

Événement demain à la Maison Blanche à Washington, avec la signature d’un accord « de normalisation » entre Israël d’un côté, les Émirats arabes unis et Bahreïn de l’autre. La question est de savoir si c’est l’amorce d’un processus de paix israélo-arabe plus global. Et c’est possible. C’est le monde d'après.
Jusqu’à présent, les pays arabes avaient toujours conditionné la normalisation de leurs relations avec Israël, à une contrepartie : un État pour les Palestiniens.souffle et la force symbolique de la paix israélo-égyptienne de 1979 ou de l’accord Israël/Jordanie en 1994. Mais tout de même : cela fait 25 ans que rien de cette nature ne s’était produit dans la région.
Les Émirats Arabes avaient annoncé ce « deal » mi-août. Bahreïn a embrayé vendredi dernier, et certainement avec le feu vert de son grand parrain l’Arabie Saoudite, puisque Bahreïn est totalement dépendant économiquement des Saoudiens. Bahreïn et les Émirats donc devenir respectivement les 3ème et 4ème pays arabes à normaliser leurs relations avec Israël. Et on murmure déjà que le Sultanat d’Oman pourrait devenir prochainement le 5ème.
C’est indiscutablement un succès diplomatique pour Benjamin Netanyahu qui brise un peu plus l’isolement israélien dans la région. Et c’est aussi un succès pour Donald Trump. La diplomatie américaine (on entendra son patron Mike Pompeo ce 15 septembre à 7h50 au micro de Léa Salamé sur France Inter) a joué un rôle clé dans cette affaire.
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Concrètement ça veut dire que les relations vont se multiplier entre l’État hébreu et ces deux pays arabes : échanges scientifiques, technologiques, médicaux, culturels. Et bien sûr économiques : c’est la reconnaissance du fait accompli puisque les liens commerciaux entre Israël et les pays du Golfe sont déjà évalués à plus d’un milliard de dollars par an.
Une alliance contre la menace iranienne
Comme souvent, dans les relations internationales, l'explication numéro un de ce "deal", c’est l’alliance contre l’ennemi commun. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. En l’occurrence enrayer la montée en puissance de la Turquie dans la région. Et surtout faire front commun contre l’Iran. Là encore, c’est une victoire de la diplomatie américaine, qui voit Téhéran comme le danger numéro un dans la région.
Pour les monarchies sunnites du Golfe, il s’agit de contrer la rivalité chiite, l’autre grand courant de l’Islam, incarné par le régime de Téhéran. A Bahreïn en particulier, la famille au pouvoir, sunnite, doit faire face à une population majoritairement chiite, et tous les opposants sont assimilés à des agents iraniens.
Au-delà de la rivalité religieuse, il y a la menace militaire et nucléaire de l’Iran. Avec cet accord, les pays du Golfe peuvent espérer une aide militaire israélienne. Et surtout ils savent que l’Etat hébreu fera tout pour éviter une montée en puissance du nucléaire iranien, considéré à Jérusalem et Tel Aviv comme un danger existentiel.
Alors évidemment, cette alliance est risquée. Elle peut radicaliser le régime iranien. Mais ça peut aussi conduire Téhéran à vouloir négocier par le biais d’un intermédiaire comme Bahreïn.
La question palestinienne aux oubliettes
Dans cette affaire, les Palestiniens sont les dindons de la farce.
Jusqu’à présent, les pays arabes avaient toujours conditionné la normalisation de leurs relations avec Israël, à une contrepartie : un Etat pour les Palestiniens. C’est au cœur de l’offre faite il y a près de 20 ans par l’Arabie Saoudite. C’est terminé. En fait, le poids politique de la question palestinienne n’a cessé de diminuer depuis 20 ans.
A dire vrai, et de longue date, les gouvernements des grands pays arabes n’ont jamais véritablement agi pour soutenir la cause palestinienne. On était davantage dans l’ordre du symbole. C’était un totem. Aujourd’hui, même ce tabou symbolique est en passe d’être levé. Même la Ligue Arabe, pourtant attachée à la cause palestinienne, n’a d’ailleurs pas vraiment condamné l’accord des Emirats et de Bahreïn avec Israël. Reste évidemment le verrou de l’Arabie Saoudite, le grand parrain, qui ne peut se désavouer du jour au lendemain en reconnaissant Israël. Mais on en vient à se demander combien de temps ça tiendra avant que Ryad, à son tour, ne cesse de faire de la question palestinienne un préalable à une normalisation avec Israël.
Les Palestiniens ont beau dénoncer un "coup de poignard dans le dos", ils sont plus isolés que jamais. Sans arme géopolitique réelle, si ce n’est, et encore, de miser sur une nouvelle Intifada qui les remettrait dans le débat.
On se résume : l’accord de demain ne signifie pas que la paix est à portée de main dans la région : il y a trop d’incertitudes, notamment avec l’Iran. Mais il constitue un vrai tournant parce qu**’il entérine la marginalisation de la question palestinienne, de plus en plus secondaire aux yeux de tous les dirigeants de la région**.
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