Mais que fait donc l'OMS sur le coronavirus ?

Le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d'une conférence de presse à Genève fin février
Le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d'une conférence de presse à Genève fin février ©AFP - https://www.who.int/fr
Le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d'une conférence de presse à Genève fin février ©AFP - https://www.who.int/fr
Le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d'une conférence de presse à Genève fin février ©AFP - https://www.who.int/fr
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Plus de 3000 morts et plus de 90.000 personnes contaminées dans plus de 70 pays. C’est le dernier bilan de l’épidémie de coronavirus. Une organisation internationale est censée gérer ce type de crise : l’Organisation Mondiale de la Santé, basée à Genève. Mais elle ne fait pas grand chose. C'est le monde à l'envers.

Enfoncer les portes ouvertes. Voilà la marque de fabrique des communiqués de l’OMS depuis deux mois. Prenons par exemple celui d’hier : « Nous sommes en terre inconnue », dit le patron de l’OMS, l’éthiopien Ghebreyesus. Franchement, on est content de l’apprendre. Merci du renseignement. Et des formules de ce genre, il y en a eu des caisses dans les communiqués de l’OMS : « il faut faire front », ou bien « la fenêtre se rétrécit » ou bien « le coronavirus est l’ennemi public numéro un ». Bonjour les banalités.

Fin janvier, l’Organisation Mondiale de la Santé a même fait plus fort : elle a reconnu s’être trompée dans sa formulation, en parlant de « risque modéré », alors qu’elle voulait dire « risque élevé ». Oh mince alors.

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Ce qui nous conduit à une deuxième critique : la lenteur au démarrage, voire une tendance à minimiser le problème. L’OMS ne parle de « risque très élevé » que depuis 4 jours. Et auparavant elle avait attendu le 31 janvier pour prononcer les mots « urgence de santé publique internationale ». Encore plus troublant : une certaine indulgence vis-à-vis du pouvoir chinois (« on leur fait confiance »), et aussi vis-à-vis du Japon, dont l’attitude dans le dossier du paquebot Diamond Princess n’a jamais été critiquée.

Alors ne parlons même pas de consignes coercitives du style limitation des voyages ou du commerce. L’OMS est bien loin de s’aventurer sur ce terrain.

Lourdeur administrative et désengagement des Etats

Comment expliquer cette attitude timorée ? D'abord, il faut rappeler ce qu’est l’OMS. Elle est quand même là pour ça. Cette organisation Onusienne créée en 1948, qui compte 194 Etats membres, a pour vocation de prévenir les épidémies. C’est son boulot, sa mission, son utilité de faire face à ce genre de crise. Elle possède la compétence technique en termes sanitaires. D’ailleurs, elle a des réussites à son actif. En 1980, elle a éradiqué la variole. En 2003, elle a pris les devants sur l’épidémie de SRAS, pour demander la limitation des échanges avec la Chine. Donc elle sait faire.

Sauf que cette fois-ci, elle roupille. Alors il y a deux explications possibles. Premièrement, l’OMS est l’un de ces « machins » Onusiens, pour reprendre la célèbre formule de De Gaulle. Un poids lourd administratif à réaction lente avec ses 7000 salariés. La lenteur dans la réaction, c’est déjà ce qui lui avait été reproché lors de l’épidémie de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest il y a 6 ans.

Deuxième raison : l’OMS est victime du repli nationaliste des Etats membres. Ils ne l’écoutent plus vraiment. D’ailleurs, ils ont cessé de financer l’organisation. Il y a 50 ans, l’OMS était financée à 80% par les Etats. Aujourd’hui, l’OMS est financée à 80% par les fondations privées (comme celle de Bill Gates) et par l’industrie pharmaceutique. Avec, en conséquence, un relatif désintérêt pour le développement des infrastructures sanitaires, pourtant déterminantes pour affronter une épidémie.

Un besoin de gouvernance mondiale

L'OMS est donc à l’image de l’état des institutions internationales. Ni plus ni moins. Abandonnée à son sort. On voit bien à quel point l’ONU ne sert quasiment à rien dans les grandes crises en cours, par exemple le nucléaire iranien. Parce que le multilatéralisme n’est plus de saison. Parce que les Etats-Unis se sont désinvestis, pour ne pas dire plus. La « communauté internationale » n’a jamais vraiment existé. Mais aujourd’hui moins que jamais. 

Donc l’OMS, logiquement, est apathique et elle renvoie la gestion du dossier coronavirus à chaque Etat. C’est le cercle vicieux : les Etats se désintéressent de l’OMS qui rebascule donc le bébé aux Etats. Alors entendons-nous bien : évidemment que chaque pays doit porter sa part de responsabilité dans la gestion de cette crise.

Le monde à l'envers
4 min

Mais ça pose deux soucis. Le premier, c’est que ce type d’organisation favorise mécaniquement les pays dont le système de santé est le mieux structuré : ils sont les mieux à même d’endiguer la propagation du virus.Tant pis pour les autres. On pense en particulier au continent africain.

Deuxième souci : les virus de ce type ne s’arrêtent pas aux frontières. C’est un peu comme le nuage de Tchernobyl. Monsieur le douanier ne fait pas peur au coronavirus. C’est face à ce type de crise sanitaire qu’on a besoin de mesures internationales concertées et unanimes, bref d’une gouvernance mondiale. Et nous vivons un moment où précisément on la rejette. 

L’apathie de l’OMS n’est que le reflet de cette absurdité.