Métro, politique et télé : ça sent quoi ?
On a l’habitude de dire que ça ne sent pas la rose dans le métro parisien. Mais, dès lors, ça sent quoi ? « La transpiration », répond-on souvent de façon mécanique. Et, pourtant, ce n’est pas que cela. C’est bien plus que cela. Plus subtil, compliqué, mélangé, passionnant, comme en témoigne le récit que livre Céline Ellena dans l’étonnante revue NEZ – NEZ, une revue olfactive, dont sortira la semaine prochaine le deuxième numéro. Céline Ellena se définit comme une « voyeuriste des odeurs ». Ce qui signifie qu’elle exerce le métier de parfumeur. Elle est créatrice de parfums, et pendant trois heures, elle s’est donc baladée dans les couloirs et les sous-sols de la RATP, inspirant, gobant, grimaçant et notant dans un carnet tout ce qui lui passait le bulbe.
Des odeurs de photocopieuse, de banane ou de pain grillé. Des odeurs de plâtre, de moisissure ou de fraise… Elle dresse le portrait olfactif d’une quinzaine de stations. Station République : effluves de désinfectants des sièges et des sols, relents des machineries, shampoing à la vanille, miasmes de l’urine des rongeurs, huile de friture et beurre noisette… Barbès-Rochechouart : fientes de pigeons, remugles de cambouis, eau de toilette à la lavande, détergent aromatisé au muguet citronné. Station Pont-Marie : bouchon de liège et serpillère. L’odeur de la maison de papi et mamie. C’est un reportage éclairant, qui donne à voir et à sentir différemment des lieux qu’empruntent tous les jours quatre millions de personnes. Et c’est donc à lire dans l’aromatique revue NEZ.
Toutefois, dans les journaux ce matin, pas d’odeur de photocopieuse, de banane ou de pain grillé… Ce qui domine plutôt, ce sont les parfums de la campagne – de la campagne électorale, la campagne pour l’Elysée… Même si, dans la presse régionale, les Unes sont surtout consacrée à la cérémonie d’hommage organisée hier à Nice.
« Des roses blanches pour les victimes » titre LA DEPÊCHE DU DIMANCHE. 86 victimes et des centaines de blessés. « Hommage en 86 roses », commente LE COURRIER PICARD, tandis que LA PROVENCE évoque « 86 roses pour ne pas oublier ». Dans LE FIGARO, on peut lire cette citation de Margueritte Duras : « La confirmation de la tristesse est une consolation ». Phrase tirée de son roman « Un homme est venu me voir ». Et c’est bien une confirmation de la tristesse – donc une consolation – qu’apportent à leur manière les cérémonies d’hommage, comme celle qui a eu lieu pour les victimes de l’attentat du 14 juillet. Une cérémonie poignante, mais une cérémonie apaisante, peut-on lire ce matin… Un climat « apaisé », et un chef de l’Etat qui a assuré que « l’entreprise maléfique » des terroristes « échouerait ».
A ce propos, LE JDD révèle ce matin ce qu’ont coûté aux terroristes leurs tueries de l’an dernier. Chiffres donnés par une étude du centre d’analyse du terrorisme, après avoir épluché les comptes de Coulibaly, Kouachi, Abdeslam et consorts… Armements, logements, véhicules, faux-papiers… Les tueurs de CHARLIE HEBDO et de l’Hyper-casher auraient dépensé moins de 26.000 euros pour préparer leurs attentats. Ceux du Bataclan et des terrasses du XIème auraient, eux, dépensé 82.000 euros. Quant au budget de l’attentat perpétré sur la promenade des Anglais, il n’a pas dépassé les 2.500 euros, une somme suffisante pour acheter une arme et louer pendant trois jours un camion de 19 tonnes. Terrorisme low coast, en somme. Mais, au final, un crime de masse.
Les journaux soulignent aussi que dans son discours, François Hollande a salué le travail effectué par les magistrats. Des magistrats qu’il avait sacrément vexés, les taxant de « lâcheté » - une phrase rapportée dans le livre écrit par deux journalistes du Monde, livre judicieusement nommé « Un président ne devrait pas dire ça ». Mais en l'occurrence, il l'a dit. Et il a dit aussi multitude de choses dans ce pavé de 700 pages qui, avant même sa sortie, a sidéré, voire consterné les commentateurs politiques, et même les élus de son camps. D'où la Une, ce matin, du JOURNAL DU DIMANCHE : « L’après-Hollande a commencé ».
Selon le sondage IFOP publié par l’hebdomadaire, près de 9 Français sur 10 estiment qu’il ne doit pas se représenter à l’élection de mai prochain. Ulcérés par la publication de ses confidences, plusieurs dirigeants du PS en appellent même maintenant directement à Manuel Valls. C’est le cas, notamment, du député de l’Essonne Malek Boutih : pour lui, le Premier ministre est aujourd’hui le seul à pouvoir incarner une candidature alternative à celle de François Hollande. Photo du président de la République à la Une de POLITIS : « Et s’il n’y allait pas ? », s’interroge l’hebdomadaire, précisant que l’hypothèse, devenue désormais plausible, rebattrait les cartes d’un jeu qu’on croyait verrouillé.
