Du Monde, de Libération, de l'Obs, du New York Times nous revient Juliette Greco dont Miles Davis n'oublia jamais le dos, la silhouette. Du Figaro et du Progrès nous viennent Pierre Troisgros et un saumon à l'oseille . De l'Equipe et de Libération nous viennent un boxeur né du peuple dont le crâne bouge sous les coups.
On parle de la mort...
Que Juliette Greco avait souvent appelée sur scène en chantant le J'arrive de Brel, elle en avait un jour au milieu de son tour de chant oublié les paroles, c'était en 1990 à l'Olympia, trente ans déjà, Greco n'acceptait pas le prompteur , cet avaleur de mémoire se souvient le Monde et le trac la consumait, elle semblait prier quand elle se concentrait, dans sa loge rangée minutieusement raconte libération, elle cultivait disait-elle sa terreur... A l'Olympia, elle avait repris la chanson depuis le début et le public l'avait applaudie.. "J'arrive, j'arrive C'est même pas toi qui es en avance C'est déjà moi qui suis en retard J'arrive, bien sûr j'arrive",
Elle est donc arrivée, Greco ce n'est pas la mort qui lui faisait peur mais l'idée de ne pas être aimée avait -elle confié au parisien, tout va bien alors nous l'aimons, et qu'elle est belle sa photo en une de Libération, de dos forcément la photo, car lis-je dans Libé, "ce dos cette façon de bouger, je crois que je les reconnaitrais n'importe où dans le monde" disait d'elle le jazzman Miles Davis qu'elle avait trouvé beau comme une statue d'Egypte et qui l'avait aimé plus que la musique mais qu'il n'avait pas épousée pour lui épargner le racisme de son Amérique...
La mort, Greco avait jouée avec elle en son encore jeunesse, tentant un suicide dans les années soixante, au temps où elle jouait pour la télévision l'inquiétante Belphegor, je lis cela dans le Monde encore, c'était bien trop tôt, la mort est venue, j'arrive, à son heure...
Mais la mort grimace et se moque parfois, et frappant à coup double nous pousse à l'injustice. Tandis que Juliette Greco 93 ans, morte à Ramatuelle, règne sur les journaux, un homme est éclipsé, d'un an plus jeune qu'elle, parti hier lui aussi, au Coteau dans la Loire et qui avait nourri son siècle: Le Figaro et le Progrès accompagnent heureusement le Chef Pierre Troisgros, qui qui avec son frère avait mijoté une révolution dans la cuisine de l'hôtel ex-Moderne, jadis des Platanes, on racontait que la gare de Roanne avait été repeinte en rose en hommage à l'escalope de saumon à l'oseille que Troisgros avait inventée, sur une inspiration des pêcheurs de Peyrehorade qui faisaient cuire à coeur leur darne sur la braise, pour le nouveau plat on avait fabriqué une assiette spéciale de céramique et fait de la cuillère à sauce un instrument noble qui saisirait toutes les composantes de saveur, la cuisine française se réinventait.
On parle donc de la France ce matin...
Car à l'ombre des morts se souvient un pays. Il est tant de façons d'être français, la langue en est une il est plaisant de lire dans le Figaro ce matin un bel hommage à la culture littéraire de maurice Thorez, insatiable lecteur, qui lisait aussi en russe,...
Le New York Times salue le départ de "la Grande Dame of Chanson Française" et cite la définition que Greco en donnait , un art où les chansons sont comme des pièces de théaâtre disait-elle, "nous sommes un peuple qui dit en chanson notre amour, notre colère, même nos révolutions", et ce peuple chante aussi après table dans sa dernière interview au Progrès, Troisgros se souvenait d'une nuit passé à chanter chanter avec Brel, tout se retrouve, je suis chez nous.
Je revois dans le Monde la gamine Greco à Saint-Germain des Prés que la guerre laissait, effrontée et ne doutant de rien, abordant un philosophe, Merleau-Ponty, pour lui demander ce qu'était l'existentialisme, et lui la trouvant intéressante, désirable peut-être, la fit danser et l'invita au royaume. “Gréco a des millions dans la gorge, des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits, on en écrira quelques-uns", disait d'elle Sartre qui lui écrivit la rue des Blancs manteaux et lui amena "Si tu t'imagines" de Queneau, mais lui proposait aussi des textes ennuyeux, elle le disait, il en riait, je lis cela dans l'Obs qui se souvient de ce que Gréco disait de ses auteurs... Je découvre, on peut cliquer aussi, une merveille de 1962, mon âge...
SON
"Jean de la providence de Dieu", de Pierre Mac Orlan, qui était disait Greco, "Un homme de nerfs, de corps, de filles, de ciels gris et de voyages parfois immobiles", qui recevait Gréco avec sur l'épaule un perroquet qu'elle saluait. Elle raconte aussi, comment elle avait vaincu la timidité de Serge Gainsbourg en une soirée arrosée où elle avait dansé, il n'avait pas dormi de la nuit et en avait écrit la Javanaise, moralité disait-elle, il faut danser.
Et on parle aussi d'un homme qui danse...
Car un boxeur danse sur le ring et joue aussi bien avec sa mort, et il faut lire ce matin ce que décrit à l'Equipe Johann Duhaupas, boxeur poids lourds d'Abbeville dans la Somme, qui défie demain la jeune vedette Tony Yoka pour une suprématie française, Duhaupas se souvient de ses rencontres avec un géant américain, Dehontay Wilder, dont il fut le partenaire d'entrainement et aussi l'adversaire malheureux dans un championnat du monde il y a 5 ans: "Wilder frappe très fort avec les deux mains , c'est une boule dure qui vous rentre dedans, ses coups font bouger le cerveau, donc les yeux, là il ne faut rien montrer sinon il se jette sur toi."
Et je reste avec cette image du cerveau qui bouge dans une boite crânienne, et la lucidité sociale de Duhaupas dont le menton est dur, un des plus durs du circuit, qui qui se décrit comme de la France des gilets jaunes, qui dit qu'à 20ans, il était un peu raciste et homophobe et surtout très con et que la boxe en le faisant voyager l'a changé... Il raconte une soirée où sa vie de boxeur bascula, quand il accepta sans s'être entrainé de remplacer l'adversaire d'un boxeur russe convaincu de dopage/. l avait pris de l'argent, on lui avait donné un pauvre short, une coquille et un protège-dents d'amateur et il était monté sur le ring jusqu'au KO... Il est pourtant là encore à 39 ans... Dans Libération, en contrepoint des mots de Duhaupas, vous lirez sur deux pages le portrait de cet homme, vu par un journaliste jeune encore, et c'est un des textes les plus humbles et justes que j'ai lu sur un sportif, sur un homme et sur notre regard. "Il est pile comme la rue aime ses boxeurs. Trimard, faire-valoir sur les bords, nez cassé et autres fractures ; ni trop gagnant ni trop perdant. Il confesse avoir déjà ressenti la crainte immense pendant les périodes où personne ne l’a sonné : retourner d’où il venait, en l’occurrence le turbin."
Je lis dans le Journal du Centre l'amitié éternelle qui s'est nouée entre un champion cycliste et un vieux journaliste, il y a vingt ans jour pour, Miguel Martinez devenait champion olympique de VTT à Sidney,; Roger Joigneaux, le chef des sports du JDC avait suivi l'épreuve chez les parents de Miguel, l'article avait été salué comme le meilleur reportage sportif de l'année, et Miguel avait découvert comment sa famille l'aimait, parfois, nous ne travaillons pas en vain.
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