Le Monde s'enthousiasme pour un pianiste de 16 ans "éblouissant de tact et de fureur", Le New Yorker raconte la dispute d'universitaires américains autour du caractère "blanc" de la musique classique... Dans Libération, Robert Badinter, artiste de la conscience, analyse l'enjeu et les techniques des procès filmés.
On parle de musique...
Et dans le Figaro parle une vedette du piano, le chinois Lang Lang, qui a attendu plus de vingt ans pour oser enregistrer un monument baroque, les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach, qu'il y a une génération Glenn Gould avait immortalisée... Quand il a découvert, dit-il la liberté, la noirceur et la légèreté que Gould avait insufflé à l'œuvre, Lang Lang a compris que Bach n'était pas seulement cette contrainte qu'on lui enseignait enfant et il a laissé son répertoire romantique pour à son tour tester sa liberté aux variations, il en livre une version que la Voix du Nord nous disait la semaine dernière lente, mystique et intérieure, et il éclaire sa démarche dans une interview au Figaro, que vous prendrez le temps de lire, c'est un texte sur la maturation d'un homme et la quête d'une vérité...
Lang Lang a enregistré les variations à Berlin mais juste avant, il était allé à Leipzig "pour me rapprocher le plus possible de Bach. De son univers. De sa vie"... A Arnstadt, où Bach avait été organiste de 1703 à 1707, il avait joué sur l'orgue du maitre, il avait compris que Bach composait "avec tout son corps" et compris aussi qu'en composant ses variations, Bach n'avait pas en tête seulement le son du clavecin... Et ayant compris cela, Lang avait joué les Variations dans l'Eglise Saint-Thomas de Leipzig où Bach est enterré... "J'ai cherché ce son d'orgue baroque dans ma tête. Les vibrations que j'ai ressenties en me tenant à quelques pas de sa sépulture conféraient à ce moment une dimension spirituelle unique..." Lang Lang livre au public deux versions des variations, celle du studio de Berlin, mais aussi celle de l'église Saint Thomas, dont l'acoustique donne un son de vieux disque dit-il... J'ai retrouvé sur le site de New York Times des photos de Lang Lang à Leipzig, les mains jointes devant la tombe de Bach, et puis au piano yeux fermés, et expliquant au journal que la musique de Bach vous amène à un autre niveau de la pensée...
Il surjoue peut-être, cette star mondiale, dont Paris-Match, c'est un signe, a souvent raconté la saga et aussi le mariage princier l'an dernier, Lang Lang qui jouait disait Barenboïm comme un chat qui aurait douze doigts, mais qui peut-être avec Bach a rencontré plus grand que lui...
La musique nous prend ce matin, et aussi dans mots. Le Monde s'emporte pour un pianiste de 16 ans, "pâle figure hoffmannienne, visage et cheveux longs, look pseudo-romantique avec chaîne et gilet, le jeune homme évoque quelque avatar de Chopin" dit la journaliste marie-Aude-Roux de Yoav Levanon, qui est venu jouer à Toulouse Mendelssohn, Chopin et Liszt, et lisant encore on voudrait y être. "L'Israélien possède un piano foudroyant, des résonances dont la puissance dilatée s'élance en tournoyant sous la coupole étoilée du chœur, comme s'il voulait se fondre dans un vertige diluvien", et puis encore ceci : "La suite est un éblouissement, de tact et de fureur, de virtuosité et de griserie, d'une souveraine fluidité dans l'articulation, et plus encore d'une époustouflante science du récit"...
Dans Nice-Matin la musique nous reprend comme un ballet fantôme, et nous reviennent Berlioz, Liszt, Verdi, Rossini et le sublime Paganini qu'on surnommait pour sa dextérité l'archet du Diable... Tous ont fréquenté le salon musical d'un comte mélomane du XIXe siècle, Eugène de Cessole, qui accueillait les maitres dans son palais niçois, et pour leur hôte, ils laissaient sur un livre d'or des signatures musicales, leur paraphe ourlé de dessins et de notes originales, des partitions uniques et précieuses retrouvées et oubliées dans un livre, rêvons-nous loin d'aujourd'hui aux concerts anciens...
Mais la musique n'échappe pas à l'actualité...
Et le rêve cesse alors, et dans le le New Yorker, donc en anglais, une longue enquête qui mérite d'être traduite raconte une autre déclinaison des polémiques raciales qui sont le lot des Etats-Unis... Celle -ci déchire des universitaire autour du caractère idéologiquement blanc de la musique classique, en dépit de l'amour que lui portaient des grandes figures des causes noires, Marin Luther King écoutait Lucia di Lamermoor de Donizetti sur la route de Montgomery, Alabama, où commençait son combat, WEB Dubois militant des droits civiques puis prophète d'un retour en Afrique des anciens esclaves aimait Wagner, pourtant raciste, mais dont la musique était indispensable à quiconque voulait comprendre la vie... Mais au-delà de l'amour, vivent nos disputes. Un chercheur nommé Philip Ewell, a revisité le parcours de l'homme qui a fondé la théorie musicale moderne, un autrichien du siècle dernier nommé Heinrich Schenker, qui n'était pas seulement théoricien mais aussi raciste, contre les noirs, et qui, bien que juif, professait la supériorité germanique et regrettait qu'un Hitler ne soit pas né à la musique, il aurait exterminé les marxistes musicaux... De ces élucubrations, Philip Ewel conclut que la théorie musicale est par elle-même raciste ou imprégnée de domination blanche, on lui répond, on s'enflamme, c'est un air connu.
On l'admettra donc l'art ne vit pas hors son siècle. Mais il peut nous faire sourire. Dans Nord Littoral, j'apprends que le curé de l'Eglise Saint-Pierre veut ranimer son église en l'offrant au Street art, des fresques joyeuses pourraient-elles ramener les fidèles dans l'édifice gris... On pourrait aussi y installer des panneaux solaires, se dit l'abbé Poidevin...
A propos de Street art, Street Press, sur internet, vient nourrir notre méfiance envers les multinationales. A Paris, un pan de mur dévolu aux artistes de rue a été recouvert par une publicité sauvage pour Amazon, et des gros bras costauds ont monté la garde devant la publicité, pour empêcher les graffeurs et autres poètes de la recouvrir...
Le Monde consacre un long article à une star contemporaine, Super Mario, le visage moustachu des jeux Nintendo, a trente-cinq ans, la pop culture est irréfutable.
Et on termine avec un autre artiste.
Au visage marqué de rides et aux yeux brûlants à la Une de Libération, Robert Badinter en artiste de la conscience, qui ouvre un dossier sur l'enjeu des procès filmés, c'est le cas du procès des attentats de 2015 qui se tient à paris. Badinter garde des sceaux ouvrit ce champ du possible, il en ressentit la nécessité en voyant des images d'archives du procès du Maréchal Pétain, qui pâlit quand son ancien premier ministre Pierre Laval entra dans la salle, redoutant que son témoignage mette à mal sa défense...
Il explique aussi, Badinter, que la captation du procès doit être neutre, qu'il ne s'agit pas de l'œuvre du réalisateur mais de faire comprendre, par de simples plans fixe, le point de vue du juge... L'art de filmer n'est pas innocent.
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