Le baril de poudre sud-africain

Un homme s'enfuit avec un réfrigérateur après le pillage d'un supermarché dans la banlieue de Johannesburg
Un homme s'enfuit avec un réfrigérateur après le pillage d'un supermarché dans la banlieue de Johannesburg ©AFP - Phill Magakoe / AFP
Un homme s'enfuit avec un réfrigérateur après le pillage d'un supermarché dans la banlieue de Johannesburg ©AFP - Phill Magakoe / AFP
Un homme s'enfuit avec un réfrigérateur après le pillage d'un supermarché dans la banlieue de Johannesburg ©AFP - Phill Magakoe / AFP
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L’Afrique du Sud est en proie à une très vive tension depuis 4 jours : émeutes, pillages, et déjà 45 morts, après l’incarcération de l’ancien chef de l’État Jacob Zuma. Ce pays emblématique depuis l’abolition de l’apartheid, ressemble à une poudrière politique et sociale. C’est le « monde d’après ».

La « nation arc-en-ciel » comme on la surnomme n’avait pas connu pareil chaos depuis 30 ans et la fin de l’apartheid. Le pays tremble sur ses fondations démocratiques, de l’aveu même de l’actuel président Cyril Ramaphosa. Et la situation se détériore d’heure en heure

Après la région du Kwazulu Natal, à l’Est, Johannesburg la capitale économique a été touchée à son tour hier. Avant de nouvelles émeutes cet après-midi à Durban, la grande ville située sur la côte de l’Océan Indien. Les mêmes scènes se répètent et elles sont impressionnantes.

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Le plus marquant ce sont les pillages, commis par des anonymes : centres commerciaux, supermarchés, épiceries, boucheries, magasins d’électronique, tout y passe. Et chacun emporte ce qu’il peut : un sac de riz ou une télévision, des couches culottes ou de la viande congelée. Plusieurs magasins ont été incendiés, plusieurs routes coupées, des camions laissés à l’état d’épave en travers de la chaussée. Et des hommes souvent armés circulent dans les rues.

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La police est débordée et laisse faire. Les pompiers courent après les incendies. L’armée a été envoyée en renfort : 2500 soldats dans le Kwazulu Natal. La proclamation de l’état d’urgence n’est pas écartée.

« J’ai le cœur lourd » 

dit le président Ramaphosa. Il l’a sans doute d’autant plus que son prédécesseur n’est pas étranger à cette situation.

Zuma le corrompu pyromane

Ce prédécesseur, c’est donc Jacob Zuma, qui joue les pyromanes. Zuma, c’est un peu le mauvais génie de l’Afrique du Sud. Aujourd’hui âgé de 79 ans, il a exercé le pouvoir de 2009 à 2018. Et il a mis en place un gigantesque système de corruption surnommé « Capture de l’État ». Le montant des fonds publics détournés à des fins privées est estimé à 30 milliards d’euros ! Dont plusieurs dizaines de millions utilisés pour effectuer des travaux dans sa résidence privée.

Comme la presse sud-africaine a fait son boulot, et la justice aussi, Zuma a été rattrapé par la patrouille. Mais il a refusé de comparaître et de témoigner. Son intérêt personnel prévaut sur l’établissement de la vérité. Zuma a donc été condamné pour outrage à la justice. Condamné à 15 mois de prison. Avant même le jugement sur le fond de l’affaire.Il a d’abord fait semblant de refuser l’incarcération. Pour finir par se rendre vendredi dernier. 

Mais il incite à l’émeute depuis sa cellule. Ses partisans, des radicaux de l’ethnie Zoulou, la plus importante du pays, ont joué un rôle clé dans les premiers incidents et premiers barrages du week-end dernier.

Zuma dénonce les juges et une « chasse aux sorcières » politique. On dirait du Trump. Il y a sans doute à l’œuvre, c’est vrai, des règlements de comptes au sein du grand parti historique de Mandela, l’ANC. Mais ça n’excuse pas l’attitude de Zuma, qui souffle sur les braises et prend le risque de déstabiliser tout le pays.

Le pays le plus inégalitaire au monde

Et les braises, Cela dit, ce n’est pas ça qui manque dans cette Afrique du Sud de 58 millions d’habitants.

D’abord, il y a la pandémie, incontrôlée. Déjà 65.000 morts et le plus grand nombre de victimes par habitants en Afrique, avec la Tunisie. En ce moment l’Afrique du Sud représente à elle seule près de 40% des nouveaux cas sur l’ensemble du continent. A peine 3% de la population est vaccinée, et la situation ne va pas s’arranger, puisque les pharmacies, elles aussi, ont été pillées ces derniers jours.

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Ensuite, il y a la pauvreté : elle touche près de 60% de la population. Et le chômage : plus de 30% officiellement. Chez les jeunes et dans les bidonvilles, c’est plutôt 50 ou 60%.

Et puis bien sûr les inégalités. L’Afrique du Sud reste le pays le plus inégalitaire au monde. De ce point de vue, 30 ans après, l’apartheid est toujours là : les 8% de blancs contrôlent l’économie (qui, soit dit en passant, est tout de même la 2ème économie d’Afrique).

La conséquence, c’est la criminalité, l’un des taux d’homicides les plus élevés de la planète. Ajoutez la corruption et des entreprises publiques souvent ruinées, le résultat c’est donc un baril de poudre. Le désespoir gagne. L’explosion sociale menace. 

A la fin de l’apartheid, le grand Nelson Mandela avait initié une « commission vérité et réconciliation ». Aujourd’hui, la nation arc-en-ciel ne connait plus ni vérité, ni réconciliation. Et son poids symbolique est tel que toute l’Afrique la regarde. Il faut aider l’Afrique du Sud.

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