Quand il ouvrira ses cadeaux, ce matin, aux pieds du sapin, votre neveu Théo aura, c’est sûr, les yeux qui brillent.
Un camion de pompier, un mécano géant, un microscope binoculaire… Exactement ce qu’il avait commandé sur sa liste ! Puis il regardera ses parents. Eux, ils n’avaient pas fait de liste, mais ils ont tout de même l’air content : dans leurs paquets, il y a des livres.
« Les livres en très bonne place sous le sapin cette année », titre le supplément ‘économie’ du FIGARO, en précisant que le marché de l’édition fait plus que résister à la vague numérique. Les rayons des bouquins sont ceux qui ont le mieux fonctionné ces dernières semaines, avec en tête des ventes les prix littéraires de l’automne. Notamment le Goncourt, le roman Chanson douce de Leïla Slimani, qui pourrait dépasser les 400.000 exemplaires.
Mais les hommes politiques cartonnent eux aussi, ainsi que le relève L’OBS. Déjà 50.000 exemplaires vendus pour Révolution, l’ouvrage d’Emmanuel Macron. Quant à L’Avenir en commun, du leader de « La France Insoumise » Jean-Luc Mélenchon, il a été tiré à 160.000 exemplaires et au Seuil, on assure que « ça marche très fort »… Et bien mieux, notamment, que le livre de Roselyne Bachelot, auquel Bernard Morlino taille, d’une phrase, un joli costard dans LE MAGAZINE LITTERAIRE… Le bouquin s’appelle Bien dans mon âge. Tout commence à 60 ans. « Mais ici tout commence page 1, et c’est déjà trop long », ironise le critique.
Nettement plus bienveillants sont les mots consacrés à la romancière turque Asli Erdogan, emprisonnée maintenant depuis plus de quatre mois. Le pouvoir lui reproche, entre autre, son soutien aux Kurdes. Son procès aura lieu le 29 décembre. Elle risque la perpétuité. Et quelques jours plus tard, ACTES SUD publiera les chroniques qu’elle écrivait dans un journal désormais interdit. Des chroniques dans lesquelles elle dresse un portrait saisissant de la Turquie d’aujourd’hui, pays qui semble revêtir chaque jour un peu plus les habits d’une dictature… Dans ses textes, Asli Erdogan explique sobrement qu’elle ne veut pas être complice, « Complice de ces rafales de balles qui s’abattent sur des femmes, des enfants, des vieillards cramponnés à un drapeau blanc. » Titre du recueil : « Le silence même n’est plus à toi. » Il paraitra le 4 janvier.
Cependant, ce matin encore, c’est bien l’esprit de Noël qui domine dans les journaux.
Un même titre à la Une de plusieurs quotidiens. En l’occurrence : LA PROVENCE, MIDI LIBRE et LA VOIX DU NORD. Un titre qui tient en deux mots : « Joyeux Noël », tout simplement… Un titre légèrement plus long dans LE PETIT BLEU D’AGEN : « Joyeux Noël à tous »… Rien, donc, de très original pour un 25 décembre.
Comme hier, certains font la part belle aux produits régionaux que l’on peut trouver lors des repas de fêtes. Le foie gras à la Une de CENTRE PRESSE, qui nous présente « le savoir-faire aveyronnais par le menu ». La coquille Saint-Jacques à la Une de SUD OUEST. La pêche du coquillage est très réglementée, et les marins n’ont pas le droit à l’erreur… Reportage à bord d’un chalutier de La Rochelle. Et dans NORD LITTORAL, c’est la recette du Plum pudding – un dessert de Noël typique de Boulogne et Calais, dessert hérité de la longue occupation anglaise… Un Noël gourmand également à la Une de NORD ECLAIR – gourmand et généreux : hier, un chef de Lille a offert un dîner de réveillon à plusieurs familles démunies. Sourires des invités, et sourire du restaurateur car, comme le note le journal, « la solidarité a encore plus de saveur à Noël ».
Et puis, ça rend heureux. Aider son prochain rend heureux. C’est que met en avant une étude britannique dont se fait l’écho le mensuel PSYCHOLOGIE. Se montrer sympa, précisent les chercheurs, ne transforme pas notre vie, mais elle l’oriente dans la bonne direction. Et même le simple fait d’être témoin de gestes bienveillants – des gestes de courage, des gestes de bonté – le simple fait de voir quelqu’un se comporter de façon altruiste peut avoir un effet super positif. Parce que cela déclenche en nous ce que l’on nomme une « émotion d’élévation ». Nous nous sentons grandis par ce que nous venons de voir et cela nous incite d’emblée à l’optimisme, tout en nous donnant envie de nous comporter mieux. En somme, la bonté serait donc contagieuse.
Dans le même magazine : une autre étude intéressante – cette fois, c’est une étude danoise, qui s’est penchée sur l’espérance de vie des jumeaux. Les monozygotes – ceux qu’on appelle les ‘vrais’ jumeaux. Or, figurez-vous qu’ils vivent plus longtemps que les autres. Dans leur immense majorité, les ‘vrais’ jumeaux atteignent l’âge de 90 ans. Et ce n’est, semble-t-il, pas une affaire de gênes, non : plutôt une affaire de psychologie. Leur longévité serait due au fait qu’ils savent pouvoir compter inconditionnellement l’un sur l’autre. Une conviction qui minore l’angoisse dans l’avenir – je ne serai jamais seul, conviction qui développe la confiance en soi et qui, en prime, minimise les comportements à risque – la sœur jumelle ou le frère jumeau faisant en permanence office de garde-fou.
