La mort violente d’un adolescent de cité réveille Bordeaux, qui n’est plus abritée du monde, Sud-Ouest

France Inter
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A Marseille on s’est tiré dessus pour un match de football, la Provence, Au Mans où un jeune homme est mort, on ne se mêle pas des affrontements de dealers, le Maine libre. Un du Monde diplomatique, prônant la question sociale contre « l’impasse identitaire », se fait taxer de racisme dans le brouhaha de twitter.

On parle d'un adolescent...

Qui s'appelait Lionel nous dit Sud-Ouest et venait d'avoir 16 ans, et qui ne retrouvera pas ce matin sa classe de troisième, puisqu'il est mort dans la nuit de samedi à dimanche lors d'une fusillade dans le quartier des Aubiers à Bordeaux... Un véhicule de couleur sombre s'est avancé près d'un groupe d'adolescents qui étaient dehors en dépit du couvre-feu, et quand les tirs ont cessé, on a  ramassé quarante étuis d'arme d'automatique et Lionel était tombé, et avec lui trois autres ados blessés.

Sud-Ouest dit que les policiers ont eu peur d'avoir été attiré dans un guet-apens: la veille pour la Saint-Sylvestre, on les avait accueilli à coups de mortiers, cette fois ils n'étaient pas visés mais, dit un habitant, "des gosses qui avaient pris l'habitude de se faire trois sous  en vendant des canettes et des kinders au bas d'un immeuble" -et sans doute ces gosses eux-mêmes étaient là au mauvais endroit au mauvais moment, et du mauvais quartier:  les Aubiers, où sur fonds de trafic de drogue et de défis de rap, s'entretient une rivalité mauvaise avec d'autres cités. L'escalade a atteint un niveau inédit à Bordeaux  et c'est pour cela que l'on s'arrête ce matin à une histoire déjà vue dans d'autres tristesses urbaines...Parce que c'est à Bordeaux où cela n'arrivait pas, et dans les deux pages que consacre Sud-Ouest au drame sont la prise de conscience d'une ville dégrisée, qui se confronte à ce qu'elle avait enterré.. 

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Le quartier des Aubiers, 3800 habitants dans des logements sociaux  près du lac, a été construit dans les années 70 puis a été oubliée pendant près d'un demi-siècle; cette année seulement a commencé la rénovation urbaine, parmi les projets, il y a l'installation d'une école du cirque, est-ce ironique... On entend dans Sud-Ouest la plainte prophétique des habitants. "Les jeunes d'ici veulent se venger, on est sur un baril de poudre, toute la cité a reçu la photo des quatre qui ont fait ça, si les flics les chopent pas en premier on est parti comme à Marseille... Bordeaux, à l'abri du monde, c'est fini, les gosses ont des armes de guerre."

A Marseille justement qui depuis longtemps sait qu'elle n'est à l'abri de rien, on s'est tiré dessus pour un match de football  samedi après-midi nous dit la Provence, parce qu'une équipe de la cité de la Busserine a été battue chez elle par la cité voisine du Mail, un vaincu s'est fait chambrer et c'est parti en vrille. Le match avait été organisé pour venir en aide à la famille d'un jeune homme de la Busserine mort à 28 ans d'une crise cardiaque, c'était par générosité que des minots avaient escaladé les grilles du stade pour taper le ballon. Je lis qu'à Bordeaux aussi on peut s'enflammer entre cités pour une rencontre de foot, c'est un adjoint au maire qui le dit au Figaro, tout se ressemble. 

On ne sait pas pourquoi un jeune homme est mort au Mans à 18 ans la nuit du réveillon devant le 22 rue des Sablons, le Maine Libre nous parle de trafic de drogue, de haschisch que l'on cache dans les faux plafonds des entrées d'immeubles, et donc le 31 décembre une quinzaine de garçons armés de couteaux, de choses pointues de pierre, qui dit une jeune femme qui a tout vu, ont fondu sur d'autres garçons, et tout le monde s'est dispersé quand la victime est tombée. Mais ce qui frappe dans le récit des témoins des riverains à leurs fenêtres, c'est l'indifférence apeurée devant l'événement,  "ici on ne s'occupe pas des affaires des autres on ne fait pas attention aux garçons qui se crient dessus, on travaille la journée, on est content de rentrer chez nous le soir et on s’enferme." C'est donc au Mans, Bordeaux aussi s'habituera?

