Robert Badinter et Myriam El Khomri : "Dégager les principes essentiels du droit du travail"

France Inter
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Avec
  • Myriam El Khomri Ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social
  • Robert Badinter homme politique, ancien président du Conseil Constituttionnel, ancien Garde des Sceaux

L'ancien garde des Sceaux vient de remettre à Manuel Valls ses 61 préconisations pour simplifier le Code du travail. Il les détaille au micro de Patrick Cohen, accompagné de la ministre du Travail Myriam el Khomri.

61 principes essentiels, tout cela existe déjà, à quoi ça sert?

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RB - A droit constant çà existe. Ça sert à une prise de conscience.

La caractéristique du code du travail c’est la trop grande complexité et surtout ça fait perdre de vue l’essentiel.

Au moment où on a recomposé le code du travail, l’objectif était quels sont les principes structurels sur lesquels tout le monde est d’accord ? Vous avez les principes et les règles.

Ce n’est pas la même chose de dire le droit au respect du travailleur et les règles en entreprises qui permettent de la respecter.

Ils pourraient former une sorte de préambule au code du travail ?

RB – Un préambule de façon à ce que ces principes irriguent l’ensemble . Parmi eux nous mettons la lumière sur la dignité.

Myriam El Khomri, nous nous arrêtons sur l’article 33 : la durée normale du travail est fixée par la loi. Celle-ci détermine les conditions dans lesquelles les accords collectifs peuvent retenir une durée différente.

MEK - La durée légale est fixée par la loi. Aujourd’hui la durée légale c’est 35 heures mais la réalité c’est que les Français travaillent 39 heures. La durée légale c’est le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Par accord de branches et d’entreprises, il peut y avoir des modulations.

Est-ce qu’on peut moduler le seuil de déclenchement ?

MEK - Non.

La majoration de 10% pourrait-il être plus bas ?

MEK - Il y a des concertations avec les partenaires sociaux, je ne préconise pas d’aller plus bas que le seuil des 10%.

Ce qu’il y a dans les accords de branche, souvent ils sont verrouillés.

L’arbitrage n’est pas rendu ?

RB - C’est ma position personnelle. Le taux de majoration relève du pouvoir d’achat des salariés c’est une question sensible.

A un moment où nous allons réécrire le code du travail, il est important de réaffirmer nos grands principes. Il faut laisser des marges de négociations aux entreprises.

Dans quelles conditions nouer un accord collectif ? Vous prévoyez qu’une règle majoritaire s’applique : + de 50% des salariés, d’où la crainte d’un blocage. Il faudra trouver une autre voie avez-vous dit ?

MEK - Nous souhaitons donner plus de poids à la négociation. Pour qu’un accord soit valide il faut un fait majoritaire. Soit c’est signé par des opérations syndicales qui sont signées par 50% des salariés, soit 30% des représentations syndicales ont la possibilité de déclencher un référendum d’entreprise.

Le vote des salariés ne serait plus seulement indicatif ? Et s’il y a contradiction ? Un front d’opposition syndicale ? Qui l’emporte ?

MEK - C’est le débat.

On aurait des organisations syndicales qui représentent 30% des salariés qui pourraient déclencher un référendum d’entreprise et si 50% des salariés sont pour l’accord pourrait s’appliquer.

Il faut pouvoir donner la capacité d’entendre les salariés. C’est un référendum à la main des représentations syndicales.

Vous n’avez pas l’impression de participer à une entreprise de détricotage du droit des salariés ?

RB - Ce n’est pas mon rapport, c’est un rapport rédigé par tous les membres du comité, vous avez remarqué leur haute compétence.

Nous sommes arrivés à un consensus. Nous sommes arrivés à l’expression d’un accord sur les principes fondamentaux.

Pour nous, l’essentiel c’était précision, exigence juridique et unanimité.

Ça représente un certain nombre de nuits, je ne suis pas sûre que ça rentre dans la durée légale, je vous le dis franchement.

[…]

Ce rapport c’est le tableau exact de ce qui est, le reste c’est de la littérature politique.

(Auditeur) L’avis majoritaire serait applicable même contre l’avis des syndicats. Que se passe-t-il quand on patron propose qu’une minorité du personnel soit attaqué en lui demandant un temps de travail supplémentaire. L’avis majoritaire de l’entreprise pourrait aller contre le bien des minorités ?Le débat sur les 35 heures c’est les salaires. Quand on nous dit, on ne touche pas aux heures supplémentaires mais on peut jouer sur les rémunérations, on touche aux salaires.

MEK – Je ne mets pas en opposition les salariés et les syndicats.

Il y a un projet de la droite pour le contournement des organisations syndicales.

Pour retrouver un fait majoritaire : 50% des organisations syndicales ou 30% des organisations syndicales peuvent déclencher un référendum des entreprises.

Il ne peut pas y avoir de veto des syndicats ?

MEK - Non c’est l’enjeu de mettre en place un référendum contraignant.

L’enjeu c’est aussi le taux de majoration qui est parfois verrouillé par la branche professionnelle. Ce ne sera fait que par un accord majoritaire, c’est pour cela que je ne préconise pas d’aller en-dessous du seuil de 10%.

Benoît Hamon : pourquoi embaucher un nouveau salarié si on peut payer moins cher les heures supplémentaires de ses salariés ?

MEK - L’enjeu c’est de pouvoir laisser des capacités d’adaptation au-delà d’une année, de développer le forfait jour pour une entreprise. La loi ne peut pas tout réglementer. Il faut faire émerger une culture du dialogue social.

(Twitter) Jean-Marie Le Guen dit qu’il y a trop de syndicats. Pourquoi le rapport n’a-t-il pas inclus de salarié ou de chefs d’entreprise ?

MEK - La réécriture du code du travail se fera en 2 ans. Dans cette condition il y aura des salariés, des syndicats, le monde de l’entreprise.

Il y a une défiance envers les syndicats. Il faut que nous revivifiions notre culture du dialogue social. Ouvrir la négociation et permettre qu’il n’y ait pas de négociation.

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J’attends qu’on me dise quel est le principe qu’on a oublié. Relevé par l’Humanité ce matin : les CDD ne doivent pas avoir pour objet de pourvoir durablement des emplois permanents.

RB - Nous le redisons, le mode normal c’est le contrat à durée indéterminé.

(Bruce de Galzain) Dans quelques semaines commenceront les négociations sur l’assurance chômage, il est déjà évoqué par certains qu’il faut envisager la dégressivité, est-ce que les partenaires sociaux vont partir sur ce principe.

MEK - La négociation relève des partenaires sociaux. C’est à eux de trouver les moyens, et de faire que cette durée d’indemnisation puisse être utile. Nous avons une durée d’indemnisation qui est longue mais nous avons des demandeurs d’emploi les moins formés d’Europe.

Ils ont réussi à faire baisser de 3 milliards d’euros le déficit tout en mettant en œuvre les droits rechargeables.

Si croit au paritarisme et c’est leur affaire et on intervient quand ils n’ont pas trouvé un compromis.

Le temps de chômage, et ce qu’on en fait, bien sûr que ça joue sur le marché du travail.

(Twitter) L’extension la binationalité c’est aussi une question de principes ?

RB – L’extension de la binationalité c’est aussi une question de principes , mais ce n’est pas la question du droit du travail.

Il y aura la réponse mais pas à ce micro et pas dans ce cadre là.

Vous prendrez position ?

Certainement.

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