« Je n’ai plus que les os, un squelette je semble. Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble. » Jean-Louis Trintignant parle au Monde, avant de remonter sue scène. "Le peuple a pour lui le nombre, le courage, la joie, l’intelligence et la naïveté." Lundi matin, voix de l'ultra-gauche, parle des gilets jaunes
Un gréviste de la faim à Carcassonne...
Il se nomme Pascal Perez et l'Indépendant nous donne de ses nouvelles, il s'était attaché aux grilles de la cité administrative de Carcassonne, mais hier, il a accepté de se déplacer pour laisser passer les contribuables qui voudraient déposer des réclamations devant l'administration des impôts! Et voilà une petite histoire dans un grand journal dans le Midi, qui raconte ces gilets jaunes qui veulent être la voix du peuple car Pascal Perez est l'un d'eux. Il est entré en grève de la faim dimanche, pour réclamer "la remise en place de l’impôt sur la fortune, la taxe flottante sur les produits pétroliers de Lionel Jospin, et 150 à 200 € de plus pour les plus petits salaires et les pensions », c'est donc dans l'indépendant mais avant l'Indépendant, un site local, lengadoc.info, avait offert son micro à ce sexagénaire qui veut sauver la France de la guerre civile...
C'était dimanche. Pascal Perez parlait entouré d'amis. Une infirmière gilets jaunes vient le surveiller dit l'indépendant, et deux jeunes gens venus de Caen, ont passé la nuit avec Pascal, ils font la route, « quand on arrive dans une ville et qu’on ne sait pas où dormir, on va voir les gilets jaunes. Ils ont toujours quelqu’un pour nous accueillir ».
Et voilà donc une France entre amis, qui se réchauffe dans ses luttes, bien loin en apparence des grandes Unes et de la grande politique et de l'exécutif qui prépare sa sortie de crise, dit le Figaro, et annonce un geste fort...
Et les journaux racontent ces hésitations du pouvoir....
Car la presse politique aime l'actualité d'en haut, mais cette actualité suggère une débandade. L'opinion s'interroge en une, "que faut-il lâcher", et raconte les députés de la majorité prêts à abandonner sur la taxe carbone. Il faut lâcher dit en substance le patronat incarné par Geoffroy Roux de Bézieux, dans le Parisien, il veut le moratoire sur la taxe sur les carburants et une augmentation du Smic, à condition que l'Etat paye et pas les entreprises, il lâche donc, simplement, le pouvoir. Il faut lâcher puisque l'économie accuse le coup, une des Echos, elle est en alerte rouge, Midi Libre, il faut lâcher car dit le Télégramme, la Bretagne, stoïque, subit la pénurie de carburants...
Le pouvoir va-t-il lâcher, quand dans la Provence Jean-Michel Blanquer tente encore la raison, "on détruit de la valeur pour le pays en faisant peur" dit-il. Mais est-ce audible, et ce pouvoir a-t-il épuisé la patience?
Lisez dans le Monde ce préfet désespéré d'un pouvoir "enfermé dans sa bulle technocratique", "coupé de la France des gens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois", perclus d'une "arrogance parisienne"... Et les préfets décrivent une situation « prérévolutionnaire », comme en 1789, sur fond de "haine du président de la République".
Est-il en 1789, Franck Carpentier au regard lourd dans la Voix du Nord, artisan qui n'y arrive plus et a porté plainte au commissariat d’Aulnoye-Aymeries contre le président Macron, pour "racket, dilapidation de l’argent public, préjudice moral et atteinte aux droits de manifestation"... Sont -ils en 1789 ou en 1968, ces lycéens qui occupent leurs lycées et revigorent Libération, qui titre sur les "gilets jeunes", et pour qui les réseaux sociaux sont tels les transistors au temps de mai 68?
Ils sont en 2018, ces lycéens qui bougent et pas seuls dit le Parisien les agriculteurs, les entreprises de travaux publics, les routiers pourraient entrer dans la danse, les petits patrons ambulanciers manifestaient devant l'assemblée dit l'Humanité, Macron veut tuer leur métier lis-je. Encore...
La philosophe Chantal Mouffe, théoricienne du populisme pour la France insoumise, voit dans Libération la confirmation de ses thèses, il ne reste que la rue. Plus à gauche encore, ceci: "La situation est simple : le peuple veut la chute du système. Or le système entend se maintenir. Cela définit la situation comme insurrectionnelle, soit nous renversons le système, soit c’est lui qui nous écrase.", Ainsi proclame sur internet le journal Lundi Matin, qui représente une ultragauche groupusculaire, mais dont les mots font écho à une poésie des barrages... "Le peuple a pour lui le nombre, le courage, la joie, l’intelligence et la naïveté."
La courage, la naïveté? Dans la Croix, Valérie qui a 44 ans et qui jeune, BEP couture, aurait bien créé des robes de mariée et puis, on ne choisit pas sa vie, elle travaille de nuit dans une usine de chaussettes, et le jour tient un barrage au lieu-dit du Magny vers Montceau-les-mines et elle culpabilise si elle n' y va pas, sur ce barrage où l'on parle des galères des uns et de la vie des autres...
Le courage, l'intelligence? La Provence raconte le rond-point du Vittier à Arles, qui est le nœud des routes entre l'Espagne et l'Italie, et que bloquent des gilets jaunes stratèges, ils veulent tenir jusqu'à Noel, ils organiseront alors un repas sur le barrage et tous ceux qui sont seuls et malheureux, on les invite à venir... Comment déracine-t-on cette joie-là?
Et la joie d'un comédien pour finir...
Qui se dérobe au cliché du monstre sacré, Jean-Louis Trintignant, 87 ans, qui parle au Monde avant de monter sur scène à Paris pour dire des poèmes; Trintignant dont la grâce résiste aux deuils et aux tragédies, il se souvient de son père résistant, qui revenant en vainqueur à Pont-Saint-Esprit trouva sa femme "dans la charrette des femmes tondues, pour avoir couché avec des Allemands"... Il prononce aussi le nom de sa fille, Marie, pour la raconter à 8 ans lisant des passages du scénario du Dernier tango à paris et disant à son père : "Je ne veux pas que tu fasses ce film, je ne pourrai plus aller à l’école, après ça. " Et Trintignant ajoute: "Alors je ne l’ai pas fait. Et ce fut Brando. Peut-être qu’avec moi le film n’aurait pas été un tel succès." Et c'est dans cette modestie surjouée en demi-ton que Trintignant, "un raté qui a eu de la chance", nous charme de la peur de le perdre. « Je n’ai plus que les os, un squelette je semble. (…) Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble. » C'est du Ronsard. Tout se désassemble...
PRECISION: Le site Lengadoc_info, qui a interrogé, comme l'Indépendant, un gilet jaune gréviste de la faim à Carcassonne, est un site de la mouvance identitaire, ce que je n'ai pas vu ce matin, et j'aurais du le signaler. Mes excuses pour ce manque aux auditeurs de France-inter.
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