La revue de presse de Frédéric Pommier

Frédéric Pommier
Frédéric Pommier ©Radio France - Christophe Abramowitz
Frédéric Pommier ©Radio France - Christophe Abramowitz
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Je me souviens du jour où…

On dit souvent que les gens mariés se souviennent toute leur vie du jour de leur mariage. Même si la journée ne fut pas celle qu’on espérait, c’est le genre de chose qu’on n’oublie pas. On dit aussi que les parents se souviennent toute leur vie du jour de la naissance de leur premier enfant. Et même du jour de la naissance de leur deuxième enfant, et du troisième, du quatrième, du cinquième et des suivants – c’est le genre de chose qu’on n’oublie pas… Souvent, on se souvient aussi du jour des résultats du BAC et du jour où cette jolie fille, ou ce joli garçon, nous a proposé de l’accompagner au cinéma. Il y a des jours qu’on n’oublie pas, et l’on peut, sans trop se risquer, penser que Marine Le Pen n’oubliera jamais la journée du 3 mai 2017, le mercredi 3 mai, jour de son débat face à Emmanuel Macron ! Passionnante enquête dans M, LE MAGAZINE DU MONDE, enquête d’Olivier Faye et Raphaëlle Bacqué, qui reviennent en détail sur les coulisses de cette journée. Le titre à la Une de l’hebdomadaire, c’est « Le jour où Marine Le Pen s’est effondrée ».

Et tout commence le matin, une dizaine d’heure avant le duel. Tout commence chez elle, dans sa maison de la Celle-Saint-Cloud, où la candidate a fixé une dernière réunion avec son équipe de campagne. Mais quand son conseiller Bruno Bilde débarque vers dix heures et demie, il la trouve en panique… « Bruno, Bruno ! », lance-t-elle. « Je ne vois plus rien de l’œil gauche ! » Devant Marine Le Pen, un téléphone est branché sur le haut-parleur… A l’autre bout du fil : un ophtalmo qui tente de calmer sa patiente… Elle décrit les symptômes : des éclairs zébrés traversant le champ de vision, l’impression de voir flou, et puis un violent mal de crâne… Le médecin ne met pas longtemps à diagnostiquer une migraine : une migraine ophtalmique, douloureux mais sans gravité. Mais très problématique tout de même… « Est-ce qu’on peut annuler le débat ? », se demande le conseiller de la patronne du FN., « Impossible » lui répond l’un de ses collègues. « Est-ce qu’on peut le décaler ? » « Non, on ne change rien », tranche finalement Marine Le Pen, à laquelle l’ophtalmologue a prescrit des remèdes pour la soulager.

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Mais le spécialiste des yeux ne peut rien faire, en revanche, pour soigner les autres maux qui affectent la migraineuse. Il ne peut rien faire contre sa fatigue – elle est totalement éreintée par ses semaines de campagne, courant les matinales en se levant aux aurores et multipliant les meetings en se couchant à pas d’heure… La nuit précédant le débat, Marine Le Pen n’avait dormi que 45 minutes… Et puis elle avait, semble-t-il, oublié qu’il n’était pas inutile de se préparer pour l’émission du soir… Qu’elle se prépare sérieusement, et c’est cela que met en avant l’enquête du magazine : sa totale impréparation… Elle n’était pas du tout au point sur les questions économiques – et en tout premier lieu sur la sortie de l’euro… Et alors que ses conseillers – notamment les frères Philippot – se succèderont toute la journée pour tenter de lui faire tenir des propos cohérents, elle n’arrivera pas à cacher ses lacunes, le soir, face à son adversaire… Débat catastrophique, duquel on n’a finalement retenu que ses gaffes – quand elle mélange les dossiers… Débat calamiteux, dans lequel elle n’a su faire preuve que d’agressivité…

Et ce matin, c’est le vainqueur de ce débat du 3 mai qu’on retrouve à la Une d’une partie des journaux. Le chef de l’Etat qui, hier, a enchaîné les commémorations : défilé militaire, en compagnie de Donald Trump, puis à Nice, la cérémonie d'hommage aux victimes de l'attentat de la promenade des Anglais... « Macron présent sur tous les fronts », titre LA DEPECHE DU MIDI, tandis que LA NOUVELLE REPUBLIQUE évoque un « 14 juillet très politique »… On imagine qu’il se souviendra de ce jour-là. Et l’on imagine que le chef des Armées s’en souviendra aussi !

