Les faits divers et des héros

France Inter
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Des accidents, des escroqueries, des meurtres, des kidnappings, des braquages, des mauvais garçons, des corbeaux, des témoins qui se taisent, des caves, des disparitions : voilà certains des ingrédients de ce que qu’on appelle « un fait divers ».

C’est le thème central du dernier numéro de CA M’INTERRESSE HISTOIRE : « 36 faits divers de l’Antiquité à nos jours »__. On nous raconte l’assassinat du duc d’Orléans, dépecé sur la voie publique en 1407, le poète Villon qui poignarde un notaire, le suicide du cuisinier François Vatel, une bombe à l’Assemblée en 1893, le vol de la Joconde, l’enlèvement du baron Empain, lequel est mort avant-hier à 80 ans… C’est bien connu, ces histoires-là font vendre du papier. On dit que les lecteurs en raffolent et les téléspectateurs aussi : « Chroniques criminelles », « Mémoire du crime », « Faites entrer l’accusé », on ne compte plus les émissions traitant avec délectation du noir et du sordide de l’humanité. « Mais pourquoi donc les faits divers nous fascinent ? », interroge la revue. Réponse : parce qu’ils questionnent notre rapport au bien et au mal. Ils nous font peur en même temps qu’ils nous rassurent. L’historienne Mara Goyet résume : « Les faits divers remplissent le même rôle que les contes. La seule différence, c’est qu’ils sont vrais. »

Et tous les matins, des faits divers, on en trouve donc dans la presse. Dans LE PARISIEN, par exemple. L’histoire de ce prêtre, qui a donné une gifle à un petit garçon de deux ans qu’il devait baptiser. C’était dimanche à Champeaux, en Seine-et-Marne. Il était excédé par les pleurs de l’enfant. La vidéo de la scène a provoqué l’indignation sur les réseaux sociaux. Le diocèse de Meaux évoque « une perte de sang-froid qui s’explique mais ne s’excuse pas ». La sanction est tombée. Âgé de 89 ans, le vieux prêtre a été suspendu de célébration : baptêmes, communions, mariages… 

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On tourne la page : « Prise de bec aux Moineaux ». « Les Moineaux », c’est le nom d’une école privée à Paris. La directrice de l’école est accusée de brutalité. Harcèlement de son équipe et humiliation des enfants. Une enquête a été ouverte.

Page suivante : autre enquête. Cette fois, cela concerne les frères Bogdanov, tous les deux mis en examen pour escroquerie sur personne vulnérable. Une escroquerie qui pourrait atteindre 1 million d’euros, mais ils se défendent dans le journal : « Nous sommes victimes d’une réalité parallèle », disent-ils. Et tout le monde sait qu’ils s’y connaissent en la matière.

Des faits divers, on en trouve aussi dans la presse régionale. Une histoire de viol dans LA REPUBLIQUE DES PYRENEES : « 7 ans de prison pour l’ancien instituteur » Le journal relate par ailleurs qu’un compteur LINKY s’est embrasé dans un immeuble à Pau. Une histoire de bébé secoué dans LA DEPÊCHE DU MIDI : c’est le calvaire de la petite Rose. Elle avait six mois, et elle est décédée après avoir été secouée par sa nourrice… Mais il y existe également des « faits divers » plus joyeux – et c’est le choix que fait ce matin LA VOIX DU NORD qui, à sa Une, présente le visage d’un héros : « Benjamin, un héros ordinaire ».Benjamin est pompier, et c’est simplement parce qu’il a bien fait son travail que le quotidien le qualifie de « héros ». Le 24 décembre, le soir du réveillon de Noël, il était de service au centre du traitement de l’alerte de Villeneuve d’Ascq, et c’est lui qui a pris l’appel d’Aurore, laquelle expliquait que son père venait de faire un malaise. De suite, le sergent-chef – 18 ans de métier, lui a demandé de faire un massage cardiaque. Et il lui a parlé pendant près de douze minutes, l’accompagnant dans ses gestes, le temps que ses collègues arrivent sur place. L’homme a été sauvé. Il témoigne dans le journal et sa fille a souhaité remercier le pompier qui a lui a prodigué ses conseils pendant près de douze minutes. Elle a envoyé un message. Le quotidien précise qu’il est rare que les pompiers reçoivent des remerciements.  

