Précarité étudiante : le Koh-Lanta universitaire

La précarité… mais chez les jeunes, c’est plus fun ! Si, “étudiant précaire”, on pense que c’est un pléonasme. Et puis quand tu vois la file à l’aide alimentaire en fait, non, c’est pas un pléonasme, c’est un sport ! Les étudiants, donc… Après la solitude liée au Covid, maintenant ils doivent affronter la précarité énergétique et alimentaire. Je pense que le prochain vainqueur de Koh Lanta, ce sera un étudiant en Master 2 en Lettres modernes.

Déjà : les universités coupent le chauffage dans les amphis. Un jeune universitaire en amphi aujourd’hui, c’est Bernie Sanders à l’investiture de Biden… Vous avez déjà essayé de prendre note avec des moufles ? Heureusement, comme les amphis sont bondés, ça tient chaud. Mais quand même, on entend dire : “couper le chauffage dans les salles, les jeunes sont pour : ils sont écolos”. Ecolos d’accord. Mais pas activistes. On le voit bien dans les musées, il y a deux types de jeunes, ceux qui balancent de la soupe sur les tableaux et ceux qui viennent avec une assiette creuse, pour la récupérer. Parce que là on gueule sur les jeunes qui balancent la purée sur Les Tournesols de Van Gogh, mais demain on va devoir gueuler sur ceux qui les lèchent !

Etudiant précaire, c’est bien sûr la voie royale pour devenir travailleur précaire. Sauf si vous vous orientez vers la recherche, où vous obtiendrez un doctorat en pauvreté. Et là les chercheurs en sociologie ont un coup d’avance : “Et toi, ça avance tes recherches sur la paupérisation des 18-25 ans ?” Ben ouais facile, mon corpus, c’est mon étage à la Cité U. Je gagne un temps fou ! D’ailleurs, quand je me regarde dans le miroir, je vois mon sujet d’études.”

Dans le journal “Le Monde”, un jeune de la classe moyenne déclare vivre avec 12 euros 50 par semaine. Avec 12 euros 50, t’as même pas droit à un sucre pour le café dans un dîner de Laurent Wauquiez. Bientôt les repas du Crous à 1 euro, ils seront réservés aux privilégiés. “Oué t'as vu Mathieu, déjà, il vit dans un 12 mètres carrés, et en plus il a les moyens de manger au Resto U. Saleté de bourgeois.” Aujourd’hui, on se demande qui vient le plus en aide aux plus démunis : les Restos du Coeur ou les Restos du Crous.

Quand je pense qu’il y a 5 ans on a gueulé contre la baisse de 5 euros d’APL. Mais il y a 5 ans, avec 5 euros, tu pouvais acheter 4 paquets de nouilles. Aujourd’hui avec l’inflation, pour 5 balles t’as quoi ? La poignée de sel que tu mets dans l’eau pour faire cuire les nouilles. Donc la baisse de l’APL… on ne la sent plus.

Notez, on a affaire à un Etat qui baisse les APL mais qui ne touche pas aux superprofits. Certains diront que l’Etat ne peut pas davantage aider les étudiants, parce qu’ils ne sont pas productifs. C’est pas vrai, ça marche hyper bien avec les Sénateurs, et y’en a pas un seul à l’aide alimentaire.

Résultat : dans les chambres d’étudiants, tu trouves plus des posters de Che Guevarra. Mais des posters de l’abbé Pierre. “Tu viens samedi soir ? On fait notre soirée d’intégration… Chez Emmaüs !” / Ok mais tu pourras me prêter ton polycopié ? / Ah ben non, j’ai arraché toutes les pages une à une, j’avais besoin d’isoler mon logement. Oui parce que les étudiants louent des chambres, qui sont aussi bien isolées que des tentes Quechua. Donc voilà : on te fait vivre dans une passoire thermique et après on te reproche d’avoir eu des trous de mémoire pendant ton oral de chimie.

Tiens, l’autre jour dans la rue, je m’arrête pour donner une pièce à un jeune homme qui fait la manche, je lui demande s’il dort à la rue. Il me répond que non, j’avais juste deux heures entre mon TD d’anglais et mon cours sur la littérature shakespearienne. Du coup, dans le doute, quand je croise un SDF je lui demande dans quelle fac il étudie.

Quand on voit la situation dans laquelle on a mis la jeunesse on se dit… ON DORT DEBOUT !... “Ah Ok, toi tu dors debout ? Super, j’ai un 9 mètres carrés, on peut faire une colloc et tu t’installes dans la douche. Par contre la douche, elle est sur le palier bien sûr…”