Robots et Big Data pour observer le plancton, sentinelle du changement climatique

Filets de plancton de surface, déployés depuis les expéditions de Tara, Galapagos, mai 2011
Filets de plancton de surface, déployés depuis les expéditions de Tara, Galapagos, mai 2011 ©Getty - CHRISTOPH GERIGK / Biosphoto
Filets de plancton de surface, déployés depuis les expéditions de Tara, Galapagos, mai 2011 ©Getty - CHRISTOPH GERIGK / Biosphoto
Filets de plancton de surface, déployés depuis les expéditions de Tara, Galapagos, mai 2011 ©Getty - CHRISTOPH GERIGK / Biosphoto
Publicité

Les satellites, les navires océaniques, les robots flotteurs ou le Big Data sont utilisés pour observer, étudier, prévoir l' évolution du plancton, espèce sentinelle, dans un contexte de réchauffement climatique.

Acidification ou  perte d’oxygène sont désormais les signes tangibles parmi d’autres, de l’évolution de notre océan dans un contexte  de réchauffement climatique.  La mise en évidence de ces transformations n’est possible que grâce à l’acquisition répétée sur le long terme de mesures ou d’observations dans différentes mers ou océans. Différents systèmes d’observation et d’étude comme le satellite, les navires océaniques, les robots flotteurs ou le Big Data  sont utilisés pour observer et étudier  les différentes espèces de  plancton, sentinelles  de la bonne santé des océans, pour comprendre le changement climatique et son impact sur l’océan  et ainsi prévoir l' évolution de l'océan dans les décennies à venir .

Des flotteurs pour étudier le plancton

Publicité

En mai 2022, des "flotteurs profileurs" robotisés  du projet européen  Refine,  seront mis à l'eau en mer du Labrador, entre le Canada et le Groenland, pour étudier  la migration du plancton animal entre 100 et 1000 mètres de profondeur dans la zone crépusculaire.

Le flotteur-profileur est un type de robot assez emblématique. Semblable à un cylindre d’environ 2m de longueur et 30 cm de diamètre, il a commencé à être développé à la fin du siècle dernier, et n’a depuis cessé de bénéficier d’améliorations qui ont permis d’élargir le spectre des observations possibles.

Tous les 10 jours, le flotteur-profileur quitte sa profondeur dite de parking (située à 1km), plonge à 2km puis remonte en surface (animation). Ce déplacement vertical, qui dure une dizaine d'heures, obéit au principe d’Archimède : un astucieux mécanisme de transfert d’huile entre deux vessies interne et externe au robot permet de modifier sa densité.

Pendant la remontée, le flotteur-profileur active ses capteurs et enregistre les mesures sous la forme de profils verticaux qui décrivent la variation de plusieurs paramètres (e.g. la température) entre la surface et 2km. Arrivé en surface, le flotteur-profileur transmet par satellite ses mesures à un centre de données. Il replonge ensuite à sa profondeur de parking où il dérivera au gré des courants pendant 10 jours avant un nouveau cycle de mesures.

Selon Hervé Claustre, responsable  du programme européen Refine qui va étudier, à partir de mai 2022  à l'aide de robots sous-marins, la zone crépusculaire de l’océan et également coordinateur du programme international  BGC-Argo (BGC pour BioGéoChimie), la combinaison nouvelle entre  robots et  satellites qui génère un flux considérable de données complémentaires, permet à l’océanographie d’accéder au domaine du big data.

Plancton et Big Data. Le plancton, sentinelle du changement climatique,  se compose du plancton végétal, appelé phytoplancton, et du plancton animal, le zooplancton.  Dans le plancton on retrouve des plantes et des animaux, mais aussi des champignons, des bactéries ou encore des virus.

Il y a aussi des copépodes, de petits crustacés planctoniques, sont un peu au centre des réseaux alimentaires, puisqu’ils mangent les microalgues et se font manger par les poissons. Ils jouent un rôle important dans la séquestration du carbone, en particulier par la production de pelotes fécales qui vont sédimenter en agrégats au fond des océans.  Les copépodes sont parfois considérés comme les sentinelles du changement climatique, car ils peuvent être très sensibles aux changements environnementaux.

L’observation de ces écosystèmes marins  génère de grands jeux de données, que ce soit sur le blanchiment des coraux, à travers les données satellites, sur la présence des bancs de poissons, ou encore sur la morphologie du plancton qui est enregistrée sur des caméras miniatures.

Grâce aux expéditions Tara Oceans, cette goélette qui sillonne les océans, plus de 35 000 échantillons ont été prélevés et le séquençage d’ADN ou d’ARN récolté a conduit à l’identification de plus de 116 millions de gènes**. Sakina-Dorothée Ayata, écologue et maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université, est spécialiste du plancton  au Laboratoire d’Océanographie et du Climat** développe des outils numériques et des modèles dynamiques qui prédisent l’évolution de l'écosystème des planctons  dans un contexte de réchauffement climatique. Ces données offrent l’opportunité d’étudier l’impact des conditions environnementales sur la composition de ces communautés jouant un rôle clef dans la régulation du climat global.

Le « Facebook des planctons ».  Lionel Guidi , chercheur  en océanographie et bio-géochimie  au Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer s’est inspiré des réseaux sociaux pour mettre au point le « Facebook des planctons ».   Composé de gènes reliés entre eux, c’est une véritable communauté planctonique qui se forme et aide au bon fonctionnement de la pompe à carbone.

Plusieurs mécanismes participent à cette gigantesque pompe à carbone

Tout d’abord, les océans emprisonnent naturellement, de par leurs propriétés physiques et chimiques, une partie du CO2 atmosphérique qu’ils entraînent dans les profondeurs. D’autre part, le phytoplancton – le plancton « végétal » – capte le dioxyde de carbone pour le transformer en oxygène durant la photosynthèse.

Enfin, les déjections et les cadavres des organismes planctoniques coulent doucement pour atterrir au fond de l’océan. Cette pluie de particules organiques contenant énormément de carbone, notamment dans les squelettes externes, coquilles ou enveloppes calcaires des micro-organismes, finira emprisonnée en sédiments sur le plancher océanique, peu à peu transformée en hydrocarbures. C’est ce que l’on appelle la séquestration du carbone ; en d’autres termes, un gigantesque puits à carbone.

Avec le réchauffement climatique,  il va y avoir des modifications qui risquent de modifier les interactions existants dans ce réseau planctonique. Mais un petit degré de plus peut avoir un impact dramatique sur ce réseau donc sur la pompe biologique

Avec :

  • Hervé Claustre, océanographe, directeur de recherche CNRS /Sorbonne Université au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche sur-Mer.  Il est le responsable  du programme européen Refine qui va étudier, à partir de mai 2022  à l'aide de robots sous-marins, la zone crépusculaire de l’océan et également coordinateur du programme international  BGC-Argo (BGC pour BioGéoChimie). De plus, depuis 10 ans, il a développé un programme éducatif  qui s’appelle « adopt a float ». Une classe adopte un flotteur, le suit pendant son « voyage scientifique » ce qui constitue un prétexte à parler de l’Océan et interagir avec scientifiques, étudiants, médiateurs.
  • Sakina-Dorothée Ayata , écologue, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université et spécialiste du plancton   au Laboratoire d’Océanographie et du Climat (LOCEAN - UMR 7159).  Elle propose aussi écoutables sur Ses chroniques "Plongée dans les océans"
  • Lionel Guidi ,océanographe et biologiste au  Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer et a mis au point le « Facebook des planctons »