L’Encyclique publiée par le Pape ce week-end, Fratelli Tutti (Tous frères) est peut-être le texte le plus politique qu’un dirigeant ait mis sur la place publique depuis longtemps, avec au passage un diagnostic cinglant sur le monde post Covid et une critique acide du libéralisme et des nationalismes.
Dès les premières lignes, le Pape raconte avoir pris conseil auprès du grand imam Al Tayeb du Caire. La plus haute autorité des Musulmans Sunnites. Le ton est donné : cette 2ème encyclique intégralement signée de François (après Laudato Si sur l’écologie) se veut ouverte au monde, à l’écoute de l’autre.
Pour le Souverain Pontife, l’épidémie vient d’agir comme un révélateur de nos failles :
« notre incapacité d’agir a été dévoilée »
La puissance prétendue de la mondialisation est un leurre. Les mots sont trempés dans le vitriol.
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Première cible du pape : les populismes nationalistes, « étriqués » et « xénophobes ». Ces régimes où la notion de peuple est instrumentalisée par un dirigeant à son profit « en exacerbant (je cite) les penchants bas et égoïstes ». Dans la foulée, le Pape dénonce l’individualisme, renforcé par le leurre des réseaux sociaux qui créent plus de solitude. Verdict : « la somme des intérêts individuels ne va pas créer un monde meilleur pour l’Humanité ». Commentez, vous avez 4h.
Et il dénonce ensuite un autre corollaire des nationalismes, les guerres. Ces guerres parfois justifiées par l’Eglise depuis St Augustin. François les rejette, toutes : elles font toujours plus de mal que de bien.
Les migrants victimes de la double pleine libéralisme / nationalisme
Et il n’est pas tendre non plus avec le libéralisme économique, la critique est tout aussi féroce parce que, dit-il, le libéralisme, de la même manière, conduit à l’individualisme. Il dénonce ce qu’il appelle un « dogme » néo-libéral, où le politique est « soumis à des puissances économiques transnationales ». Où une forme d’individualisme naïf est cultivée pour servir les forces de l’argent.
Dans la foulée, François s’en prend à la « théorie du ruissellement », « une notion magique » (je cite toujours) qui est la source de nouvelles violences. Je vous avais prévenu, tout est cinglant.
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Et pour lui, les deux lames du ciseau libéralisme / nationalisme se referment sur les migrants. Pour eux, c’est la double peine. Ce sujet, on le sait, lui tient est à cœur. François appelle à voir les migrants comme une source d’enrichissement,
« une bénédiction, un don qui aide une société à grandir »
Et là encore, il tire à vue, cette fois contre les chrétiens et catholiques qui délaissent les migrants, en faisant « prévaloir leurs préférences politiques sur leur foi » et sur « la dignité de chaque personne indépendamment de ses origines, de sa couleur, de sa religion ». Verdict : cette attitude, dit-il, est « inacceptable ».
On peut approuver ou pas, mais en tous cas la verve de ce Pape de 83 ans est indéniable.
Un Pape aux accents de gauche
Tout ça donne clairement l'impression d'un Pape "de gauche", mais il réfuterait certainement la classification. Il se veut seulement défenseur des pauvres et des démunis. C’est d’ailleurs en partie pour ça qu’il est à couteaux tirés avec une partie de la Curie, la haute hiérarchie du clergé. Et défenseur aussi d’une notion passée de mode, la fraternité, d’où le nom de l’Encyclique. Chez bon nombre de dirigeants de gauche, on n’ose même plus assumer les propos que l’on lit dans ce document, sur le nationalisme ou les migrants. Ça va certainement valoir au Pape de se faire traiter une nouvelle fois de « crypto communiste » par certains milieux conservateurs.
Le fait est là en tous cas : nous sommes en présence d’un texte éminemment politique. Et il ne faut pas sous-estimer son influence, tout comme l’Encyclique précédente avait contribué à convertir une partie du monde catholique aux questions environnementales. Il s’agit d’évolutions de mentalité souterraines, peu présentes dans les médias, mais bien réelles.
Et puis le poids du catholicisme demeure. Il est en reflux en Europe occidentale, c’est vrai, mais au niveau mondial, les proportions ne varient pas depuis 40 ans : près d’un cinquième de la population mondiale est catholique.
On se souvient enfin combien Jean-Paul II avait, par ses discours, contribué à affaiblir le communisme dans les années 80. François, lui, vise donc le libéralisme et le nationalisme.
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