Aujourd’hui, le cinéma, ça la « fait chier ». Pardonnez l'expression, mais c'est le terme qu'elle utilise. Et si, par politesse, je décidais d’en employer d’autres, ça refléterait sans doute moins bien le fond de sa pensée.
Elle, c'est Anémone, l'actrice Anémone. Elle joue actuellement dans une pièce de théâtre à Paris ; Les Nœuds au mouchoir, ça s’appelle. Elle y joue le rôle d’une vieille dame atteinte de la maladie d’Alzheimer, et la journaliste du MONDE Sandrine Blanchard se faisait vraiment une joie d’aller la rencontrer ! Une joie d’aller interviewer celle qui fut l’émouvante Marcelle dans Le Grand Chemin – César de la meilleure actrice en 1988. Une joie d’aller interviewer la touchante Mélanie du Petit Prince a dit, et l’inoubliable Thérèse du Père Noël est une ordure.
Ma consœur pensait donc qu’en allant prendre un thé noir avec Anémone, elle allait bien se marrer. Mais quand elle la retrouve dans le bar d’un hôtel, la comédienne aux cheveux gris lui semble fatiguée. Emmitouflée dans une chemise de bûcheron et un gilet jacquard, elle est plongée dans le dernier livre de Naomi Klein, Dire non ne suffit plus, et visiblement, Anémone n’a plus envie de se marrer. Elle trouve que le monde n’est plus drôle et désormais, je cite LE MONDE : « En fait, tout la fait chier. »
"Foutue"
Le cinéma, d’abord. « Le fric s’est jeté dessus », lâche-t-elle, estimant que les professions artistiques ne sont devenues que des produits d’appel. » Du reste, elle s’est fâchée avec toute l’équipe de la troupe du Splendid, où elle avait pourtant commencé sa carrière. Fâcherie « définitive ». Pour des histoires d’argent. « En plus, j’ai découvert avec stupéfaction qu’ils étaient de droite ! »
D’ailleurs, la politique la « fait chier » également aussi. « Tous des crétins, tous des menteurs ! » Elle a en marre, dit-elle, de ce « monde basé sur le profit », et juge même la planète définitivement « foutue ». Elle, elle est écolo, écolo de la première heure, et altermondialiste. Un autre monde était possible, mais maintenant, pour elle, « c’est trop tard ».
Maintenant, démerdez-vous. Ça va finir avec de grands bûchers. On n’arrivera même plus à enterrer les gens tellement ils mourront vite !
Elle est décidément bien pessimiste, Anémone. C’est le moins qu’on puisse dire. A côté d’elle, même Cioran passerait pour un joyeux drille. D’ailleurs, une fois passée la dernière de sa pièce, le 31 décembre, elle a prévu de tout arrêter, et d’aller se réfugier dans sa campagne du Poitou, parce que « La ville, ça pue. La ville, ça fait du bruit. » « J’ai envie qu’on m’oublie », jure même Anémone, précisant que dorénavant, elle n’aspire qu’à une chose : « Renouer avec la vie de légume et buller sur son canapé. »
Pessimisme absolu. Plus envie de se marrer.
Mais lorsque, ce matin, on jette le nez dans les journaux, on se dit qu’Anémone n’a pas totalement tort.
Le monde, certains jours, est à désespérer
On le perçoit notamment dans la presse régionale.
A la Une de LA PROVENCE. Marseille, samedi, 3H15 du matin : un homme « poignardé à mort pour des broutilles ». Selon les premiers éléments de l’enquête, il était sans abris et il avait 31 ans. L’auteur des coups mortels est actuellement en fuite.
A la Une de CENTRE PRESSE. A cause de la neige et du gel, un homme meurt de froid dans le Gard. Et là encore, il s’agissait d’un sans domicile fixe.
A dire vrai, « sans domicile fixe » : ça signifie « sans domicile ». Et pour savoir qui sont ceux qui dorment dans la rue, plongez-vous dans LE UN, hebdo qui, cette semaine, nous invite à comprendre, avec humanité, celles et ceux qu’on appelle mendiants ou clochards. Des hommes et des femmes dont on parle peu. Et qu’on regarde peu. « On les souhaite invisibles, car on n’a pas envie que ça existe », analyse un bénévole du Secours Catholique. « T’as pas 100 balles ? », c’est le titre. Il faut lire ce numéro.