Pierre de Villiers, comme le veut la tradition, accompagnait Emmanuel Macron lors de son arrivée sur les Champs-Elysées… Pierre de Villiers, tancé la veille par Emmanuel Macron pour s’être plaint de la baisse du budget de la Défense… « Silence dans les rangs », lui a dit, en substance, le président de la République… Une « humiliation », estime Guillaume Tabard dans LE FIGARO – il ne voit pas comment le Général de Villiers pourrait faire autre chose aujourd’hui que démissionner… Quant à Michel Bassi, de LA REPUBLIQUE DES PYRENEES, il relève que cette affaire inspire deux réflexions. « La première a trait à l’exercice de l’autorité. Le danger qui guette ceux qui en sont investis est de tomber dans l’autoritarisme. Est-ce irrespectueux de dire que ce danger menace Emmanuel Macron ? » questionne l’éditorialiste, avant de préciser sa deuxième réflexion qui, elle, a trait à la communication présidentielle. « Que Macron veuille verrouiller sa communication peut se comprendre, mais la méfiance qu’il manifeste à l’égard des journalistes présente des inconvénients, au simple plan de l’information à laquelle le peuple a droit. »

C’est d’ailleurs également le point de vue que défendent Isabelle Roberts et Raphaël Garrigos sur le site LES JOURS. D’après eux, à l’occasion de la visite du président américain, le chef de l’Etat a définitivement pris la main sur l’ensemble des médias français… Et notamment sur les chaînes-télé d’information en continu… Récit de la couverture de l’événement sur LCI, CNEWS et BFMTV… Avec pour décrypter les gestes et les symboles de cette rencontre au sommet, l’analyse de Laurence Haïm, l’ancienne porte-parole du mouvement En Marche… Et quand ce n’est pas elle, ce sont les journalistes et les animateurs qui, plutôt que de l’info – décrire les faits et rien que les faits – n’ont pas fait autre chose que la communication du président de la République… Et les deux fondateurs du site se désolent, rappelant que le « maître des horloges » a décidé de se mettre au-dessus des médias : plus aucun off avec la presse, des journalistes filtrés, plus d’interview le 14 juillet et la République en Marche, devenu parti présidentiel, entend désormais se constituer « comme un média », diffusant des images que n’auront pu tourner par elles-mêmes les télévisions…

Dès lors, le dossier de LIBERATION prend tout son sens : « Faut-il brûler les journalistes ? » A priori, on serait tenté de répondre illico « non, s’il-vous-plaît, ne nous brûlez pas ! »… Sachant que tout en appelant cette profession précaire à se réinventer, le quotidien dresse la liste des insultes qui fleurissent sur les réseaux sociaux : « merdias », « presstiputes », « laquais du pouvoir », « journalopes » ou encore « gauchiasses »« Mais pourquoi tant de haine ? », s’interroge le journal. Eléments de réponse sous la plume du chercheur Arnaud Mercier. Il explique que si la haine des médias ne date pas d’hier – elle est même très ancienne, comme la haine vis-à-vis du personnel politique – c’est ce même personnel, les élus politiques qui l’attisent ces derniers temps. Lors de la dernière campagne, des candidats ont fait siffler la presse dans les meetings, et pour ce professeur, ce sont les politiques qui ont « libéré la parole des esprits agressifs et violents ».

Allez, pour finir, un peu de douceur… Douceur de la victoire : quatrième victoire tricolore, hier, sur le Tour de France. Victoire de Warren Barguill, et L'EQUIPE applaudit ce matin « la vague bleue »... Vague nettement plus efficace que la vague Bleu Marine.

Enfin, dossier sur les vacances dans AUJOURD'HUI LE PARISIEN : « La déconnection, mode d'emploi »... Où vous lirez comment apprendre à lâcher son téléphone ou son smartphone pendant l’été. Première étape : laisser-le en dehors de la chambre. Deuxième étape : ne l’emportez pas avec vous sur la plage. Troisième étape : se souvenir de la phrase de Michel Serre : « Les nouvelles technologies nous condamnent à devenir intelligents… » Et je suis certain que vous vous souviendrez toute votre vie du jour où vous êtes devenus intelligents : le jour où vous avez réussi à déconnecter !

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