Dans sa chronique, Nicole Ferroni vient nous parler de l'ordonnance du 18 novembre 2020, ordonnée par le ministre de la Justice, Monsieur Éric Dupond-Moretti.
Nicolas Demorand : Nicole, on me dit ce matin que vous êtes… secouée !
Nicole Ferroni : Ben oui, je suis secouée ! alors bon, ça aurait pu être par la loi sécurité globale adoptée hier, mais comme il y a une deuxième lecture à l’Assemblée, je me secouerai en différé.
Non, je suis secouée par une chose qui est déjà là, car elle ne s'est pas négociée comme une loi, mais imposée : il s'agit de l'ordonnance du 18 novembre ordonnée par le ministre de la Justice, Monsieur Éric Dupond-Moretti, qui prévoit parmi d'autres dispositions, que soit étendu l'usage de la visio dans des procès sans l'accord des parties.
Autrement dit, une personne peut désormais être absente de son propre procès et condamnée à une peine sans être là pour l’entendre et sans être présente pour s'exprimer ensuite.
Et cette ordonnance a beau avoir moins d'une semaine, elle pourrait s'appliquer déjà à l'un des procès les plus attendus du moment : celui des attentats de Charlie Hebdo, suspendu en ce moment, dans lequel un des accusés supposé malade, actuellement en cellule, risque de n'avoir comme seul accès à son procès, le petit trou de la webcam, ce qui pourrait le priver, lui, ainsi que les victimes, d'un procès plein et entier, une situation dénoncée par les avocats des deux parties !
Et ce qui m'a secoué dans cette situation, c'est de me rappeler ce qu'avait dit le même Monsieur Dupond-Moretti, ici, il y a trois ans. On parlait de terrorisme également, dans le cas l'affaire Merah, car du frère, il en était l’avocat. Face à une question, il avait dit les phrases suivantes : « Le chagrin des victimes ne peut pas être confiscatoire. Une mère, même si elle met au monde un enfant qui est le dernier des derniers, peut avoir de la peine. Ce n'est pas une vache qui a vêlé ! ».
Une façon, j'imagine, pour lui de marteler le sens sacré de la Défense, de rappeler qu'un individu peut avoir été indigne et inhumain, mais que la justice elle doit se montrer le contraire : digne et exemplaire. Et que même pour les individus médiocres, elle doit rester entière.
Et ça, ça m'a secoué car ça m'a posé la question : mais qu'est-ce-qu'il s'est passé depuis ? C'est comme si Monsieur Dupond-Moretti, le pénaliste, et Monsieur Dupond-Moretti, le ministre, n'étaient pas une seule et même personne…
(la suite à écouter !)
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