Elle s’appelait Zenash Gezmu
Triste monde, là encore, dans LA PRESSE DE LA MANCHE, qui revient sur l’assassinat d’une championne de marathon. Elle s’appelait Zenash Gezmu. D’origine éthiopienne, elle avait 27 ans et vivait à Neuilly-sur-Marne. Pour payer ses entraînements – très tôt le matin, très tard le soir – elle était femme de chambre dans un hôtel. Elle a été tuée par un homme lundi soir, chez elle. Des coups, jusqu’à ce que mort s’en suive. Ainsi que l’écrivait LE PARISIEN dès le lendemain : « Lundi, ses hurlements ont inquiété plusieurs voisins... Mais personne n’a prévenu la police. »
« Ne rien laisser passer », dit pourtant le slogan du spot diffusé depuis maintenant dix jours, afin de dénoncer les violences faites aux femmes.
Chien martyr
Et puis on parle aussi de maltraitance animale. C’est la du COURRIER PICARD : « Une nouvelle affaire de chien martyr dans la région ». Il s’agit d’un staff de 2 ans, que ses propriétaires faisaient vivre dans un dépotoir. Des brûlures çà et là, et sa peau partait en lambeau. « Il pourrissait sur pattes », explique la SPA. Le chien a finalement été euthanasié.
Du mal à se réjouir
Et même quand les journaux se penchent sur des sujets plus joyeux, bizarrement, on a bien du mal à se réjouir. Par exemple dans NICE MATIN : un dossier sur les fêtes, les cadeaux sous le sapin, et ceux qu’on peut acheter dans les cabanes en bois qui, chaque année, s’installent dans nos centre-ville : « Nos marchés de Noël sont-ils une arnaque ? », interroge le journal. Et, d’emblée, on se dit qu’une partie de la réponse est contenue dans la question.
C’est d’ailleurs tout aussi plombant de lire la presse magazine. Non, c’est vraiment comme si tout le monde s’était passé le mot. Comme si tout le monde voulait donner raison à Anémone.
A l'étranger
Dans PARIS MATCH, un reportage au Yémen. C’est « la guerre qu’on nous cache ». Les tensions entre l’Iran et l’Arabie Saoudite amènent les puissances pétrolières du golfe à détruire le plus pauvre des pays arabe. Déjà 15.000 morts et 3 millions de déplacés.
Dans LE FIGARO MAGAZINE, un reportage au Niger. Dans la ville d’Agadez, présentée comme « l’antichambre de l’enfer libyen ». Des récits atroces de ceux qui passent par la Lybie pour tenter de gagner l’Europe. Et malgré leurs récits, d’autres candidats à l’exil choisissent de tenter l’aventure. Ils quittent un enfer pour un autre.
Et puis dans LE JOURNAL DU DIMANCHE, reportage en Syrie : « les suppliciés de la Goutha ». Ou comment Bachar al-Assad écrase la rébellion en organisant la famine dans les banlieues de Damas.
Barack Obama à Paris
Cela dit, c’est un autre sujet qui fait la Une de l’hebdo. Et là, reconnaissons que c’est nettement plus positif. Grande photo de Barack Obama en couverture du JDD. « Ce qu’il a dit à Paris ». C’est le titre à la Une. Oui, si jamais l’info vous avait échappé : sachez que Barack Obama était donc hier à Paris. Il a rencontré Anne Hidalgo, déjeuné avec Emmanuel Macron, et même pris un café avec Hollande, avant de venir faire un discours dans l’auditorium de la Maison de la Radio. Discours que le HUFFINGTON POST a trouvé « très convenu », mais pour lequel il a tout de même touché la bagatelle de 335 000 euros.
C’est à lire ce matin dans LE PARISIEN DIMANCHE : un dossier sur le très « le juteux business des conférences ». 335 000 euros, donc, pour un discours d’une heure de Barack Obama. Tarif bien supérieur à celui que demandent Nicolas Sarkozy ou François Hollande, mais pour eux également, nous dit-on, donner des conférences au quatre coins du monde est un hobby très lucratif.
Pour finir, deux déclarations résolument optimistes. Et j’espère qu’Anémone écoute.
Dans LE JOURNAL DU DIMANCHE, interview de Florence Portelli, candidate à la présidence du parti Les Républicains, élection dont le premier tour aura lieu dimanche prochain. Le favori, c’est Laurent Wauquiez, mais Florence Portelli le jure : « C’est une certitude, je vais gagner », dit-elle. Je crois que c’est ça que l’on appelle ça la méthode Coué.
Enfin, autre interview dans LA DEPECHE DU DIMANCHE – cette fois, c’est le chanteur Julien Clerc. Et cette citation : « Je ne vieillis pas ! » Ah ben si, un petit peu tout de même. Mais c’est vrai qu’il a su garder son âme d’enfant.
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