Dans la presse ce matin : Mandela... et après
Si vous n'êtes pas rassasiés d'anecdotes, d'images fortes, de rappels historiques, d’analyses, la presse vous en fournit encore beaucoup ce matin, plus de trois jours après la mort de Nelson Mandela.
L'Afrique du Sud ou son héros disparu à la Une de Libération , La Croix , L'Humanité , ou encore d'un numéro de Paris Match en kiosque dès aujourd'hui.
Dans Match , par exemple, cette photo d'une école de police pour noirs près de Pretoria en 1978. Devant des élèves noirs en rang et au garde à vous, un officier blanc, uniforme et petite moustache.
Dans Midi Olympique , les confidences de François Pienaar, capitaine de l'équipe de rugby sud-africaine championne du monde en 1995. « Quand notre équipe a pénétré sur la pelouse, 65.000 spectateurs, 99.9% de blancs. Et pourtant, ils ont commencé à scander ‘’Nelson, Nelson’’ (…) Quand il m'a remis la coupe, j'aurais voulu le serrer fort dans mes bras : je me suis retenu, ce n'était pas le genre d'attitudes à avoir envers un chef d'Etat. »
Mandela et après... C'est « Une nation réconciliée, mais inégalitaire », titre ce matin Libération à propos de l’Afrique du Sud, en page intérieures. « Le miracle n'a pas encore eu lieu dans la jeune démocratie, écrit Patricia Huon. Certes, il laisse derrière lui un pays radicalement différent de celui qu'il a connu dans sa jeunesse.
Mais la mixité raciale, en dehors du domaine professionnel, ne concerne qu'une petite élite éduquée et urbaine. Plus de 40% des sud-africains n'ont presque aucun échange avec des personnes d'une autre couleur de peau. Le revenu moyen des familles blanches est encore 6 fois plus élevé que celui des familles noires. »
Réconciliation difficile : la preuve par l'université
Une université bien particulière, celle de l'UFS à Bloemfontain, dans ce qu'on appelle l'Etat libre, centre traditionnel du pouvoir afrikaner. Article fleuve et édifiant d'Eve Fairbanks sur slate.fr . Elle fait défiler 20 ans d'histoire d'Afrique du Sud sous ce titre : "Comment une université qui avait aboli la ségrégation l'a remise en place"
Lorsque le régime d'apartheid s'écroule, à l'UFS comme ailleurs, on intègre des noirs dans les dortoirs et les résidences. Les premiers, arrivés en 1992, racontent aujourd'hui encore une belle histoire : accueil chaleureux, intégration facile. "J'étais tellement fier" dit un ancien.
Puis à mesure que les étudiants noirs sont plus nombreux, les tensions apparaissent. A chaque résidence ses traditions, puisée dans la culture des blancs évidemment. Les noirs montrent de plus en plus de réticences à accepter les cérémonies de bizutage parfois douteuses ou qui rappellent de mauvais souvenirs. En réponse, les étudiants blancs se crispent. Premiers affrontements dès 96, émeutes en 2008. Brusque retour en arrière, la ségrégation n'est pas officiellement rétablie, mais à chacun ses dortoirs et ses résidences. Dans l'une d'entre elles, des contreplaqués sont mêmes posés dans un couloir pour éviter que les étudiants se croisent.
Le rêve de Mandela était donc une utopie ? Non. A l'UFS, en 2009 un nouveau président, le premier noir, est arrivé. Il a commencé son mandat avec un geste à la Mandela : pardonner aux étudiants blancs à l'origine des émeutes de 2008. Puis il a imposé la mixité et a multiplié les espaces de discussion. Aujourd'hui, le climat est meilleur. C'est plus facile chez les filles que chez les garçons.
L'Afrique dans l'actualité, c'est aussi l'intervention française en Centrafrique.
Et le regard critique du spécialiste de l'Afrique, Jean-François Bayard dans Libération .
« Pourquoi la France se retrouve-t-elle encore une fois seule ? lui demande le journal.
