La radio de Bertrand Burgalat

The Soft Machine : Introduction

Il y a dans cette musique de Soft Machine tout ce que j'ai toujours attendu de la musique : la liberté, le merveilleux, l'imprévu, quelque chose qui nous arrache au quotidien ou qui le transforme. Il y a deux écoles dans ma génération. Ceux qui ont écouté l'album blanc des Beatles et qui étaient fascinés par des productions très bien faites, très cadrées. Et puis des gens comme moi, qui ont écouté le volume deux de Soft Machine et qui ont tendance à faire des musiques un peu plus disparates. Peut-être que si j'avais plutôt écouté l'album blanc, j'aurais fait un tout autre type de disque.

Genesis : It

J'ai vu Pink Floyd en concert à Colmar et ça a été une épiphanie. Au même moment, Genesis donnait à l'Académie de musique de New York le dernier concert de sa tournée Selling England by the Pound. Peter Gabriel a marché jusqu'à un cinéma spécialisé dans les projections nocturnes de films d'avant-garde pour y voir El Topo, le western métaphysique d'Alejandro Jodorowsky qui va lui inspirer The Lamb Lies Down on Broadway enregistré d'août à octobre 1974, et sortie en novembre de la même année. Je vais l'écouter sans discontinuer tout l'été 1975. Quelques semaines plus tard, je vais me rendre au centre commercial Bobigny 2, au magasin de disques de Monsieur Berda et je vais repartir avec tout autre chose...

Kraftwerk : Autobahn

La première fois que j'ai écouté ce titre à la radio, j'ai confondu avec "Good Vibrations". Un samedi 28 février 1976 à 15 h, j'ai vu ceux qui se définissaient alors comme les Beach Boys de la Ruhr, faire un concert à l'Olympia, inoubliable, un spectacle de magie pure.

Pierre Vassiliu : Film

Pierre Vassiliu n'est plus dans sa maison d'amour, mais la fille en jupe longue qui pleurait sous un abribus vers la porte Dauphine écoute peut-être cette émission et cette chanson.

Claude Nougaro : Dansez sur moi

J'ai pleuré deux fois en apprenant la mort d'un chanteur : pour David Bowie et pour Claude Nougaro. Ici, avec des arrangements en mousseline de soie de Jean-Claude Vannier, cette walking bass diabolique et la batterie d'André Ceccarelli.

The 5th Dimension : Paper cup

Nous sommes en 1967. Jimmy Webb a 20 ans quand il écrit cette chanson et je n'en reviens toujours pas, car c'est d'une sophistication. C'est une pièce montée. Il y a eu beaucoup à cette époque de groupes vocaux comme les Mamas & Papas ou les Carpenters. Dans cette catégorie, je trouve que Jimmy Webb est vraiment un auteur et compositeur absolument prodigieux dont on n'a pas toujours pris la mesure.

Duke Ellington : The lord’s prayer

Ce qu'il y a de merveilleux en musique, c'est que parfois, on croit connaître un artiste et on découvre quelque chose de différent de ce qu'on en connaît. On connaît tous les standards de Duke Ellington, mais il y a quelques années, j'ai lu la biographie de Claude Bolling qui évoquait la dernière période de Duke Ellington, en particulier ses concerts de musique sacrée qu'il a fait tout au long de sa carrière. Il en a fait trois et "The Lord's Prayer" où il improvise au piano en 1975 à l'abbaye de Westminster. C'est probablement un de ses derniers concerts. Il est malade, il est face à Dieu et ces accords, je trouve que c'est toute la vie de Duke Ellington et c'est aussi tout ce que la musique peut faire de plus beau.

Tyrone Davis : Can i change my mind

Été 85. J'ai servi de chauffeur à deux reporters de guerre, Philip Buffon et Philippe Blondin, qui, après avoir suivi la guérilla karens en Birmanie, étaient et avaient décidé d'aller à Brighton filmer les mods. Le premier jour, dans un hippodrome canin sur les hauteurs de la ville, le rallye s'est ouvert et le DJ a passé la version d'origine de "Je t'aime moi non plus", avec les arrangements de Michel Colombier que je ne connaissais pas du tout. J'ai été sidéré, tout le reste du week-end, je n'ai entendu que de la soul, que des musiques somptueuses que je ne connaissais pas du tout.

Léo Ferré : Je t’aimais bien tu sais

Avec Léo Ferré, j'avais beaucoup de préjugés parce que je suis né en 1963 et c'était un peu comme Brassens, ce que pouvait apprécier les professeurs. C'est grâce à France Inter que j'ai eu une révélation tardive. Pierre Bouteiller l'avait passé. Je venais de faire l'album avec Michel Houellebecq et on ne savait pas du tout où on allait. En entendant "La solitude" de Ferré, je me suis rendu compte que c'est tout ce qu'on a essayé de faire. Dans l'alliage de la musique et du texte, c'est très réussi. C'est de la chanson par quelqu'un qui aime Ravel.

Nadia Boulanger : Lux aeterna

J'ai toujours eu un peu de problèmes avec le chant lyrique que je trouve souvent affecté, trop amplifié d'une certaine façon, parce qu'il fallait à l'époque, contrebalancer l'orchestre. Mais dans cette chanson, dans cette mélodie de Nadia Boulanger, c'est au contraire d'une clarté, d'une limpidité qui me touche énormément.

Serge Reggiani : Parler d’amour

Je n'ai pas su faire autrement, moi non plus. Serge Reggiani parlait d'amour, moi aussi.

Ashra : Sunrain

Je n'ai jamais été très techno parce que j'ai acheté cet album à Ajaccio en 1977 et qu'il est toujours aussi difficile de faire mieux.

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