On parle aussi de deux soldats... 

Qui sont d'autres morts mais ceux-là se dit-on pour nous défendre. Dans les DNA, l'Alsace, et les autres journaux du groupe EBRA -Est Bourgogne Rhône-Alpes, mais aussi sur le site de France Bleu, le colonel des hussards d’Haguenau a des mots tendres et simples pour saluer la sergente Yvonne Huyn et le brigadier Loïc Risser tués samedi au Mali. "La sergente Yvonne Huynh avait 33 ans. C’était une femme forte, à l’inverse de ce que sa taille laissait présager. Toujours souriante, elle était énormément appréciée par ses camarades et efficace en opérations. Elle créait de la sympathie et c’est un outil indispensable pour obtenir des informations".

"Le brigadier Loïc Risser  était plus jeune : 24 ans. Il mettait tout son cœur dans ce métier qui le passionnait. Il a montré ses qualités physiques en arrivant parmi les premiers de la formation de onze mois que doivent suivre les militaires du rang.  Sa mission était de prendre des photographies à courte ou longue distance, mais toujours de manière discrète. C’était un solide camarade sur qui l’on pouvait toujours compter, une qualité fondamentale en équipe."

C'est une langue nette, la langue du devoir; quand le colonel Maurice Robert de Saint-Victor a appris la mort de ses soldats, il a senti « comme un coup de poing à l'estomac », mais ensuite le devoir continu, « un bon moral de soldat consiste à faire son métier avec passion, en gardant une larme à l'œil ». 

Au Niger, dans cette région d'Afrique où nos soldats risquent leur vie, cent villageois ont été tués samedi au Nord de la capitale Niamey... Vous lirez dans Libération un reportage sur des villages soumis aux menaces islamiste, tantôt venues du Nigéria voisin, tantôt du fait de djihadistes nomades qui exigent un impôt des éleveurs ou bien volent des bœufs directement, on a peur aussi des militaires qui tuent aussi, sommairement au hasard de leur guerre.    

On parle enfin de Donald Trump...

Dont vous avez entendu dans cette matinale la voix impérieuse et menaçante, c'est un scoop du Washington Post au moins aussi important que le Watergate... Le Président Américain a appelé le responsable des élections de l'Etat de Géorgie pour lui demander d'inverser les résultats de l'élection dans son état, et de lui rajouter des suffrages, «Tout ce que je veux, c'est trouver 11.780 votes" dit Donald Trump dans un enregistrement que vous entendrez et lirez intégralement sur le site du journal. Si la VO vous rebute, le Figaro est très complet sur son site, et raconte aussi l'inquiétude de dix anciens secrétaires à la défense américains, qui ont publié une tribune dans le même Washington post pour rappeler que « l'armée américaine n'a aucun rôle à jouer dans la détermination des résultats d'une élection » et cette tribune donne l'impression que l’Amérique « est à la veille d'un pronunciamiento ». 

En France, l'historien Gérard Noiriel et le sociologue Stéphane Beaud ont publié dans le Monde diplomatique un texte classiquement de gauche, pour s'inquiéter je cite de « l’impasse des politiques identitaires »... Ils redoutent et regrettent que les débats sur la race supplantent la question sociale, au risque de diviser et d'émietter les classes populaires? Ce texte que l'on peut contester provoque depuis plusieurs jours un tollé sur les réseaux sociaux, Beaud et Noiriel, sont accusés de racisme à mot choisis, et ceux qui les soutiennent aussi bien. L'observatoire des inégalités, respectable institution, a ainsi été  ciblée par le journaliste Taha Bouhafs, qui sur twitter constate que cet organisme n'est abonné à aucun arabe et aucun noir, je cite, nous en sommes donc là. 

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