(Patrick Cohen) Dans la presse ce matin : classement et déclassement
(Bruno Duvic) On peut les apercevoir derrière les révolutions arabes, le gaz à effet de serre, la baisse du taux de fertilité. Elles se sont emparées de l'Asie, d'une partie de l'Amérique du Sud et s'attaquent désormais à l'Afrique. Elles, ce sont les classes moyennes.
Dans une double page, Le Monde examine cette révolution de moyen terme qui explique en partie pourquoi l'Asie est prête à bouffer le monde, quand l'Europe ne ronge que son frein.
Classe moyenne dans la zone Asie Pacifique : 500 millions de personnes en 2009. Plus de 3 milliards en 2030.
La clase moyenne kezaco ? Les définitions sont innombrables, écrit Alain Faujas. Le meilleur instrument de mesure reste leur comportement. Elles gagnent assez pour ne plus se contenter du minimum, elles ont les moyens d'éduquer leurs enfants, elles vivent en ville, madame se met au travail et le couple a moins d'enfant.
- Nombre de bébés par femme au Maghreb et au Moyen Orient : 7 en 1960, 2.9 à la fin des années 2000. - Marché de l'Education en Inde : +60% entre 2008 et aujourd'hui.- Importation de vin en Chine : presque rien en Chine en 2000, 800 millions de dollars en 2010
Les classes moyennes achètent des produits jugés trop chers ou inutiles jusque là : le chocolat, la viande, la machine à laver, le billet d'avion... Elles bichonnent aussi la pollution et le gaz à effet de serre.
Révolution économique, écologique, politique aussi. Quand vous avez de quoi vivre, petit à petit vous éprouvez de nouveaux besoins. Besoins sociaux. Les printemps arabes, les manifs anti Poutine en Russie, la mobilisation contre la corruption en Chine ou contre le viol en Inde sont aussi l'effet de cet éveil des classes moyennes.
Et l'Europe ? Stagnation : selon les prévisions, le nombre de personnes appartenant à la classe moyenne ne bougera quasiment pas d'ici à 2030.
L'Europe stagne et la France déprime...
...Stagne à un niveau de vie beaucoup plus élevé, c'est vrai. « Le moral des ménages français touche le fond ». Article de L'Humanité qui reprend l'étude de l'Insee publiée hier. Les Français n'ont jamais été aussi pessimistes sur leur niveau de vie future.
On peut les comprendre à la lecture des Unes de la presse ce matin :
- Les Echos : « Le chômage proche d'un record absolu »- Libération : c'est « La croissance durable du chômage »- et « l'impuissance du gouvernement » pour Le Figaro .- Déclinaison locale. L'Union de Reims, par exemple. Dans la Marne, le chômage grimpe de 15% en un an.
Quelles pistes quelles solutions ? A chacun sa niche. Vous cherchez un emploi, à côté de Pôle Emploi, Libé met en avant les plans locaux, les fondations, les associations qui peuvent vous aider.
Dans les colonnes du Figaro , l'économiste Nicolas Bouzou s'en prend aux normes excessives, dans le bâtiment notamment, et à ces règles qui limitent la concurrence dans certaines professions - taxi vétérinaire, auto école. La voie juridique, c'est un moyen d'enrayer le chômage sans croissance et sans argent publique. Assouplir, libéraliser, l'édito du Figaro enfonce le clou : « Crevons la baudruche publique ! (…) Un prétendu modèle social qui produit plus de 3 millions de chômeurs n'en est plus un. »
L'Humanité s'insurge au contraire contre cette tentation de la flexibilité et contre les mesures pour la compétitivité des entreprises. « Le temps passe et nul ne voit les effets bénéfiques des mesures de relance de la compétitivité » Et l'accord qui flexibilise le marché du travail bientôt au parlement est « un marché de dupes ». Plutôt que de libéraliser, il faut protéger l'emploi : bonus malus sur tous les contrats précaires, droit de véto des salariés sur les plans de licenciements...
Lâcher la bride aux entreprises ou protéger les salariés ? Le gouvernement a choisi un moyen terme, entre le crédit impôt compétitivité et les contrats aidés. L'édito de Libé se donne un peu de temps avant de porter un jugement. Pour le reste, sale période dans la presse pour le pouvoir. Hollande pour L'Express , c'est « La débacle ».
Retour aux classes moyennes, avec un article de Rue89
C'est une jeune femme de 32 ans qui, a priori, n'a pas à se plaindre. Deux salaires dans la famille, le foyer gagne plus de 5.000 Euros par mois. Il y a 3 enfants. Elle appartient à ces familles aisées qui seront moins aidées si les projets du gouvernement se confirment.
C'est là que le problème arrive. « Moins d'aides aux familles aisées : je devrais arrêter de bosser » écrit-elle.
Cette riveraine de rue89 qui s’appelle Bérangère détaille ses revenus, les frais de garde, les allocs, les exonérations aujourd'hui et la situation demain si les mesures du gouvernement sont adoptées. Travailler, au lieu de lui rapporter de l'argent, lui coûterait alors 500 Euros par mois. Il faudrait arrêter : « nous ne sommes pas assez riches pour que je travaille ».
Conséquence : licenciement de l'assistante maternelle, arrêt de sa carrière, coup de frein sur les dépenses de la famille. « Depuis 7 ans et la naissance de mon premier enfant, je me bats pour concilier vie professionnelle et familiale pour en arriver là ? »
De la complexité de bien doser les mesures... Et de bien doser une politique. A la veille de son intervention télévisée, voilà François Hollande face au « mystère social » comme l'écrit Cécile Cornudet dans Les Echos .
Chômage et crise, « pourtant les syndicats ne mobilisent pas, ce sont les catholiques qui remplissent l'avenue de la Grande armée.Français pessimistes, alors que les chercheurs Emmanuel Todd et Hervé Le Bras (qu'on entendait vendredi dernier dans le 7/9 sur France Inter) estiment qu'ils vont mieux qu'il y a 30 ans. Les élites sont à la fois contestées et déchirées.
"François Hollande peut-il jouer ce qui était sa meilleure carte naguère ? Celle d'un président qui apaise une société malmenée. A moins qu'il prenne le risque d'attiser le procès en immobilisme qui lui est fait. »
Synthèse dans une raffarinade politico météorologique, toujours dans Les Echos . Jean-Pierre Raffarin, donc : « Si la grogne sociale rejoint la colère sociétale, le printemps sera agité »
Un mot de football pour terminer ?
Déclassement... La France perd la tête de son groupe dans les qualifications pour la coupe du monde après sa défaite 1/0 face à l'Espagne hier.
« L'Espagne remet la France à sa place », titrent Les Dernières Nouvelles d'Alsace .
« Petite leçon d'espagnol » pour La Dépêche du Midi .
« La maturité de la Roja est fatale aux Bleus » pour La Montagne .
« Cette Espagne est impitoyable », constate L'Equipe .
« Selon toute vraisemblance, écrit Vincent Duluc dans le quotidien sportif, l'équipe de France devra disputer les barrages pour aller à la prochaine coupe du monde. » Et pourtant « Elle a été souvent très dangereuse sur ses remontées de balle, parfois brillantes (…) Elle a livré un gros match, et il n’est pas très difficile de voir ce qui lui a manqué : un peu d’efficacité, un peu plus de qualité défensive et un soupçon de réussite (…) Les Bleus sont probablement atteints, pour avoir beaucoup rêvé, mais ils progressent, leur visage évolue, leur qualité collective aussi.»
A demain
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