
Le délit de blasphème, un peu comme la religion d'état, la science divine ou le beurre en broche, ça ne marche pas.
Mélangez ce que vous voulez avec la religion et vous verrez ; la part de divin disparaître pour laisser place à l'ignoble.
En février 2006, au moment du procès des caricatures publiées par Charlie Hebdo, certains en France étaient prêts à sacrifier la liberté d'expression sur l'autel de l'hypothétique vertu “apaisante“ du délit de blasphème, en ventant les mérites incomparables du respect envers la foi, le sacré, le religieux et pourquoi pas, le beurre en broche.
Je pense bien sûr aux organisations ayant assigné Charlie Hebdo en justice: la Grande Mosquée de Paris, l'UOIF et la Ligue islamique mondiale, mais également à tout un aéropage de catholiques convaincus, de républicains modérés et d'abrutis congénitaux qui multipliaient joyeusement les appels à renoncer au droit de blasphémer et ce dans le silence assourdissant des laïcs.
Alors à tous ces déçus du paradis perdu que représentait pour eux le délit de blasphème.
J'ai une bonne nouvelle, un pays leur ouvre les bras. Un pays dans lequel ils pourront librement goûter aux vertus apaisantes et à l'indiscutable douceur qui règnent entre communautés lorsque le délit de blasphème est inscrit dans la loi.
Ce pays c'est le Pakistan.
Asia Bibi est pakistanaise, agricultrice de profession et chrétienne de confession.
En 2009, elle est allée, armée d'un gobelet en plastique, boire de l'eau au puits de son village.
Une voisine musulmane, soucieuse de préserver la pureté de l'eau d'un puits supposé réservé aux musulmans lui a reproché d'avoir souillé le puits.
Asia bibi lui aurait répondu "ton prophète c'est Mahomet, le mien c'est Jésus".
Ces propos jugés blasphématoires par un tribunal de première instance, Asia Bibi a été condamnée à la pendaison pour blasphème.
La semaine dernière après que son avocat ait obtenu son acquittement, des milliers de convaincus (écrivez ça comme vous voulez) attachés à la douceur de vivre que le délit de blasphème ne manque pas de préserver, sont venus exprimer leurs craintes de le voir disparaître, en criant tout un tas de slogans pacifistes et dénués de haine comme "à mort Asia Bibi".
Fuyant ce paradis perdu, l'avocat d'Asia Bibi a dû quitter le pays, emporté par la vague de menaces de tous ces croyants bafoués, blessés dans leurs convictions les plus profondes.
Soucieux de préserver la paix sociale, le gouvernement pakistanais a fini par céder en choisissant d'apaiser la douleur, les blessures et les "oh-la-la-je-suis-choqué" de ces barbus attardés, en promettant de revenir sur l'acquittement de celle qui les avait outrageusement blessé, en allant... boire un verre d'eau.
En France, ces temps-ci, on entend moins souvent les défenseurs du délit de blasphème et en l'état de mes lectures, je ne suis pas tombée sur une tribune vantant les mérites du sacré, sur la liberté d'expression. Et c'est bien dommage, parce que s'ils avaient un tout petit peu de conviction, c'est maintenant qu'on aimerait bien les entendre.
Alors, en attendant qu'ils retrouvent la parole, il serait temps de soutenir et protéger Asia Bibi et les siens, et au passage, si les saoudiens pouvaient profiter de l’occasion pour libérer Raïf Badaoui, ce blogueur condamné lui aussi pour délit de blasphème, ce serait bien aussi.
Parce qu’au risque de me répéter, pour moi, le blasphème, c’est sacré !
L'équipe
- Production
- Chronique