Cependant, il en est un qui milite haut et fort pour que le chef de l’Etat candidate à sa succession : c’est Jean-Luc Mélenchon. Oui, explique-t-il au JDD, Hollande doit se représenter, c’est même « nécessaire pour la démocratie ». Et l’on perçoit ici comme une petite délectation à l’idée du score que pourrait obtenir le chef de l’Etat. Sachant qu’aux yeux du député européen, tout candidat PS qui aurait gouverné avec lui doit maintenant assumer « la sanction collective ». Dans son viseur : Arnaud Montebourg. Pour Mélenchon, aucun ancien ministre ne peut dire : « Moi, je ne suis pas impliqué, ni responsable, ni coupable, amnistie générale ! » Quant à Emmanuel Macron, il estime qu’il est un « libéral de droite » et le compare à « Attila » face aux « conquêtes sociales ». Il veut, dit-il, « détruire tous les acquis des salariés ». Annonçant par ailleurs que, pour l’heure, il a recueilli 270 parrainages pour la présidentielle, il répète que le PS veut « bloquer sa candidature ».
Une candidature qu’il peaufine en ce moment dans le Nord. C’est ce midi, à Saint-André-Lez-Lille, qu’il conclura la convention de son mouvement ‘La France insoumise’. « Heureusement qu’on est là ! » : voilà ce qu’il devrait dire, sans oublier de préciser qu’il s’exprime sur « les terres natales du mouvement ouvrier ». Pendant 36 heures, un millier de participants, venus de toute la France, auront planché sur le programme et les thèmes de sa campagne. Une ambiance studieuse que décrit Sébastien Leroy dans LA VOIX DU NORD. « Réunis par table de six, les ‘insoumis’ comme ils se désignent font tournoyer leurs stylos sur des carnets à spirale. On est à l’essorage final d’un travail de propositions citoyennes recueillies depuis maintenant huit mois : de l’abrogation de la loi Travail à la mise en œuvre d’une nouvelle constitution, en passant par la renégociation des traités européens. » Pour l’essentiel, les rédacteurs sont issus du Parti de gauche. D’autres sont issus du PC, mais tous partagent le même rêve : un Podemos à la française.
Et à droite, « Juppé a-t-il déjà gagné ? » C’est la question que pose à sa Une LE PARISIEN… A cinq semaines du premier tour de la primaire, le maire de Bordeaux conforte son avance sur Nicolas Sarkozy, qu’il battrait même, et largement, au second tour. D’après l’institut IPSOS, il recueillerait 61% des voix, contre 39% pour le mari de Carla.
Au chapitre politique, on notera par ailleurs cet appel du pied de Macron à Juppé. Dans une interview publiée sur le site de CHALLENGE, Emmanuel Macron évoque les « convergences » qu’il a avec lui et juge même qu’Alain Juppé incarne ce qu’il appelle une « droite progressiste » - ce n’est pas une expression qu’on entend très souvent…
On notera également cette déclaration de Ségolène Royal. « Il vaut mieux arrêter les frais ! » C’est dans LE JDD, et elle s’exprime ici sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Alors que l’expulsion des opposants présents sur le site est programmée pour cet automne, la ministre de l’Environnement alerte une nouvelle fois sur « le risque d’une évacuation par la force ». Devant le blocage de la situation, Ségolène Royal en appelle au « bon sens » de chacune des parties, et notamment à celui des « élus locaux ». Autrement dit, on laisse tomber : c’est ce qu’elle préconise, plaidant pour un « aménagement de l’aéroport actuel ». Pas certain que Jean-Marc Ayrault, pas plus que Manuel Valls, apprécie le propos. Ça sent l’explication de gravure dans les rangs du gouvernement.
Et pour Donal Trump, ça sent quoi ? Un peu la fin, apparemment… Pour preuve, les derniers arguments de sa campagne. Il demande maintenant que soit réalisé un contrôle antidopage pour Hillary Clinton. Ses partisans ne sont d’ailleurs pas vraiment plus inspirés. Comme le relève Claire Levenson sur SLATE.FR, ils expliquent que les remarques sexistes de Trump ne sont finalement pas pires que les chansons de Beyoncé, par exemple, laquelle Beyoncé soutient la candidate démocrate. Mais, jusqu’à preuve du contraire, Beyoncé n’est pas elle-même candidate à la Maison Blanche.
Enfin, je vous conseille la lecture, sur le site LES JOURS, de l’enquête de Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts sur le climat à I-Télé… La direction de la chaîne de Vincent Bolloré est prête à payer les journalistes qui s’opposent à l’arrivée sur l’antenne de Jean-Marc Morandini, actuellement mis en examen pour ‘corruption de mineur’… La chaîne est donc prête à payer les journalistes mécontents pour qu’ils s’en aillent. Et s’ils restent, ils se taisent. Ça sent la menace, ça sent l’intimidation. Et ça sent même bien pire encore, mais je ne peux pas décrire : j’ai le nez bouché.
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