

Comment réorganiser la société de telle façon que l'on ne soit plus déconnectés du monde vivant ? La sociologue Geneviève Pruvost s'attèle à explorer les alternatives écologiques et anticapitalistes qui renouent avec des savoir-faire permettant de refonder la fabrique du quotidien.
- Geneviève Pruvost sociologue, chercheur au CNRS rattaché au CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales).
► Rediffusion de l'émission Jeudi
Dans un premier temps, la nature du travail de Geneviève Pruvost repose sur une analyse critique de notre modèle social et économique par l'exploration de textes écoféministes, sur la sociologie des professions et ceux de certains théoriciens marxistes.
Mais c'est aussi et surtout une enquête ethnographique, qui a pour finalité de présenter des alternatives écologiques et anticapitalistes, et de dresser des portraits de personnes appartenant à des communautés qui s’ancrent dans des lieux et expérimentent des modes de vie, renouent avec des savoir-faires en lien avec leur territoire et qui ont pour but de tisser la “fabrique” de leur quotidien.
L’enquête sur ces “alternatives rurales” visent à saisir ceux et celles qui explorent les possibilités pour relocaliser ce qui fait leur quotidien. L’autrice déplore l’abstraction dans laquelle les sociétés occidentales industrialisées et modernes sont plongées du fait de ces chaines de fabrication déterritorialisées, délocalisées.
L’autrice pointe la fabrication d’objets de consommation et de services massivement délégués à d’autres personnes, alors qu’ils pourraient entrer dans notre quotidien si notre rapport au monde était plus local et égal.
Extraits de l'entretien
Des installation par vagues
Les alternatifs néo-ruraux ont-ils un point commun avec les babas-cool des années 1970 qui prônaient le retour à la terre ?
Geneviève Pruvost : "Oui, beaucoup. Ces mouvements vers la campagne sont des vagues. Et les premières générations donnent ces coups de mains à ceux qui arrivent aujourd'hui. Les personnes partent pour avoir un nouveau mode de vie plus écologique pas si compliqué à mettre en place."
Des opposants au système issus des classes moyennes
Qui sont-ils ?
GP : "Il y a très peu d'enfants d'ouvriers parmi les personnes qui changent de vie et optent pour un genre de vie alternatif. Mais il ne faut pas en faire des hyper subventionnés par leur famille. Ils sont plutôt issus des classes moyennes.
Souvent :
- Ils n'habitent pas très loin de ces campagnes. Et ont un lien avec les zones rurales par leurs grands-parents, ou autres ancêtres.
- Ils mangent déjà bio
- Ils habitent des habitats éco-construits
- Ils sont adeptes des médecines douces
- Et sont partisans des pédagogies alternatives
- Ils ont pris leur distance avec la représentation électorale. Leur exercice de leur droit de vote dépend du niveau d'anarchisme des personnes. Ils s'intéressent à la gestion municipale.
- Ils rejettent le productivisme et le type de travail qui va avec."
Une installation à la campagne inspirée par... Le voyage !
Qu'est-ce que qui les a fait franchir le pas ?
GP : "Paradoxalement, c'est un voyage lointain en sac à dos qui est l'occasion d'une prise de conscience et d'un passage à l'acte. Ils prennent conscience que notre mode de vie n'est pas accueillant, trop productiviste..."
Plusieurs jobs à la fois
De quoi vivent-ils ?
GP : "Souvent ces alternatifs refusent les aides comme le RSA : ils veulent se réapproprier des capacités d'action hors d'une situation marchande. Ils ont souvent effectué des reconversions professionnelles. Mais comme le marché de l'emploi n'est pas toujours extensible, ils sont souvent dans la pluriactivité : boulanger-clown, par exemple. Autre caractéristique de leur mode de vie : la mobilité. Pour exercer des métiers écologiques paradoxalement, ils doivent faire beaucoup de km !"
Avec :
- Geneviève Pruvost invite donc à s’interroger sur ce qu’est le travail dans notre société et parle de “travail de subsistance” comme moyen de resensibiliser à l’écologie, car faisant appel à des savoir-faire paysans et artisanaux. Elle articule cette critique et cette analyse de la société de consommation avec ce qu’elle appelle le “féminisme de subsistance” clé de voute d’une reconfiguration de la société. L’autrice invite à s’appuyer sur une critique de la façon dont on lie notre quotidien à la dimension nourricière pour penser une réorganisation de la société.
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