Au Canada, des anti-vax sont rassemblés à Ottawa, la capitale, pour protester contre les contraintes sanitaires. Tout est parti d’une contestation de routiers opposés à l’obligation vaccinale pour franchir la frontière avec les Etats-Unis. Le succès de ce mouvement soulève de nombreuses questions.
C'est un mouvement inhabituel au Canada. Les grandes manifestations y sont rares, surtout par moins 20 degrés en plein hiver.
Or, voilà près d’une semaine que des dizaines de camions sont installés à Ottawa, la capitale fédérale, au pied du Parlement.
Ils étaient même des centaines, peut-être des milliers le week-end dernier. Ces trucks américains imposants, au chrome lustré, au klaxon assourdissant, ont convergé des quatre coins du pays.
Les organisateurs ont baptisé le mouvement « Freedom Convoy », « Convoi de la Liberté ».
Jusqu’à 15.000 personnes sont venues soutenir ces routiers ce week-end. En général, les manifestants ne portent pas le masque, ils protestent contre les contraintes sanitaires Ils s’en prennent au Premier ministre Justin Trudeau et à son gouvernement.
Un mouvement hétéroclite
Ils comptent dans leurs rangs beaucoup de militants d’extrême-droite. On a même vu dans les rassemblements des croix gammées ou des drapeaux confédérés américains, symbole des suprémacistes blancs aux Etats-Unis.
Mais c’est un mouvement hétéroclite, difficile à cerner, qui rassemble beaucoup d’opposants au gouvernement Trudeau, et des Canadiens qui demandent plus de liberté et refusent que l’Etat décide à leur place.
On pense au Tea Party américain, voire aux gilets jaunes en France.
Et ce mouvement rencontre donc un grand succès. A peu près tous les ultraconservateurs d’Amérique du nord s’en sont emparés.
Sans surprise, Donald Trump a apporté son soutien à ces routiers canadiens.
Elon Musk, le patron de Tesla, a lui aussi fait de la publicité au mouvement. Il est connu pour être très libéral, partisan du moins d’Etat.
Et de nombreux Canadiens se reconnaissent dans cette mobilisation.
L’idée de ce convoi a été lancée par une figure populiste, le routier Pat King, un climatosceptique qui défend la thèse du « grand remplacement ». Il est membre fondateur d’un petit parti séparatiste d’Alberta, une province de l’ouest du Canada.
Et le mouvement a donc agrégé beaucoup de mécontents.
Le cortège a traversé le pays. Sur la route, il a reçu le soutien de milliers de personnes, dans les villes par lesquels ils sont passés, sur les axes routiers.
Nouvelle mobilisation en vue à Québec
A Ottawa, un recours à l'armée n'est pas exclu pour mettre fin à la contestation.
Une nouvelle mobilisation est d’ailleurs prévue à partir d’aujourd’hui dans la ville de Québec. Et elle devrait s’amplifier ce week-end.
Preuve du succès du mouvement : en deux semaines, une cagnotte de soutien a réuni plus de 10 millions de dollars canadiens, 7 millions d’euros. Elle a été suspendue hier le temps de vérifier si elle est bien conforme aux règles du site GoFundMe.
Il faut dire que les contraintes sanitaires ont été sévères au Canada, un pays où les règles sanitaires ont été strictes. Dans cet Etat fédéral, tout dépend des provinces, mais de nombreux lieux publics sont encore fermés, et le pass vaccinal est souvent un sésame indispensable.
Dans la province de Québec, les restaurants viennent seulement de rouvrir avec une jauge à 50%, un couvre-feu a été imposé pendant 5 mois l’an dernier… Et les non vaccinés ne peuvent pas entrer dans les magasins vendant de l’alcool ou du cannabis (qui est légal dans le pays).
Certains Canadiens ne supportent pas ces contraintes et défendent leur liberté.
Pourtant, 90% des adultes sont vaccinés dans le pays.
Le mouvement a aussi des conséquences politiques. Hier, le leader du parti conservateur Erin O’Toole a perdu son poste. Il a été viré par les députés de son camp en raison d’une ligne jugée trop centriste. Sa position ambiguë sur le Convoi de la Liberté a été le dernier clou dans le cercueil.
Il a d’abord critiqué le mouvement avant de tenter maladroitement de s’en rapprocher. Le mal était fait.
A vrai dire, la classe politique canadienne est mal à l’aise avec ce mouvement. Certes, on peut le considérer comme un agrégat de conspirationnistes d’extrême-droite. C’est à ça que le résume par exemple Justin Trudeau qui parle de « gens aux pensées inappropriées ».
Mais cette mobilisation interroge aussi les gouvernements, au Canada et ailleurs dans le monde, sur leur capacité à rassembler leurs sociétés, et à ne pas laisser au bord du chemin des minorités très contestataires.
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