

Les discours des principaux dirigeants mondiaux lors de l’Assemblée Générale de l’ONU ont livré un nouveau bras de fer autour du nucléaire iranien. Les États-Unis veulent rétablir des sanctions internationales. Ils sont les seuls, ont sans doute juridiquement tort, mais s’en moquent. C'est le monde d'après.
Si on regarde uniquement le droit, la position des États-Unis est assez cavalière, pour ne pas dire surréaliste.
L’affaire est un peu compliquée, alors récapitulons les épisodes précédents. Il y a 5 ans, les États-Unis signent l’accord sur le nucléaire iranien. Il y a 3 ans, Donald Trump s’en retire au motif qu’il ne lui convient pas. Et aujourd’hui, le même Trump proclame l’application de sanctions internationales contre l’Iran prévues dans cet accord. Cet accord dont il s’est lui-même retiré. Imaginons : vous jouez au foot, vous vous retirez du championnat, mais vous voulez quand même être celui qui distribue les cartons rouges.
Hier dans son intervention transmise par vidéo à l’Onu, Donald Trump a donc réitéré l’annonce faite lundi par Washington : nous rétablissons les sanctions Onusiennes contre l’Iran. Sauf que les autres membres du Conseil de sécurité de l’Onu ne sont pas d’accord. Ni les Russes, ni les Chinois, ni les Britanniques, ni les Français.
Réponse d’Emmanuel Macron, lui aussi dans son discours à l’Onu, voici le document, je vous lis l’extrait c’est en page trois : « Nous ne transigerons pas sur l’activation d’un mécanisme que les États-Unis, de leur propre chef, en sortant de l’accord ne sont pas en situation d’activer ». Autrement dit, les « sanctions internationales » décidées par Washington sont « sans effet en droit ».
Logique. Voilà donc les États-Unis diplomatiquement isolés. Une claque symbolique. Et bien sûr, à l’inverse, pour le président iranien Hassan Rohani, c’est, je cite, « une victoire ».
Les Européens pris dans l'engrenage
Sauf que ça n’a échappé à personne, Trump se moque du droit et en particulier du droit international. Donald Trump estime que les États-Unis n’ont pas à s’y plier. Ça s’appelle l’unilatéralisme : je fais ce que je veux. Ce n’est pas le droit qui compte, ce sont les faits. Le monde réel.
Et dans les faits, il faut bien le dire, il y a de quoi s’inquiéter sur le nucléaire iranien. L’Iran, mécontent de la rupture de l’accord, a franchi plusieurs lignes rouges ces derniers mois : son stock d’uranium est désormais 10 fois supérieur à la limite autorisée ; de nouvelles centrales ont été mises en marche ; le stock d’eau lourde dépasse les autorisations. Bref Téhéran se rapproche de la capacité d’utiliser le nucléaire à des fins militaires.
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Dans les faits toujours, pas en droit, les Européens, risquent de se retrouver pris malgré tout dans l’engrenage des sanctions. Tout simplement parce que Washington menace déjà de représailles ceux qui ne veulent pas de sanctions. Autrement dit : si vous aussi vous ne sanctionnez pas l’Iran, nous restreindrons votre accès au marché américain ou aux places financières. C’est comme ça que la dernière fois, des grosses entreprises comme Total ou PSA ont fini par se retirer du marché iranien, sous pression américaine.
Donc on peut bien proclamer que les nouvelles sanctions made in Washington sont sans effet en droit. Elles ne sont pas sans effet dans le monde réel. Elles pourraient rapidement nous lier les mains, bon gré, mal gré.
La menace des durs à Téhéran
Il y a quand même une hypothèque et de taille, c'est l'impact de l’élection présidentielle aux États-Unis dans 6 semaines ! C’est évidemment le pari implicite des Européens : une défaite de Trump et une victoire de Biden pour rouvrir le dossier du nucléaire iranien sur une base saine.
Mais, même dans cette hypothèse, ça ne sera pas simple. D’abord, Biden, s’il gagne, posera des conditions à une négociation. En particulier sur l’interventionnisme iranien au Moyen-Orient. N’oublions pas que bien au-delà de Trump, le sentiment anti-iranien est très ancré aux Etats-Unis.
Ensuite, tout ça c’est sans compter avec l’attitude de l’autre partie, le pouvoir iranien. Le chaos autour de l’accord sur le nucléaire a renforcé les conservateurs et les partisans de la ligne dure à Téhéran, ceux qui n’ont aucune confiance en Washington, et souhaitent posséder l’arme nucléaire. Et en Iran aussi, il y a un calendrier électoral : présidentielle au printemps prochain. Donc en Iran aussi, c’est propice aux effets de manche, favorable aux fiers à bras.
C’est là que le piège des sanctions américaines peut se refermer, dans un engrenage qui conduise à un point de non-retour, le moment où les armes parlent. A force de sortir les colts de leurs étuis, on finit toujours par courir le risque d’appuyer sur la gâchette.
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