Dans la presse, on notera aussi ce timide mea-culpa de Monseigneur Barbarin. Très timide mea-culpa dans les colonnes du PARISIEN… Interrogé sur les scandales pédophiles qui ont éclaboussé son diocèse de Lyon, il reconnait qu’il a manqué de réactivité : « C’est vrai, dit-il, que mon réveil a été tardif ». En effet, très tardif… Pour les victimes du père Preynat, soupçonné d’abus sexuels sur de jeunes scouts dans les années 80, l’archevêque, qui connaissait ce passé pédophile, aurait dû écarter le prêtre de tout ministère. Questionné par ailleurs sur la prochaine présidentielle, Monseigneur Barbarin appelle les catholiques à voter, je cite, « pour le candidat qui leur semble le plus apte à exercer la fonction ». Voter pour « le plus apte », l’idée n’est pas mauvaise.
Sur le site du POINT, vous lirez que François Hollande regrette un peu d’avoir renoncer à se présenter à un second mandat. Il pensait que sa décision permettrait à Manuel Valls de faire une percée, ce qui n’est pas le cas. « Mais vous aurez remarqué, a lancé à un proche le chef de l’Etat : Vous aurez remarqué que je n’ai pas annoncé mon retrait de la vie politique ! » Cela étant dit, depuis son annonce, il ne cesse de remonter dans les enquêtes d’opinion. Selon Michel Sapin – il l’a confié au JDD : François Hollande pourrait même finir par être aussi populaire que l’Abbé Pierre. Ça reste encore à vérifier.
Un autre homme politique dans l’actualité ce weekend. Un homme mis en cause par le site MEDIAPART : c’est Christian Estrosi, président de la région PACA et toujours 1er adjoint de la ville de Nice, qu’il dirigea près de neuf ans. Christian Estrosi qui, après l’attentat perpétré le 14 juillet sur la promenade des Anglais, n’a cessé de dénoncer les failles de l’Etat. Le soir de la fête nationale, un homme a foncé dans la foule au volant d’un poids-lourd. Revendiqué par le groupe Etat Islamique, cet acte terroriste a fait 86 morts et des dizaines de blessés. Or, ce que révèle l’enquête d’Ellen Salvi et Matthieu Suc, c’est que si failles il y a eu, c’est surtout du côté de la police municipale. En effet, le terroriste a pu procéder à différents repérages – le 11, le 12 et le 13 juillet. A trois occasions, et durant, au total, une trentaine de minutes, il a même conduit son 19 tonnes sur le trottoir de la promenade des Anglais, pour calculer ses trajectoires le soir de son crime. Toutes les scènes ont été filmées par les caméras de surveillance, et malgré l’arrêté interdisant la circulation de véhicules de cette taille à cet endroit-là, la police municipale de Nice n’a pas réagi.
On se rappelle qu’au lendemain de l’attentat à CHARLIE HEBDO, Christian Estrosi s’était étonné que la préfecture de Paris n’ait pas réussi à appréhender les tueurs. Lors d’un conseil municipal, il avait tenu ce propos : « Je suis à peu près convaincu que si Paris avait été équipé du même réseau de vidéosurveillance que le nôtre, les frères Kouachi n’auraient pas passé trois carrefours sans être interpellés. » Mais ce qui apparait dans l’enquête de MEDIAPART, c’est que le réseau niçois n’a pas empêcher la tragédie d’il y a six mois. Une enquête qui montre en outre que le terroriste était déjà venu sur les lieux une année plus tôt. On a retrouvé des photos dans son ordinateur – photos prises au moment de la fête du 14 juillet 2015. Ce soir-là, il avait d’ailleurs fait un selfie, portrait où on le voit tout sourire aux côtés du maire de l’époque – tout sourire également ; oui : Christian Estrosi. Lequel a annoncé hier qu’il allait porter plainte contre MEDIAPART. Une plainte pour diffamation. On ne sait pas encore si celle-ci a été déposée.
Enfin, plus léger pour finir, avec les conseils avisés du site SLATE.FR : petit guide de conversation et de bien-vivre pour votre repas de Noël : si c’est vous qui recevez, installez les enfants à une table à part. Installez les ados à une table à part, faîtes une bûche sans lactose, mais aussi sans gluten, pour les intolérants. Acquiescez très aimablement quand votre sœur jure que son fils a tous les symptômes du surdoué – même si vous le trouvez sur-con. Et simulez la surdité, voire une crise d’épilepsie si quelqu’un lance un débat sur le burkini ou sur le temps de travail des profs…
A l’inverse, si vous souhaitez vraiment pourrir le déjeuner, et que cette fois vous êtes invités, voilà ce le type de comportement que vous pouvez adopter : arriver très en retard sans prévenir personne, oublier le champagne – « C’est mamie qui devait l’apporter ! », allumer la télé parce qu’il y a du foot anglais, évoquer le retour de la Manif Pour Tous, le trou de la Sécu, Donald Trump, le 49/3, ou encore obliger son neveu Théo à finir son assiette avant de lui lancer : « T’as cinq ans et tu crois encore au Père Noël ? »
Eh bien oui Théo, il y croit. Et sa cousine aussi, d’ailleurs. Alors joyeux Noël, Théo ! Joyeux Noël à tous !
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