Voiture électrique : est-ce que tout roule ?

En France, l’objectif de fin de vente des voitures thermiques est fixé à l’horizon 2040. La voiture est le mode de transport le plus utilisé en France, représentant de l’ordre des deux tiers de nos mobilités, en nombre de trajets, en temps de transport ou en kilomètres parcourus.

D’un point de vue technologique, la voiture électrique est la meilleure technologie pour décarboner le parc automobile. En revanche, la voiture demeure le pire des modes de transport en termes d’impacts, donc le véhicule électrique répond imparfaitement aux différents impacts et défis de transition dans les transports.
La voiture électrique permet, en France et dès aujourd’hui, de diviser par trois les émissions de gaz à effet de serre, en comparaison avec une voiture thermique.

La voiture électrique est-elle la solution optimale à la transition énergétique des transports, comme elle l’est si souvent présentée ?

Aujourd’hui, les voitures électriques ont cinq places, permettent d’aller à plus de 130km/h, pèsent 1,5 tonne, et permettent des déplacements de plusieurs centaines de kilomètres. Si l'on compare aux usages réels du quotidien dont les distances sont de seulement quelques kilomètres, la voiture électrique est surdimensionnée, constate le chercheur Aurélien Bigo.

Afin que la voiture électrique soit optimale d'un point de vue environnementale, il faudrait que les modèles soient sobres, moins lourds avec des batteries à autonomie modérée.

Pour une voiture électrique, les émissions sont nulles à l’usage, mais concentrées sur la production du véhicule et de l’énergie : la production d’une batterie de voiture électrique demande des ressources minérales dont l’extraction a un impact environnemental indéniable, et leur raffinage comme la production de batteries consomme également de l’énergie. Il n'existe pas de véhicule propre. La voiture devra être réservée à des usages pour lesquels on ne pourra pas faire autrement.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande en lithium du secteur énergétique va être multipliée par plus de 40 d’ici à 2040. La Banque mondiale estime que la production de graphite, lithium et cobalt devrait augmenter de près de 500 % d’ici à 2050 pour atteindre les objectifs climatiques.

Un véhicule thermique, c’est 20 kg de cuivre, un hybride 40 kg et une voiture électrique 80 kg… soit quatre fois plus de cuivre, mais ce n’est pas pour autant qu'il ne faut pas électrifier. Il s'agirait néanmoins de définir comment assurer nos approvisionnements en matériaux, explique l'économiste Emmanuel Hache.

L'enjeu serait également de revoir la place et les usages de la voiture dans la mobilité, en agissant sur les cinq leviers de la décarbonation des mobilités : plus de proximité pour réduire les longs trajets, favoriser la marche, le vélo, le train, les bus, améliorer le remplissage des véhicules (covoiturage), réduire la vitesse sur les routes et électrifier pour les véhicules les plus légers. Et enfin, développer des véhicules intermédiaires entre vélo et voiture  : vélos pliants, vélos cargos, speed-pedelex (vélos assistés allant jusqu’à 45km/h), vélomobiles.

La voiture électrique, une invention datant du XIXe siècle

La voiture électrique existe depuis la fin du XIX siècle, mais sa production s’est arrêtée en 1905. Pour Emmanuel Hache : « Je pense qu’il y avait à l’époque une industrie pétrolière qui voulait que ses débouchés pétroliers soient consommés massivement à travers le monde. L’alliance entre le fordisme et l’industrie pétrolière a fait que le véhicule a disparu. » Pour Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports : « Il y avait une concurrence très forte sur les motorisations que l’on retrouve un peu aujourd'hui. Il y avait une grosse concurrence entre la voiture à pétrole, la voiture électrique et la voiture à vapeur. Cela a duré jusqu'à ce que le pétrole domine largement et que le carburant soit présent dans tous les modes de transport. »

Moins de 2 % du parc automobile actuel

Les ventes de voitures électriques se portent bien depuis 2020, année où la réglementation européenne a mis des contraintes plus fortes aux constructeurs. Selon Aurélien Bigo : « Nous sommes passés de 2 % en 2019 à 6 % en 2020, aujourd’hui, nous sommes à 13 % des ventes. Ça reste quand même une faible partie, si l’on regarde l'ensemble du parc automobile qui est en circulation aujourd'hui, on est à moins de 2 % des voitures qui sont électriques. C’est une transition assez lente ce qui explique qu'à court terme, l'électrique ne sera pas suffisant pour baisser nos émissions. »

L’interdiction des véhicules thermiques en 2035

En 2035, les ventes de véhicules thermiques seront interdites pour les véhicules neufs en Europe. Les constructeurs se préparent à cette transition. Pour l’économiste Emmanuel Hache : « C'est le réglementaire qui va favoriser la décarbonation du secteur des transports. Cette électrification du secteur est nécessaire et fondamentale. Les constructeurs automobiles sont obligés de s'y mettre et de proposer différentes gammes pour aller rencontrer différents consommateurs. »

Électrifier les véhicules légers

On nous le rappelle constamment, les voitures électriques sont bien meilleures que les voitures thermiques pour décarboner nos usages. Pour Aurélien Bigo : « L'électrique va être indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques que ce soit en France ou dans le monde, il faudra électrifier les véhicules routiers les plus légers. Il faut éviter les voitures trop lourdes, car nous sommes dans un monde aux ressources qui sont limitées, il pourrait y avoir des contraintes sur certains types de ressources. Utiliser des véhicules qui sont plus lourds, alors que l’on pourrait en trouver des plus sobres par rapport à nos usages, c'est un gaspillage de ressources qui va poser des problèmes sur d'autres aspects. » D’un point de vue de chercheur, Aurélien Bigo précise que malgré nos croyances : « La voiture électrique est un peu vue comme le véhicule écologique de demain, alors que ce n'est pas le cas. Il faut électrifier pour le climat, mais ce ne sera pas suffisant pour atteindre nos objectifs climatiques ou pour avoir une mobilité plus durable. De manière générale, si on regarde un peu l'ensemble des impacts qu'il peut y avoir déjà, aujourd'hui de nos transports, de nos mobilités, que ce soit sur l'environnement, les impacts sociaux, les impacts sanitaires. La voiture électrique fait partie des leviers qu'on doit solliciter pour la décarbonation des transports, mais ce ne sera pas suffisant. »

Des solutions face aux prix des voitures électriques

Une des principales raisons qui freinent les consommateurs à l’achat d’une voiture électrique, c’est le prix. Pour Aurélien Bigo : « Ce sont des véhicules qui restent encore très chers à l'achat, mais si on regarde sur l'ensemble du cycle de vie, le véhicule électrique est moins cher que le thermique. Le problème surtout, c’est l’accessibilité aux véhicules. La majorité des Français achètent sur le marché de l'occasion. Et pour l'instant, il y a très peu d'électrique, le prix de vente des voitures, aussi bien sur le marché du neuf que sur le marché de l'occasion, est actuellement en hausse. Je pense qu’il y a deux pistes pour y remédier : aller vers des véhicules plus légers, qui coûtent moins cher et l’autre remède, ce serait de mettre en place des locations longue durée qui permettraient d'amortir sur la durée de vie les coûts liés à l'électrique. »

On en parle avec :

Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports (associé à la Chaire Énergie et Prospérité)

Emmanuel Hache, économiste à l’IFP Energies nouvelles, directeur de recherche à l'IRIS

Ressources :

- La voiture électrique passée au crible de la soutenabilité

- Les métaux dans la transition énergétique

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