d’abord s’y soumettre et s’y conformer et en s’y conformant on découvre que l’on a du pouvoir sur soi et que donc on peut devenir le sujet de son action et de ses pensées.
Dans le cas des règles de l’orthographe, le problème n'est donc pas tant de s’y soumettre, on en a bien besoin pour fixer une écriture commune qui puisse nous permettre d’échanger, mais on ne doit se satisfaire de cette soumission. Suivre ces règles c’est surtout découvrir que ce ne sont que des règles construites, conventionnelles, résultat d’un long processus de décision historique et qui n’ont aucune portée morale. Ainsi quand je fais des fautes d’orthographes, je ne suis pas une mauvaise personne, juste je ne sais pas, je commets une erreur d’application, comme quand je me trompe dans la recette du gâteau au chocolat.
Les bénéfices de ce traitement
Le bénéfice de ce traitement c’est donc de nous faire comprendre que les règles d’orthographe, comme bien d’autres règles sociales et culturelles ne sont que des constructions arbitraires qui tentent de se justifier en se donnant une portée morale et ou même parfois politique…
L’autre bénéfice de ce traitement, c’est qu’il renforce nos défenses immunitaires contre ce virus de la soumission à des règles.
Une fois que l’on a compris comment elles fonctionnent, on ne les subit plus et on peut même en devenir les sujets actifs et résistants en les détournant comme certains poètes, ou bien même en en inventant de nouvelles comme par exemple la règle de proximité qui se propose d’accorder l’adjectif ou le participe passé avec le genre du nom le plus proche et non pas systématiquement avec le masculin….
Voilà, l’orthographe est un jeu, qu’il faut apprendre à jouer, non pas pour devenir de bonnes personnes qui ne font aucune faute, mais au contraire pour se libérer de la pression malsaine qu’elle exerce trop souvent...
Regardez une dictée de Bernard Pivot dans les archives de l'INA
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
L'équipe
- Production