Quand Raymond Aron allait défendre son livre chez Danièle Gilbert (Souvenirs et beaux textes dans le Point!)

France Inter
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Un poète iranien en exil accueilli à Poitiers, dans la maison d'un grand intellectuel de jadis, la Nouvelle République. Des djihadistes français s'incarnent dans des reportages de la Croix et Paris-Match. Les suicides de paysans, depuis si longtemps, dans le Monde. Une femme de Cerdagne et un loup, dans l'Indépendant.

On parle d'un poète ce matin...

Qui s'appelle Mohammad Bamm et qui nous vient d'Iran et qu'on rencontre dans Centre presse et la Nouvelle république, car il s'installe à Poitiers, acccueilli pour deux ans dans une résidence d'artistes, et c'est un combattant de la liberté que l'on accueille, puisque Mohammad Bamm s'est sauvé de son pays où il fut condamné pour pour blasphème: il y a un an, il était en prison, le voici abrité avec sa femme et ses deux enfants à Poitiers, dans un lieu, le parc de la Mérigote qui témoigne de notre histoire...

Car la Mérigote fut la maison d'un écrivain qui s'appelait Jean-Richard Bloch, un professeur du lycée de Poitiers, largement oublié, mais dont vous trouvez les traces sur le site de la NR, et au-delà sur internet, notamment le Maitron, ce dictionnaire en ligne du mouvement ouvrier; Bloch fut un grand intellectuel français, entre le socialisme et le communisme, q ui fut antifasciste et stalinien à la fois résume la NR. Pendant la guerre, il s'était réfugié en Union soviétique où il animait les émissions en français de Radio Moscou, quand sa fille, résistante, était tuée par les nazis. Voilà donc sa maison rachetée par Poitiers, ville-refuge pour un poète en exil.

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Voilà une histoire de France résumée en quelques lignes de journaux. Nous sommes ce vieux pays de pensée et de liberté, comment le rester? Dans la Charente libre, un autre réfugié, agé de 29 ans comme Mohammad Bamm, nous parle depuis Saint-Junien, où après trois ans il ne s'habitue pas au froid, il vient du Vénézuela....  Bernardo Estacio Abreu, militant écologiste, a fui le régime de Maduro où il risquai dit -il la torture et la prison, et dans son exil nous regarde circonspect. "Je me sens libre, je peux dire ce que je veux à qui je veux, c'est ça la démocratie. Quand j'entends certains parler de répression policière en France, j’ai envie de leur dir, allez au Vénézuela pour comparer"

Est-ce qu'il clôt nos débats, Bernardo, quand on dispute de sécurité à l'assemblée et des lanceurs de balle de défense au Conseil d'Etat, ou quand le Monde décrit, longue enquête, le retard intellectuel de notre pays, quand il s'agit de maintien de l'ordre, et de l'incompréhension qui existe entre manifestants et policiers... On a réfléchi, ailleurs en Europe, plus que chez nous. 

Il fut en France un homme pour qui la liberté se mariait avec la raison, Raymond Aron qui disait ceci: « Les deux choses qui ont le plus compté pour moi sont la liberté et la vérité", et il fait la une du Point où on le lit, on le voit, on le ressent dans son exigence. Quand Jean-Richard Bloch était chez Staline, Raymond Aron était à Londres avec De Gaulle, qu'il critiquait en même temps avec rudesse dans un livre écrit en 1943, « l'ombre des Bonaparte », et ceci nous dit tout sur un homme, qui par crainte d'une dérive autoritaire critiquait celui-là même qu'il avait rejoint. Aron, qui ne savait pas se courber, fut-ce devant Sartre qu'il admirait, est si bien raconté dans le Point par sa fille, Dominique Schnapper,  qui republie des textes de son père: il en ressort une complexité plus enrichissante que l'image du modéré ayant toujours raison qui l'accompagne...  Il savait aussi, Aron, se commettre: et le 10 mars 1977, il était allé défendre son « Plaidoyer pour l’Europe décadente » sur le plateau de «Midi Première », sur TF1, devant Danièle Gilbert, qui interrogea Aron sur le marxisme avant que C Jérôme ne chante « Le charme français »... De quoi enchanter le Figaro qui célèbre l'esprit français cette semaine dans ses pages littéraires, et l'académicien Marc Fumaroli pour son amour de nos vieux textes.