- Au Mali, il y avait une forme d'irresponsabilité de nos partenaires européens. En Centrafrique, c'est plus discutable. Les Européens redoutent d'être instrumentalisés comme ils l'ont pu l'être au Tchad en 2008, quand l'Union européenne avait déployé une force permettant à Paris de régler son petit business avec le président Deby. Et puis les budgets de la défense fondent comme neige aux tropiques.
Et l'appel déjà de François Hollande au départ du président Djotodia et à des élections ?
« Manque d'imagination, répond Jean-François Bayard. Face à une situation conflictuelle, on sort systématiquement le kit électoral politiquement correct. Les élections ne règlent pas tout. En Angola dans les années 90 et en Côte D'Ivoire, en 2010, elles ont même entrainé une reprise des hostilités. Je ne crois pas à la possibilité de solder en quelques mois cent ans d'une histoire marquée par la prédation esclavagiste puis coloniale, par la tutelle militaire de la France. »
En Grèce, un nouveau budget de rigueur vient d'être voté
« Quatrième budget d'extrême rigueur », titre Mediapart mais une nouveauté dans les mois à venir : l'Eglise va être à contribution. C'est à lire dans Le Figaro . On a beaucoup évoqué depuis le début de la crise en Grèce la richesse de l'Eglise, qui n'est pas séparée de l'Etat.
Une société anonyme détenue à moitié par chacun (Eglise/Etat) va gérer les terres des archevêchés pour en vendre certains et en exploiter d'autres.
C'est que l'Eglise elle même sent passer la crise : ses recettes ont diminué de près de 40% depuis 2009. Et elle a plus de dépenses : elle se substitue à l'Etat pour organiser des soupes populaires ou entretenir des orphelinats ou des maisons de retraite.
C'est un cabinet international, Price WaterhouseCoopers qui est chargé d'enregistrer les propriétés. Il y a l'éternel problème du cadastre qui n'existe pas en Grèce. Qui est prêt à acheter ? Comme à peu près partout ailleurs en Europe, la famille royale du Qatar est sur la liste. Elle lorgne sur 50 hectares dans la banlieue balnéaire au sud d'Athènes.
La moitié de l'argent gagné servira à des bonnes œuvres, l'autre moitié à renflouer les caisses de l'Etat
Quoi d'autre dans la presse ?
« Scènes de barbarie au Brésil ». Le titre est dans L'Equipe . 4 hommes très grièvement blessés après des bagarres dans le stade de l'Atletico Paranaense, au sud du pays. Police absente dans un premier temps. Très mauvaise publicité à 6 mois de la coupe du monde.
C'est l'un des patriarches de la presse, l'un des fondateurs du Nouvel Observateur : Claude Perdriel se dit prêt à céder le contrôle du Nouvel Observateur. Interview au Figaro ce matin. Il recherche des investisseurs. Ils prendraient une part du capital minoritaire ou majoritaire. Presse en crise : même L'Obs perd de l'argent. 7 millions d'Euros cette année précise son fondateur.
Le Nouvel Observateur aura 50 ans l'année prochaine. Si vous avez écouté France Inter depuis vendredi matin, vous n'ignorez que votre radio préférée a fêté son demi-siècle ce week-end.
Encore quelques petites bougies, petits cadeaux dans la presse ce matin. Dans Le Parisien Aujourd’hui en France , dossier sur l'anglais qui envahit toujours plus les médias – de Masterchef à Secret Story en passant par les matinales radio qui deviennent des morning ou des morning live chez nos concurrents. En même temps, les mots équivalent aux anglicismes en français ne sont pas toujours pas très sexy (sic) : « entreprise à entreprise en ligne » à la place de « B to B »…
Comment faire ? Réponse de l’académicien Eric Orsenna dans Le Parisien : « J’écoute presque chaque matin la chronique sur la musique d’André Manoukian sur France Inter, à 7h24. Cet homme là parle un français formidable, précis et en même temps imagé, drôle, poétique… Plutôt que de dire ‘’Interdisons les anglicismes’’, moi je dis ‘’Mutiplions les Manoukian’’ ! »
A demain !
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