Donald Trump accuse l'immigration de "changer l'Allemagne" et attaque Angela Merkel, et fait la une du Financial Times. Angela Merkel, qui veut relancer l'Europe avec Emmanuel Macron, dans le Monde, le Figaro, les Echos, semble une libérale encerclée. L'Opinion dénonce en France la naissance d'une droite "ilibérale".
L'offensive de Donald Trump contre Angela Merkel fait la une du Financial times...
Avec ce titre, « TRUMP ACCUSE MERKEL DE LAISSER LES MIGRANTS TRANSFORMER L’Allemagne »...
Et le FT définit parfaitement la crise politique qui fracture l'Occident et les droites. L'affrontement entre une droite libérale d'idéologie et de comportement, et une droite identitariste ou populiste, qui se confond avec l'extrême droite.
Et Donald Trump a donc twitté ceci hier, en intervenant dans la crise gouvernementale allemande.
"Le peuple d'Allemagne se tourne contre ses dirigeants alors que l'immigration secoue une coalition déjà fragile. La criminalité explose en Allemagne. Big Mistake, ce fut une grande faute dans toute l'Europe de laisser entrer des millions de gens qui ont violemment et fortement changé leur culture."
Le Monde rappelle que Donald Trump décrivait en janvier 2016 que l'Allemagne comme un «total foutoir-grande criminalité », et tressait des louanges à Marine le Pen en avril 2017, « Elle est la plus forte sur les frontières et la plus forte pour ce qui se passe en France"... Et que son nouvel ambassadeur en Allemagne Richard Grennel s'est donné pour mission de « soutenir" les autres conservateurs "partout en Europe".
Et la sortie du Président américain n'est pas simplement un contrefeu, quand les enfants de migrants séparés de leurs parents indignent même son épouse -c'est dans Libération...
Nos journaux, qui sont raisonnables, contestent Donald Trump, il a fait une assertion incorrecte dit le FT, une attaque approximative dit le Monde, car Mme Merkel reste la personnalité politique la plus populaire outre-Rhin ET la criminalité en Allemagne est au plus bas...
OUI MAIS
Ce sont des statistiques sans émotion. Et il faut lire les journaux, au-delà de la géopolitique et dans les pages fait divers, pour comprendre à quelles émotions parle Donald Trump....
Parce que le meurtre d'une jeune fille vient de bouleverser l'Allemagne.
Son visage rond et ses cheveux bruns font la Une du grand hebdomadaire allemand Die Zeit.
Elle s'appelait Susanna Feldmann, elle avait 14 ans, elle traînait avec sa bande au centre-ville de Wiesbaden à fumer des cigarettes et de la marijuana, elle riait ce mardi 22 mai en pensant à des ongles artificiels rouges, brillants ornée du logo Gucci qu'elle se ferait poser un jour. Le soir, Susanna serait morte, violée et assassinée par Ali Bashar, le frère de son copain Azad, un chouette copain venu d'Irak avec la grande vague des migrants de 2015. Azad avait averti Susanna "mon frère est là, ne sors pas", car Azad savait que Ali Bashar était dangereux. Mais Susanna est restée et a passé la soirée avec Ali Bashar qui l'a tuée.
Et ce meurtre a changé l'Allemagne, affirme l'hebdomadaire britannique l'Observer. On a découvert le corps de la jeune fille le 6 juin, les autorités allemandes sont allées chercher Ali Bashar en Irak où il s'était enfui, il y a eu des marches blanches et des manifestations d'extrême droite et cette enquête die Zeit, «es tut mir sehr leid, nous sommes désolés Susanna »... Car Ali Bashar, dont la demande d'asile avait été refusée, n'aurait pas dû être ce jour-là devant le Burger King de Wiesbaden pour tuer Susanna.
Cette histoire a peu transpiré dans la presse française mais elle éclaire la grande crise de la coalition allemande. On a imputé la mort de la jeune fille, sur les réseaux sociaux, à la chancelière. "Susanna est la victime d'une idéologie multiculturaliste hors contrôle", a affirmé Alice Weidel, de l'Alternative pour l'Allemagne. J'ai retrouvé dans le New York Times ce texte d'une éditorialiste venue du Tageszeitung, le journal de la gauche allemande, elle s'appelle Anna Sauerbrey qui reconnait ceci. La mort de Susanna vient d'après d'autres meurtres de jeunes femmes perpétrés par des migrants.
Donald Trump, qui sait les fait divers ou les devine, ne frappe pas au hasard quand il twitte contre Mme Merkel, dont je lis dans la Croix qu'elle a obtenu un répit ... Mme Merkel qui s'apprête à relancer l'Europe avec Emmanuel Macron, nous informent nos journaux, des Echos au Monde et au Figaro, qui racontent la série d'occasions manquées entre le président et la chancelière allemande : l’univers des gouvernements ressemble à une rationalité assiégée : deux libéraux européens, encerclés de doutes, de populisme et désormais de sang.
Et ces fractures idéologiques se retrouvent en France...
Dans la querelle entre Laurent Wauquiez et Virginie Calmels (qui n'est plus la bienvenue dans le système Juppé à Bordeaux, me dit Sud-Ouest) et il faut évidemment dépasser la dimension des personnages, et lire la dispute au prisme de Donald Trump et Angela Merkel, et donc dépasser l'anecdote que suggère la une du figaro, "Wauquiez veut affirmer son autorité", pour lire dans ce Figaro deux articles essentiels: A Lyon, Laurent Wauquiez a poursuivi son alliance avec le courant catholique ultra-conservateur sens commun... Et surtout l'éditorial de Vincent Trémolet de Villers, qui dit ceci. Emmanuel Macron aura beau baisser la pression fiscale, il ne sera jamais le défenseur de notre "patrimoine immatériel", et c'est de cet enjeu que doit s'emparer la droite : défendre nos "attachements historiques », nos « enracinements géographiques », nos « permanences culturelles » et nos « passions gastronomiques », contre aussi bien « la digitalisation du monde » que « la pression multiculturelle, l'immigration incontrôlée, le séparatisme islamiste »...
Et on a là, d'une plume civilisée, un écho à un tweet de Donald Trump, sur l'Allemagne que changeraient les migrants.
Et le paysage se fracture ans nos journaux. L’Humanité comme le Figaro expliquent que la loi pacte de Bruno Le Maire est une loi joyeuse aux patrons. La Croix se demande si une droite modérée peut encore exister en dehors du macronisme. Le Parisien associe Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, et redoute que Macron, comme l'italien Renzi avant lui, ne fasse le lit des « démagogues ». L'opinion dénonce l'émergence d'une droite française « ilibérale », c'est le camp de Laurent Wauquiez qui est visé. Et l’Opinion est à la France, culturellement, ce que le Financial times est à l'Occident...
Nous n'avons parlé que politique ce matin, mes amis et d'étranges fantômes font surface.
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