Hommage unanime à Aretha Franklin

France Inter
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La lady soul, chanteuse exceptionnelle mais aussi féministe et défenseure des droits civiques est morte hier à 76 ans dans sa ville de Detroit.

Aretha Franklin "Soul en son royaume" titre Libération en page intérieure et en Une une photo noir et blanc de l'artiste qui date de ses débuts.

On voit la chanteuse au micro, demi-sourire et ce regard un peu pensif si émouvant.

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"RESPECT". C'est la chanson qui la fera connaitre du grand public en 1967.

Un tube écrit par Ottis Reding. Un titre énergique mais quand le grand Ottis se limite à évoquer une banale querelle de ménage, Aretha Franklin elle le revisite et en fait un hymne universel pour l’égalité nous dit le Monde.fr.

"La chanson -Respect- c'est 2,28mn  d'une puissance incroyable, à peine le temps d'un round de boxe nous dit Wesley Morris dans le New York Times mais elle arrive dans une période où la guerre du Vietnam, les assassinats politiques et les émeutes raciales accablent l'Amérique. Cette façon de chanter, de jouer avec sa voix, les arrangements choisis, ça n'existait pas à l'époque."  Grâce à cette interprétation intense,  Aretha Franklin en fait une chanson politique malgré des références sexuelles évidentes. Les fameux Sock It To Me qu'on pourrait traduire par : "Vas-y, montre-moi ce que tu sais faire ".

Une femme forte donc et un talent unique nous raconte La Croix  

Dès l'âge de 5 ans, Aretha s'essaie au Gospel dans les églises et enregistre deux disques à seulement 9 ans.

Aretha Franklin qui aura son premier enfant dès l'âge de 14 ans a tout, tout de suite.

Une oreille absolue, une technique saisissante, une voix de quatre octaves qu'elle sait manier à merveille notamment par des ruptures et des crescendos qui prennent aux tripes.

Plusieurs générations de mélomanes la considèrent comme la plus grande interprète de tous les temps...

Un modèle indépassable pour le Figaro.

C'est le directeur de Colombia, Johan hammond qui lui fait peu à peu abandonner le répertoire religieux pour enregistrer des standards blues, jazz, Rythme and Blues ou Doo Wop.

Nous sommes en 56 et Hammond qui a déjà découvert Billie Holliday Bob Dylan ou Bruce Springsteen est persuadé qu'elle est un diamant brut.

Aretha Franklin quittera finalement la maison de disque quelques années plus tard persuadée qu'elle est n'est pas assez soutenue parce qu'elle est noire

C'est avec Atlantic record qu'elle s'épanouira dès 1966...

Suivront "Respect" donc mais aussi "Think", "I say a litlle prayer" ou "Chain of fool"

Un talent qu'elle tenait de ses parents qui lui ont aussi transmis des idéaux de justice 

Dans la famille Franklin, tout le monde chante, mais la politique avec un grand P n'est jamais très loin.

Son père, pasteur Baptiste et autorité religieuse très respectée dénonce inlassablement la ségrégation et fréquente toutes les figures clés des droits civiques et notamment Martin Luther King.

C'est à cette époque nous rappelle l'Humanité qu'Aretha Franklin découvre le racisme à l'état brut, ces fast-foods réservés aux blancs et ces stations essences qui refusent de servir les afro-américains. Adolescente, la chanteuse accompagne le Dr King dans sa tournée du pays et chantera à ses funérailles en 1968.

Ce sera le début d'un engagement sans faille pour la liberté et la défense de l'identité noire. Un combat résumé par les mots de Daphne Brooks, professeur d'Etudes Afro Américaine à Yale. C'est dans Libération.

"Très tôt dans sa carrière, elle s'est donné le droit d'évoquer les tourments émotionnels des afro-américains, Aretha Franklin a chanté la bande-son complexe de la femme noire qui se réinventait " 

L'un des derniers grands moment de la chanteuse restera sûrement ce concert au piano en décembre 2015, manteau de fourrure sur les épaules, visage amaigri mais doigté impeccable et voix maitrisée.

Ce soir-là Barack Obama ne peut contenir son émotion.

Hier l'ancien président américain a écrit ses mots. 

" Dans sa voix, on pouvait sentir, toute notre histoire, dans chaque nuance. Notre respect si durement gagné.

Elle nous a aidés à nous sentir plus liés les uns aux autres. Et parfois, elle nous a aidés à tout oublier et à juste danser. "

Un autre artiste noir américain lui aussi très engagé.

"C'est le retour d'un combattant" pour le Magasine du Monde qui a choisi de mettre en Une le réalisateur Spike Lee.

L'auteur de l'incroyable Biopic sur "Malcom X" et du jubilatoire "Do The Right Thing" revient au cinéma après 12 ans d'absence.

L'occasion, 50 ans après le début des combats pour les droits civiques aux Etats-Unis dont on vient de parler, d'interroger l'Amérique d'aujourd'hui, celle de Donald Trump.

Spike Lee, infatigable militant de la cause Noire sort un film coup de poing, grand prix du jury au festival de Cannes qui s'appelle   "BlacKKKLansman".

L'histoire d'un flic, afro-américain, qui décide d'infiltrer le Klu Klu Klan pour en dénoncer les exactions.

Le film est sorti aux États-Unis 2 jours avant la date anniversaire des affrontements de CharlottesVille qui a vu un  supremasciste blanc tué une jeune femme qui manifestait contre l'extrême droite. 

Tout sauf un hasard

Les images de cet assassinat forment l'épilogue de son long métrage.

M le Magasine a rencontré Spike Lee chez lui  à New York.

Le metteur en scène à l'inamovible casquette reste convaincu même s'il a reculé à Hollywood que le racisme est bien une institution américaine. "Quand j'étais à l'école primaire dit-il, on m'a emmené voir "autant en emporte le vent", j'ai détesté ce film. Hatti Mc Daniel, la comédienne qui incarne Mammy l'esclave nourricière, a reçu l'oscar du second rôle mais à la cérémonie, elle n'a même pas été autorisée à s'assoir à la table des acteurs."

Dans son film qui sort en France mercredi prochain, Spike Lee 61 ans évoque les lynchages des noirs qui ont jalonné l'histoire de son pays. Ces assassinats qui ont fait 5000 morts de 1882 à 1968 n'ont pas vraiment pris fin dit-il.

" Aujourd'hui les forces de l'ordre ont remplacé les foules. Quand on était un esclave  en fuite, on vous tirait dans le dos, 

comment ne pas faire le lien avec les meurtres de noirs innocents."?

L'engagement de Spike Lee lui a valu quelques difficultés dans sa carrière

"Quand j'ai parlé de faire Malcom X raconte le réalisateur, la Warner entendait confier le film à un metteur en scène blanc, j'ai dû faire pression pour qu'il me revienne mais ils m'ont vite coupé les vivres alors j'ai pensé à Malcom et à ce qu'il disait sur l'autodétermination des noirs. "J'ai remis un million de dollars de ma poche et j'ai appelé Bill Cosby, Oprah Winfrey, Janet Jackson,  Mickael Jordan." Et j'ai terminé le film. Spike LEE dont le père était un brillant musicien de jazz a pour habitude de ne jamais citer le nom de l'actuel président américain qu'il déteste. Il le surnomme "l'agent orange"  comme cette  arme chimique utilisé pendant la guerre du Vietnam. C'était le temps où déjà, Aretha Franklin dénonçait la répression des afro-américains et demandait du respect.