Mon cher enfant, ce matin tu t’es levé, tu y as pensé tout de suite, c’est la fête des mamans, donc de la tienne.
Maman, mama, mummy, mutti, ama, dans presque toutes les langues, miam miam et maman, c’est pareil
Chez toi et tes frères mammifères, la maman, c’est d’abord le manger…
C’est donc empli de gratitude que tu as filé en cuisine pour lui préparer le ptidej.
Un ptidej doux, bien sûr, bien sucré, bien moelleux, bien rondelet.
Mais ça, ce sont tes goûts à toi ! Tes goûts d’enfant.
Et si ça se trouve, ta mère, elle n’aime pas les goûts doux !
Devant tant de sucre, elle va être en panique… ta mère !
Il se pourrait bien que ta mère, elle préfère… l’amer.
L’amer, le goût qui arrive en dernier dans ta perception, l'amer qui ne supporte pas le moindre excès.
Tu peux toujours ingurgiter trop salé, trop sucré… Trop acide même !
Trop amer, tu ne peux pas ! impossible ! inhumain ! refus total, instinctif.
Le moindre excès te fait gerber.
Normal, la plupart des toxiques -champignons, plantes, baies sauvages - se définissent par l’amertume.
Et le fiel ?! Et la bile que personne ne goûte, pas plus au propre qu’au figuré ?!
Dans la mémoire archaïque, l’amer est encore un signal de danger.
Moi-même, vois-tu, je suis un poil circonspect face à une fricassée d’amanites phalloïdes à la sauce cigüe…
Mais bon, l’amertume… C’est aussi le zan, le cachou, le zeste de citron, le p’tit noir au comptoir, la Suze, l’amer picon, l’amer… icano.
L’amer exige un apprentissage. Il demande pour s’exprimer un gosier éclairé.
Ne chante-t-on pas l’amer qu’on voit danser le long desgorges claires ?
Démarrer ses jours par l’amertume, serait-ce conjurer l’amertume des jours ?
Non, je ne t’incite pas mon cher enfant à servir un Piconbière à ta daronne à sept heure du mat, agrémenté d’un compliment cucul et d’un joli bouquet.
Mais pourquoi ne pas lui proposer des oeufs brouillés à la poutargue ou aux épinards ?
Les asperges sautées à la ventrèche, et du pain toasté, bien amer ? Une poêlée d’endives à l’orange ?
L’amer, instinctivement, tu n’irais pas, mais quand ce goût-là te prend, c’est pour toujours.
C’est pas l’homme qui prend l’amer, c’est l’amer qui prend l’homme, disait Renaud, chanteur imbibé de sagesse.
Salé, sucré, acide, amer… Ce n’est pas tout. Il existe uncinquième goût.
FR : Parfaitement Arnaud, c’est l’umami
L’umami, le sapide, le savoureux, l’asiatique sur lequel je ne
m’étendrai pas ce matin.
L’u…mami, j’en parlerai le jour de la fête des grands mères.
Et plus tard… de l’upapi, le goût qui n’existe pas…. encore.
Et aussi à lire : "Cosmologie culinaire" de Michel CASSÉ André DAGUIN edition Odile Jacob
L'équipe
- Production
- Chronique