Au programme du Mag de la Matinale, la réaction de Matthieu Ricard suite à l'émission d'hier consacrée aux violences dans le bouddhisme. Et le portrait de Galo Diallo, patron de Smile Conseil, une agence spécialisée dans l'univers des réseaux sociaux.
Matthieu Ricard, grande figure du bouddhisme, tient à s’exprimer suite à l'émission d’hier. Nos invités pointaient son silence au sujet des dérives sexuelles commises dans certaines communautés.
Des maîtres influents, comme Robert Spatz ou Soghyal Rinpoché, ont en effet été accusés d’abus en tous genres. Un film diffusé sur Arte et un livre publié chez Lattès dénoncent le système qui leur a permis de prospérer. Une vision que Matthieu Ricard pourfend, bien qu’il ait fait retirer son interview du documentaire d’Arte. Il se trouve actuellement en Dordogne et souhaite s’expliquer.
En seconde partie d'émission, Galo Diallo, 32 ans, entrepreneur à la réussite époustouflante dans l'univers des réseaux sociaux. Il nous dit sa vision de ce nouvel eldorado économique, espace d'expression et de diversité. Questions, aussi, sur ses dérives qui font polémique, en France, depuis plusieurs semaines.
Extraits de l'entretien
« Boudhisme, la loi du silence » : le Droit de réponse de Matthieu Ricard
Un film documentaire diffusé sur Arte pointe des dérives sexuelles commises dans certaines communautés bouddhistes. Hier, les journalistes, et l’un des témoins, étaient les invités de l’émission Magma. Ils mettaient en cause, l'absence de réaction de la personnalité bouddhiste Matthieu Ricard.
Matthieu Ricard a tenu à s’exprimer : : « Ce documentaire est accablant. Il montre que dans le bouddhisme, comme dans beaucoup de communautés humaines, il y a le pire au côté du meilleur. Il est salutaire que ces déviances soient dénoncées. En revanche, j'ai quelques réserves sur des allégations qui me concernent. »
Pourquoi a-t-il fait enlever son interview du film ?
Matthieu Ricard répond : « Il y a une raison très simple à cela, j'ai été contacté par ce journaliste. Avant de le recevoir, je lui ai demandé de m'envoyer un synopsis de son documentaire. Il m’a envoyé un document disant que le film était sur l'histoire des bouddhistes.
Au début, on a parlé effectivement de ce dont on était censé parler. Puis en plein milieu de l'émission, il pointe le doigt vers moi et me dit « Vous avez soutenu Robert Spatz » ?
Un peu décontenancé, j’ai écourté l’interview. J’étais incapable de faire confiance au journaliste vu la tromperie, et la façon dont seraient utilisés, mes propos.
Et ensuite, j'ai envoyé aux journalistes tous les documents montrant la chronologie. Ils démontraient le fait que j'ai croisé Robert Spatz dans des lieux publics à plusieurs reprises dans les années 1980. La dernière fois a eu lieu en 1994, bien avant qu'il ne soit accusé de crimes. J’ai donc rencontré celui qui a été considéré comme un criminel dix ans ou quinze ans plus tard. Est-ce que cela fait de moi un complice ?
J’ai effectivement visité un lieu fondé par Robert Spatz en 2019. Mais il avait quitté l’endroit 15 ans avant. Entre temps, ce centre avait été géré par un moine bhoutanais qui avait donné entière satisfaction. »
Pourquoi a-t-il gardé le silence sur les affaires dénoncées dans le film ?
Matthieu Ricard explique : « C’est un peu exagéré de dire que je n’ai rien dit. D'ailleurs, en 2011, on m'avait posé une question au sujet de Sogyal Rinpoché (un lama tibétain qui a fait l’objet de plaintes pour abus sexuels). J'avais dit clairement qu'il fallait dénoncer et condamner haut et fort ces malversations et que les témoins directs, les victimes devaient se porter en justice. J'ai consacré une émission entière des sagesses bouddhistes à comparer les maîtres authentiques aux charlatans. J'ai parlé de Robert Spatz sur la radio belge et les deux fois où j'ai été contacté directement par des victimes. Dans le cas de Sogyal en 2017, j'ai, dans les jours qui ont suivi, écrit un billet de blog dans lequel je condamnais sans appel ses agissements.
Lorsqu'une des victimes de Robert Spatz m'a contacté en 2019 pour répondre à des questions sur ce que disait cet homme de sa pseudo-habilitation d'utiliser ces disciples pour des pratiques sexuelles, j'ai répondu des propos absolument sans appel en le condamnant et j'ai dit « Vous pouvez utiliser cette lettre au tribunal à charge ». Et j'ai fourni tous ces documents aux journalistes qui n'en ont absolument pas tenu compte. »
Pourquoi le Dalaï-lama s'est tenu si longtemps à l'écart de ces scandales et de ces questions ?
Matthieu Ricard justifie cette distance : « A la différence de l'Église catholique, s’il y a des centaines, voire des milliers de centres bouddhistes dans le monde : il n'y a pas une autorité centrale. Tous ces lieux de culte sont totalement indépendants. Le Dalaï-Lama n'a pas d'autre autorité que simplement en donnant des enseignements. J'ai acquis une certaine notoriété à cause de livres d'intérêt général que j'ai publiés. Je ne m'étais pas rendu compte qu’elle me donnerait une certaine responsabilité pour parler plus vigoureusement que je ne l'ai fait de ces déviances.
Quant à votre invité d’hier Ricardo Mendes, la première fois, j'ai reçu un email assez agressif de lui en 2019. Je lui ai répondu : « Parlons-nous de cœur à cœur et voyons comment je puis essayer de vous aider, et apporter mon aide aux victimes ? ». Il m'a répondu : « Ce n’est pas toi qui peux nous aider, c'est nous qui devons t'aider. »
Quelques individus isolés ou un système qui a laissé faire ?
Matthieu Ricard analyse : « Dans notre système où les centres sont indépendants, il manque une autorité, des garde-fous, une structure. Cette indépendance fait qu'on s'est dit pourquoi nous, on irait dire quelque chose sur ce qui se passe ailleurs.
Et c'est pour ça que le Dalaï-Lama n'a cessé de dire 'il faut dénoncer haut et fort, il faut aller en justice', mais il ne peut pas être au courant de ce qui se passe dans le monde entier. On lui demande de signer des centaines de pétitions chaque année. Donc, oui, on aurait dû être plus vigoureux, plus énergiques, plus tôt. Mais il nous manque la structure institutionnelle adéquat. »
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