Dans LA CROIX, c’est d’un autre héros qu’on nous parle. Un homme dont on parlait nous-mêmes il y a quinze jours. Nous évoquions les squares qui portent désormais le nom d’Arnaud Beltrame. Depuis, j’ai découvert que de grandes artères avaient aussi été baptisées de la sorte. Ainsi, à Limoux, dans l’Aude, un boulevard Colonel Arnaud Beltrame a été inauguré, boulevard qui donne accès à la gendarmerie. La députée Mireille Robert lui a rendu hommage, précisant qu’il était, je cite, « un soldat de la loi, un héros qui a sauvé l’honneur de l’humanité… Puisse l’exemple de sa bravoure et de son dévouement inspirer la jeunesse française. »

Son nom a surgi il y a exactement trois mois. Le 23 mars dernier, au Super U de Trèbes, une prise d’otage : Arnaud Beltrame se substitue volontairement à une femme, prise en otage. Puis après trois heures de tête-à-tête avec un terroriste se réclamant de DAECH, il est blessé par balles et égorgé… Il décèdera à l’aube le lendemain matin. Et ce que nous raconte ce matin LA CROIX, c’est que depuis la mort héroïque de ce gendarme, un flux de visiteurs se rend sur sa tombe, à Ferrals-les-Corbières. Des hommes, des femmes qui, parfois, viennent de très loin. Ils se recueillent, ils prient, le remercient. Certains parlent même de lui comme d’un saint

Un tout autre sujet fait à la Une, ce matin, du MONDE, de LIBERATION et du FIGARO. Il s'agit des élections qui auront lieu demain en Turquie, pour élire les députés et, sans doute, réélire le président... Cela dit, comme l'expliquent l'ensemble des journaux, ces scrutins s'annoncent plus serrés que prévu pour Erdogan et son parti.  Sur fond de d’économie en berne, la lassitude a gagné une partie de la population, et si le parti kurde remporte plus de 10% des voix, le dirigeant truc pourrait bien perdre sa majorité. « Elections à risque pour Erdogan », titre LE MONDE... « Le pouvoir d'Erdogan à l'épreuve des urnes », confirme LE FIGARO... « Sale temps pour le sultan », renchérit LIBERATION.

De son côté, AUJOURD'HUI LE PARISIEN, journal populaire, évoque un sujet, disons, plus grand public, celui des discriminations à l'embauche. « Recalés à cause de leur physique ». Trop corpulents, pas assez grands : de nombreux postulants sont écartés lors de recrutement, et le Défenseur des Droits, Jacques Toubon, encourage les victimes à parler et à porter plainte. Deux d'entre elles s'expriment dans les colonnes du journal. Joris, qui mesure 1 mètre 50, s'est vu reprocher sa taille alors qu'il postulait à un emploi d'agent d'entretien dans un hôpital. On lui a dit que, malheureusement, il ne pourrait pas nettoyer les plafonds. Quant à Réjane, elle a vécu des années de chômage après une brutale prise de poids. Elle dénonce « une ostracisation au quotidien », des postes qui lui ont échappé, vraisemblablement parce qu’on la trouvait trop grosse. 

Cela dit, on parle aussi de sujets plus légers dans la presse. Ça sent les vacances et le soleil… Un concours de bûcheronnage dans LE JOURNAL DE SAÔNE ET LOIRE : c’est le festival Euroforest, à Saint-Bonnet-de-Joux… De la trottinette dans NORD ECLAIR. Une association organise ce samedi à Lille une fête de la trottinette. Objectif : entrer dans le Guiness Book des records en réunissant un maximum de participants... Dans LA MARSEILLAISE, autre concours : le championnat de France de barbecue, qui aura lieu ce week-end aux Saintes-Maries-de-la-Mer... Puisqu’on en est au sport, L'EQUIPE nous donne des nouvelles des Bleus, qui mardi, joueront leur troisième match de la Coupe du Monde en Russie. Ils tournent en rond, s'ennuient. Dès lors, ils jouent aux cartes et aux jeux vidéo entre les entraînements… 

Enfin, dans LA PROVENCE, un dernier fait divers : des poissonniers de Marseille ont récemment été verbalisés pour avoir omis d'indiquer le nom scientifique, en latin, des espèces pêchées. C'est, paraît-il, une obligation européenne ! « Le Vieux port en perd son latin », titre à sa Une le journal. On en perd le nôtre également. 

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