

Bonjour, si ce matin je ne suis pas dans le studio avec vous, Nicolas, ce n’est sûrement pas, et vous vous en doutez bien, dans l’idée de prolonger mes vacances, de gratter un petit rabiot de farniente. Vous vous en doutez bien.
Vous m’imaginez avoir envie de proroger ce temps si vain consacré au Spritz, à la pétanque, au Jarnac, au Scrabble, aux grasses matinées, à la baignade et à la pêche à pied alors que la France entière me réclame, alors que la France entière, métropolitaine et ultramarine, attend ma parole comme un oracle ? Non, certainement pas… Trop de conscience, trop d’honnêteté intellectuelle, trop de rectitude morale m’empêcheraient de céder à la facilité de la paresse, à la mollesse de l’inaction…
Si j’ai eu besoin de m’éloigner encore un peu de l’agitation médiatique et parisienne, c’est surtout pour arrêter de façon définitive, car il est temps, ma position concernant la prochaine élection présidentielle. Vous imaginez bien que depuis plusieurs semaines alors que je suis allé à la rencontre des Français sur leurs lieux de villégiatures, les sollicitations, les suppliques, les implorations ont été nombreuses.
"C’est un gars comme vous qu’il faudrait à la tête la France", me suis-je entendu dire plusieurs fois tandis que je rapportais un plein panier de palourdes où coup sur coup venait de poser sur le plateau trois scrabbles enrichis de x, d’y, de z, souvent bien placés sur des "mot compte triple".
C’est un gars comme vous qu’il faudrait à la tête de la France.
Ces paroles, monsieur Demorand, je les ai entendues, je les ai pesées, je les ai jaugées.
Devais-je décevoir tous les espoirs réunis sur ma personne ? Devais-je déclencher tout un cortège de contrariétés, de regrets, d’amertumes, si au dernier moment, regimbant devant l’obstacle, je refusais ce rendez-vous décisif avec la France, avec les Français.
Marchant sur le chemin des douaniers, longeant la mer qui, elle-même, sourdement, semblait s’interroger sur le cheminement de mon intime raisonnement, je me récitais la liste des candidats auxquels, si je me résolvais à tenter de conquérir l’investiture suprême, serais sans doute amené à combattre, à me mesurer, à en découdre : Hélène Thouy, Jean Lassale, Eric Zemmour, Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen, Philippe Juvin, Eric Ciotti, Michel Barnier, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Denis Payre, Sandrine Rousseau, Eric Piolle, Yannick Jadot, Jean-Marc Governatori, Delphine Batho, Arnaud Montebourg, Anne Hidago, Philippe Poutou, Nathalie Artaud, Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon, mon plombier-chauffagiste, ma belle-sœur par alliance et peut-être même, car il ne doute de rien, Emmanuel Macron.
J’ai pensé qu’il n’était plus temps d’ajouter de la confusion à la confusion, de la désunion à la désunion, du chaos au chaos.
J’ai donc décidé de ne pas me présenter à la Présidentielle.
J’entends la déception. J’entends la désillusion.
Dès à présent, j’affirme ne pas abandonner le débat public en prenant date pour d’autres rendez-vous que je ne manquerais pas d’honorer.
Par exemple, disons, même heure, même endroit, vendredi prochain.
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