Dans l'Obs, la sociologue Eva Illouz décrit nos sociétés capitalistes comme un piège, où l'on sollicite et l’on fabrique nos émotions, quand on nous reconditionne pour consommer et aimer, et nous ne savons plus séparer l'amour vrai et le romantisme toc des ambiances aux bougies des restaurants de la Saint Valentin…  

Aron avait des plaisirs innocents.

Les djihadistes français pourraient revenir en France...

Et inquiètent à la une du Figaro, mais ils s'incarnent dans des journaux qui leur donnent un épaisseur. La Croix est allée à Deir Es Zor en Syrie où Daesh livre ses derniers combats et rencontre une française qu'il nomme Myriam, épouse d'un djihadiste qui s'est rendu, elle vient de Narbonne, elle montre ses enfants une fille et  trois garçons, âgés de 2 à 5 ans qui tremblent de froid, « ils doivent grandir en France, et personne ne peut les séparer de leur mère. Regardez-les, ce sont des innocents » dit-elle puis elle accuse, elle n'en sait rien, l'aviation française d'avoir bombardé les écoles de ses ebfant...

Dans Paris-Match qui est allé aussi au contact de la débacle de Daesh, Julie, est-ce la même personne, raconte la même histoire de femme de djihadiste qui rêve désormais de retour et de hamburger, de frites et de magasins, et elle parle aussi de son mari, prisonnier des forces démocratiques: « Vous le reconnaitrez, il a les yeux bleus, dites lui que vous m'avez vu et que nous nous sommes mariés un 5 mars ». Et et la suite de ce reportage vertigineux, est la rencontre avec ce djihadiste, Quentin Lebrun,  de Labastide Rouairoux dans le Tarn, fils de routier et petit fils de gendarme, devenu Abu Osmaa el Faransi, et aujourd'hui prisonnier, et qui raconte un parcours de jeune homme perdu qui aimait le Japon et qui lisait la Bible et qui de fil en aiguille choisit l'Islam, et puis la mort...

Sa maman, à Castres, prie pour Quentin Sainte Rita, elle qui autrefois était athée. Nous sommes aussi ce désarroi.

Et la souffrance des agriculteurs pour finir... 

Qui se suicident, plus nombreux qu'aucun autre groupe dans notre pays, et le Monde y consacre une très longue enquête, qui commence au lieu-dit Les Brûlés,  dans le Rhône où Christian se souvient de son frère Jean-Marc qui s’est pendu le 2 novembre dernier dans le Beaujolais, « Je soigne mes cerisiers. » avait-il dit a son frère qui l'appelait ce matin... 

Il y a 754 000 agriculteurs en France  dans un pays de 67 millions d’habitants, les statistiques enserrent leurs morts, mais tout ceci est une longue histoire...

Je lis dans le Monde celle de Catherine Laillé, 58 ans, dont la maman et la grand mère se sont tuées, dans une famille de fermiers en Loire-Attlantique qui travaillaient pour des aristocrates...  « Le comte venait pour percevoir les fermages. Mon père et lui restaient debout face à face, de part et d’autre de la table. C’était très tendu. »

« Une nuit de 1972, Odette, la maman de Catherine, s’est levée sans bruit, a déposé ses chaussons dehors en direction d’un petit étang et s’est noyée sans un message, en chemise de nuit. »

Le premier roman de Marcel Aymé commence ainsi, par la mort d'une paysanne, il s'appelle la Table-aux-Crevés

Marcel Aymé qui aurait aimé aussi cette histoire que je lis dans l’Indépendant, d’une dame, en Cerdagne, qui a recueilli un loup, faible et malade, et l’a mis à l’abri dans un garage. Il est mort, il a été euthanasié, il n’avait plus de force. Il nous reste l’histoire, Marcel Aymé, l’immense respect que l’on doit aux paysans.