Le traité franco-italien du Quirinal est plus important que vous ne croyez

Emmanuel Macron lors de sa dernière visite au palais du Quirinal à Rome en 2019 aux côtés du président italien Sergio Matarella
Emmanuel Macron lors de sa dernière visite au palais du Quirinal à Rome en 2019 aux côtés du président italien Sergio Matarella ©AFP - Handout / Quirinale Press Office / AFP
Emmanuel Macron lors de sa dernière visite au palais du Quirinal à Rome en 2019 aux côtés du président italien Sergio Matarella ©AFP - Handout / Quirinale Press Office / AFP
Emmanuel Macron lors de sa dernière visite au palais du Quirinal à Rome en 2019 aux côtés du président italien Sergio Matarella ©AFP - Handout / Quirinale Press Office / AFP
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Emmanuel Macron se rend demain en Croatie, et ensuite en Italie. Il doit y signer un traité d’amitié franco-italien. Dit comme ça, ça parait abstrait et technocratique. Mais cet accord appelé « traité du Quirinal » est plus important et même sexy qu'il n'y parait.

Avouez Fabienne, quand je vous dis mon envie de parler du traité du Quirinal, vous qui nous écoutez ou nous lisez, vous pincez un peu le nez d'air dubitatif. C’est quoi ce machin ? C’est institutionnel et rasoir, avec une vague nostalgie latine derrière ce nom le Quirinal, qui est l’une des 7 collines de Rome et aussi le nom du palais présidentiel italien….

Et bien détrompez-vous, c’est beaucoup plus sexy que vous ne croyez !

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D’abord, ce type de traité est rarissime. Il n’y a qu’un seul précédent : c’est le ou plutôt les traités franco-allemands, le traité historique de l’Élysée, De Gaulle-Adenauer en 1963, renouvelé par le récent traité d’Aix la Chapelle Macron-Merkel. Le Quirinal est donc seulement le 2nd accord de ce genre signé par la France. Il est le fruit de 4 années de travail et vient sceller la place de l’Italie comme notre plus proche partenaire avec l’Allemagne.

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Et puis cet accord vient conclure un extraordinaire retournement de situation. Parce qu’il y a deux ans et demi, début 219 (c’est hier), Paris et Rome étaient à couteaux tirés. Les noms d’oiseaux volaient, contentieux sur les migrants, les gilets jaunes, la Libye. A tel point que la France avait rappelé à Paris son ambassadeur à Rome, Christian Masset, qui prononçait alors le mot « sidération ».

Deux ans plus tard, le même Christian Masset, toujours en poste, nous parlait il y a quelques jours, dans son bureau, d’

"une lune de miel entre les deux capitales"

et d’une relation excellente entre Emmanuel Macron et le président du conseil italien, Mario Draghi. Tout s’est inversé, très vite.

Des partenaires commerciaux de taille comparable

Ca c’est pour la forme, mais sur le fond, il va y avoir quoi dans ce traité ? On ne connaitra les détails qu’après-demain, mais il devrait y avoir du concret d’abord et avant tout sur le cœur de la relation franco-italienne : l’économie, le commerce.

L’Italie, plus que l’Allemagne, est un partenaire qui nous est comparable par la taille. Avec une population et un produit intérieur brut légèrement inférieurs, mais finalement assez proches. Les deux pays ont beaucoup en commun, et il est temps que la France cesse de regarder Rome avec une pointe de condescendance.

Les échanges commerciaux approchent les 100 milliards d’euros entre les deux pays, qui ont des atouts similaires sur l’exportation, le tourisme, l’agriculture. La France est à la fois le 2ème partenaire commercial de l’Italie et le premier investisseur étranger sur le sol italien. Il y a des projets emblématiques, comme le TGV Lyon-Turin qui, après moult péripéties, devrait voir le jour en 2029. Et de multiples idées de partenariats industriels bilatéraux. 

Le traité devrait également approfondir les échanges culturels et éducatifs (les doubles diplômes), les coopérations sur la recherche ou le numérique, par exemple l’intelligence artificielle. Donc oui, il devrait y avoir du concret.

La chronique de Jean-Marc Four
3 min

Un nouvel axe européen Paris-Rome

Mais il y a plus important: c'est l'implication au niveau européen.

Ce traité franco-italien intervient dans un contexte européen bien particulier. Au moment où la France s’apprête, dans un mois, à prendre la présidence tournante de l’Union Européenne, pour le 1er semestre 2022. Et au moment où l’Europe sort d’une zone de turbulences : pandémie, Brexit, élections allemandes.

Côte à côte, la France et l’Italie, 2ème et 3ème économies européennes pèsent lourd. Une taille critique. Et les positions des deux gouvernements sont aujourd’hui très proches sur la plupart des dossiers européens.

Paris va donc pouvoir bénéficier de l’appui de Rome sur plusieurs sujets :

  • La volonté de pérenniser les plans de relance par endettement mutualisé : et l’Allemagne, avec son nouveau ministre des Finances libéral, ne sera pas facile à convaincre ;
  • L’objectif affiché d’instaurer un salaire minimum partout dans l’Union, l’un des grands objectifs de Paris ; 
  • L’accélération du plan climat européen.

L’axe Paris-Rome est donc au moins aussi déterminant que l'axe Paris-Berlin pour les mois à venir.

Bon, je vous rassure, tout n’est pas totalement rose non plus. Sur la défense, le rachat de l’italien Leonardo par le franco-allemand Nexter KMW s’annonce compliqué. Et sur les migrants, les positions restent éloignées en l’absence d’accord européen sur la répartition des demandeurs d’asile. Mais bon ce sujet dépasse de beaucoup le simple contentieux franco-italien.

C’est la patate chaude dont personne en Europe ne veut s’occuper, malgré les drames en série (comme le dernier en date à Calais).