Dans le Point qui part en guerre contre l'ascétisme, le cancérologue David Khayat défend le droit au gras. Le Un dissèque la vraie grande culture populaire de notre temps: les jeux vidéos! Un cinéaste américain au fils nommé Rohmer voudrait dormir avec sous la couette nos films de la nouvelle vague, Télérama.
On parle de magret ce matin...
De magret de canard, et de foie gras au torchon, et on parle aussi des testicules de taureaux qu'André Daguin servait jadis après la corrida à la table de son hôtel de France à Auch, persillées les corones délicieuses comme caviar, une entière par personne, car la troisième corne disait le chef ne se partager pas, ainsi se souvient ravie la Dépêche du Midi, où résonne l'esprit de la Gascogne et d'un géant qui hier a rendu l'âme à 84 ans.
André Daguin eut l'idée maitresse, en 1960, de découper le filet de la poitrine du canard pour en faire non pas de la viande confite mais un plat de viande grillée saignante, qu'il faisait un peu passer pour du boeuf auprès de ses clients méfiants, " si on disait que c’était du canard, les gens le voulaient bien cuit, et ce n’est pas bon ! ». Un jour, un américain nommé Bob Daley annonça en première page du new york times qu'à Auch en france il avait rencontré une nouvelle viande, et le magret, s'inscrivit sur la carte du monde et Daguin fit dans la foulée le bonheur d'un vin, le madiran, qu'il conseillait pour accompagner sa découverte...
C'est dans la Dépêche mais aussi dans Sud Ouest, dont le site internet est magnifique de photos et d'anecdotes, daguin fut aussi l'inventeur de la glace au haricot tarbais, et d'un trou normand en version gersoise, de l’armagnac blanc tout juste sorti de l’alambic et servi à–30 et –35°C, il fut aussi pionnier de la cuisine moléculaire à l'azote liquide qui brule par le grand froid, il se fournissait en azote dans un centre d'insémination artificielle pour bovin, où un jour il reçut au visage la semence d'un taureau...
Bref entre la Dépêche et Sud-Ouest se ressent un monde, une cuisine de gras, de rugby de corridas quand on s'engueulait entre cuistots et clients au lieu de se balancer sur Trip advisor. Je lis dans la montagne que le guide Michelin va s'associer au monstre. C'est étrange... Le deuil d'André Daguin est gaillard comme le fut dans les mêmes journaux celui de Michel Serres qui parlait si bien du rugby d'Agen et de la rivière Garonne. Daguin écrivait des chroniques pour la Dépêche à Auch. En novembre 2018... Il célébrait le cèpe "guilleret comme un junior de rugby à 15", il disait aussi "Les gousses d'ail dans la mousse du cèpe, c'est encore mieux que la fève dans la galette des rois parce qu'il n'y en a pas qu'une seule."
Ce matin, sorti un jour plus tôt qu'à l'habitude pour précéder les grèves, le point titre en Une "qui veut la peau des bon vivants", et affiche une jeune femme au verre de vin à la main, Abnousse Chalmani une romancière venue d'Iran pour notre liberté et notre art de vivre, elle rage de nos modes étriquées qui risquent de nous faire perdre la france de Claude Sautet. Daguin l'eut aimé cette petite et eut aimé la guerre que lance le point contre les repas à l'eau au courgette au tofu aux graines... en juin 2017, le barman de la buvette de l'assemblée nationale dut servir un red bull à un nouveau député, le Point campe chez feu Chirac, chez Gérard Larcher qui aime le ris de veau, François hollande qui a regrossi... Le cancérologue David Khayat, en léger surpoids, qui pense que le bonheur nous préserve, nous livre cet adage, la vie sans gras, ça doit être long.
On parle aussi de jeux videos ce matin.
Et voilà donc notre époque de technique mais elle n'est pas si triste si on veut bien l'aimer. Le Un parle brillamment de la culture populaire, celle des jeux videos que l'on estime enfin, ils sont la première industrie culturelle désormais, ils ont leur esthétique leurs continents leurs sagas, ils forcent la technique, c'est en partie pour eux que nait la 5G, il inspirent même Socrate, qui dialogue sur le sens de ces jeux avec Mario le plombier moustachu, dialogue inventé par un philosophe, mais on y croit.
Il faut accepter notre temps, parfois c'est un peu rude. Je lis dans le monde la peur qui monte chez les cinéastes face aux projet de Netflix de proposer à ses abonnés le visionnage rapide de ses films et séries, arrachant l'oeuvre au rythme de son créateur. Mais c'est possible déjà ailleurs, sur youtube, où l'on visionne en accéléré des conférences, et on écoute sur google play des livres lus trois fois plus vite qu'en une lecture normale...
Nous vivons dans ce monde, il n'abolit pas l'ancien. Dans Télérama, le portrait d'un cinéaste américain, Noah Baumbach qui sort sur Netflix un film avec Scarlett Johannson, sa biographie est douce. Un new yorkais enfant de critiques de cinéma, qui vécut en France, dont le fils ainé s'appelle Rohmer et qui nous aime tant qu'il voudrait pourvoir prendre les films de la nouvelle vague et se lover avec eux sous la couette... Nous sommes encore là Le New York times, à sa Une, nous raconte Pierre Boulez, notre grand musicien, c'est doux et réconfortant.
Les Echos nous racontent une institution britannique, la BBC, sur laquelle les gouvernants recomposer l'audiovisuel public français, cela sonne ayant lu comme un slogan, pour une raison déjà culturelle. La BBC se gouverne comme une grande entreprise culturelle, "elle ne reçoit pas de consignes de chefs de bureaux de Bercy ou de la rue de Valois."
Et on parle d'identité pour finir...
Qui est douce quand elle nous donne aux autres. Je lis dans la belle revue Bretons que le compositeur Yann Tiersen ne saurait composer loin d'Ouessant, je lis dans la Croix que le réalisateur Jean-François Laguionnie, splendide artisan de dessins animés sur des singes qui nous ressemblent, a besoin de Tredarzec Côtes d'Armor, je lis dans le Figaro que Milan Kundera redevient tchèque 40 ans après avoir perdu son pays, il n'est pas en grande santé, lisez cette réparation...
Je lis dans le figaro encore et dans une autre belle revue, transfuge, un homme qui semble égaré au monde, Elia Suleiman est un cinéaste palestinien né à Nazareth en israel, qui contemple les mêmes absurdités à paris à new york et chez lui mais il n'a plus de chez lui, l'homme parfait est sans patrie, est-ce vrai, il cherche un lieu où règnent le calme et la beauté, en lui, dans des films, si on filme ses parents, ils ne meurent pas dit-il...
A Marseille, un vieux monsieur cherche son portable perdu près d'un métro, où il gardait des photos de ses parents et de son fils décédé, c'est dans la Provence, aidez-le.
(Lapsus autocentré. J'ai appelé à l'antenne "Claude" le grand cancérologue David Khayat, qui défend le droit au gras et parle de son surpoids, et je n'ai d'autre excuse qu'une évidente identification, pardon.)
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