En Afghanistan, le retrait tambour battant des Occidentaux laisse le champ libre aux Talibans

Le retour, le 30 juin sur la base de Wusdorf en Saxe des derniers soldats allemands à avoir été déployés en Afghanistan
Le retour, le 30 juin sur la base de Wusdorf en Saxe des derniers soldats allemands à avoir été déployés en Afghanistan ©AFP - Hauke-Christian Dittrich / dpa-Pool / dpa Picture-Alliance via AFP
Le retour, le 30 juin sur la base de Wusdorf en Saxe des derniers soldats allemands à avoir été déployés en Afghanistan ©AFP - Hauke-Christian Dittrich / dpa-Pool / dpa Picture-Alliance via AFP
Le retour, le 30 juin sur la base de Wusdorf en Saxe des derniers soldats allemands à avoir été déployés en Afghanistan ©AFP - Hauke-Christian Dittrich / dpa-Pool / dpa Picture-Alliance via AFP
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Le retrait des troupes occidentales d’Afghanistan s’accélère : hier les Italiens, le week-end prochain sans doute un nouveau contingent américain. Conséquence probable : un retour à la case départ d’il y a 20 ans, les islamistes talibans sont à nouveau aux portes du pouvoir. C’est le monde d’après.

Si on écoute les discours officiels, c’est « un retrait planifié et ordonné ». En réalité, ça ressemble à une débandade à vitesse accélérée. Dans quelques jours, et après 20 ans de guerre, il n’y aura quasiment plus le moindre soldat étranger en Afghanistan.

Lors de la seule journée d’hier, les Allemands et les Italiens ont confirmé la fin de leurs opérations. Les derniers soldats italiens ont quitté Herat, dans l’Ouest de l’Afghanistan, avant-hier soir. Retour au bercail, direction Pise. Ils emboitent le pas aux Espagnols, aux Danois, aux Estoniens. Tous ont plié bagage ces derniers jours.

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Et maintenant, c’est le tour des États-Unis. Les 2500 soldats américains encore présents sur le sol afghan doivent avoir quitté les lieux au plus tard le 11 septembre. Date symbolique, 20 ans pile après les attentats d’Al Qaida qui ont déclenché, en représailles, l’intervention en Afghanistan. Mais en fait dès ce dimanche, à l’occasion de la fête nationale du 4 juillet, Washington va dans doute annoncer un repli massif. Il ne devrait rester sur place que les 650 hommes chargés d’assurer la sécurité de l’ambassade américaine.

L’armée régulière afghane se retrouve donc livrée à elle-même. Mais elle est mal équipée, mal formée, mal ravitaillée. Elle manque de mécaniciens, de personnel. La dernière annonce en date des États-Unis serait presque drolatique si le contexte n’était aussi inquiétant : Washington promet de livrer 40 hélicoptères de plus à l’armée afghane. Mais personne ne sait vraiment qui va pouvoir les piloter.

Les grandes villes encerclées

En face les Talibans se frottent les mains: le temps joue en leur faveur. Ils sont mieux armés et mieux structurés militairement que l’armée afghane.

Et pour l’instant, ils se gardent bien de lancer une grande offensive qui risquerait de provoquer une réaction. Ils se contentent de multiplier les escarmouches un peu partout dans le pays. Et ils progressent. Partout.

Exemple emblématique : il y a 10 jours, ils ont pris le contrôle de Shir Khan Bandar. Vous n’avez sans doute jamais entendu parler de ce village. Mais y voir les Talibans est inattendu. C’est un poste frontière au Nord de l’Afghanistan, frontière avec le Tadjikistan. Ils maitrisent ainsi un axe commercial important, mais surtout ils apportent la démonstration de leur capacité à s’imposer aussi dans le Nord du pays. Très loin de leurs bases habituelles du centre et du Sud, là où vit l’ethnie Pachtoune, leur terreau principal.

L es Talibans encerclent progressivement les principales villes. Et chaque jour ou presque, ils prennent le contrôle d’un district supplémentaire sur les 400 que compte le pays. Ils en maitrisent désormais entre le tiers et la moitié.

Et ils ne se contentent pas de succès militaires. Dans les zones passées sous leur contrôle, ils gèrent et administrent la société : l’éducation, la santé, l’état civil. C’est ce qui leur assure le soutien d’une partie de la population. Ils sont un gage de sécurité après 20 ans de guerre.

Une interrogation sur le retour d'Al Qaida

Il est donc probable que les Talibans reviennent au pouvoir. La question n’est pas de savoir si, mais quand et comment. 

L’option simple, c’est la guerre ; une grande offensive dès le retrait occidental achevé. Encerclement de Kaboul et victoire militaire presque assurée. C’est alors le bégaiement complet de l’Histoire : retour au milieu des années 90. La charia, l’obscurantisme, la burqa pour les femmes.

Il y a une autre option : une forme de négociation entre les Talibans et le pouvoir civil installé dans la capitale. Jusqu’à présent, les Talibans ont toujours rejeté cette option. Mais ça peut changer. 

  • Ils savent combien l’aide financière internationale est indispensable au fonctionnement du pays. 
  • Ils peuvent chercher à éviter de se mettre à dos les autres ethnies.
  • Et puis l’Afghanistan d’aujourd’hui n’est pas celui de 2001 : la moitié de la population a moins de 20 ans. 

Un retour au pouvoir partiel, avec un compromis, reste donc envisageable.

Enfin, il reste une question, et de taille : si les Talibans reviennent, Al Qaida va-t-il revenir avec eux ? Leurs liens ont perduré, des liens souvent personnels et familiaux. Le réseau djihadiste est bien présent dans plusieurs districts d’Afghanistan et conserve ses bases arrière au Pakistan voisin, par le biais du réseau Haqqani. Mais les Talibans savent aussi que cette alliance avec Al Qaida a provoqué leur chute en 2001. 

Ils vont donc devoir choisir entre privilégier un calcul prosaïque ou une solidarité idéologique.