La CPI, la Cour Pénale Internationale s’est déclarée compétente pour enquêter sur des crimes de guerre commis dans les Territoires palestiniens occupés par Israël. C’est une victoire juridique inattendue pour l’Autorité Palestinienne, mais politiquement ça ne changera pas grand-chose. C'est le monde d'après.
Furieux. Il était furieux Benjamin Netanyahu après cette décision de la justice internationale vendredi soir. Tellement furieux que dès samedi matin, le premier ministre israélien s’est attaqué à la Cour avec une extrême virulence.
Cette colère est révélatrice de l’ampleur du revers symbolique subi par Israël. Netanyahu est allé jusqu’à assimiler cette décision de la CPI à de l’antisémitisme, reprenant l’argument qui consiste à dire que toute critique d’Israël relève de l’antisémitisme. L’argument est peu convaincant dans le cas d’espèce. L’antisémitisme n’a probablement rien à voir là-dedans.
En revanche, Israël a de vrais arguments pour dénoncer cette décision sur le strict plan juridique. C’est simple : la Cour Pénale Internationale est censée examiner les litiges concernant des États souverains. Or la Palestine n’est pas un État pleinement souverain aujourd’hui qu’on le veuille ou non. Elle a les attributs embryonnaires d’un État mais pas plus.
Cette décision ouvre donc la voie à des enquêtes sur des soupçons de crimes de guerre suite à l’intervention israélienne dans la bande de Gaza en 2014. Et surtout, elle se fonde sur les frontières de 1967, celles reconnues par l’Onu, donc elle rend possible toute poursuite dans les zones palestiniennes colonisées depuis. Un coup dur pour Israël.
En plus les Israéliens ne peuvent même pas faire appel directement de cette décision, puisqu’ils n’ont pas ratifié le traité qui crée la Cour Pénale Internationale. On se résume : c’est une victoire juridique incontestable pour les Palestiniens sur un sujet litigieux.
Un climat politique défavorable
Seulement voilà, la suite, ce n’est sans doute pas grand-chose. Et c’est là que va s’arrêter la victoire palestinienne.
D’abord, la procédure s’annonce longue, très longue. Il faudra des mois, peut-être des années, pour inculper qui que ce soit pour crimes de guerre à Gaza. Ni les Israéliens, ni les dirigeants palestiniens du Hamas (qui soit dit en passant sont potentiellement visés eux aussi par l’enquête) ne vont collaborer. Par-dessus le marché, la procureure actuelle de la CPI, Fatou Bensouda, est en fin de mandat. Et depuis des mois personne n’arrive à se mettre d’accord sur le nom de sa ou de son successeur.
Et puis le climat politique général dans la région n’est pas favorable à ces poursuites judiciaires. La colonisation juive dans les territoires palestiniens est devenue un état de fait. Un état de fait tellement admis que cette procédure pénale, fut-elle légale, parait presque anachronique.
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Tout ça se produit de surcroit dans une phase de rapprochement israélo-arabe : la normalisation des relations entre Israël d’un côté, le Bahreïn, les Émirats, le Maroc de l’autre ; c’est l’un rares succès que peut revendiquer l’administration Trump dans la région.
Enfin les États-Unis, justement, même en version Biden, ne sont pas des fans de la justice internationale. Et ils ont d’ailleurs déjà critiqué cette décision de la CPI de se déclarer compétente sur les crimes commis dans les territoires palestiniens. Donc la probabilité est faible que l’enquête avance réellement dans les faits.
Une justice lente et inefficace
Autrement dit, cette décision est un peu un trompe l’œil parce qu’en réalité, la justice internationale reste faible, globalement impuissante, et surtout pas exempte de reproches.
Elle est coûteuse, opaque, lente et inefficace. On le voit bien avec ce cas de figure de la guerre à Gaza : c’était en 2014. Nous sommes 7 ans plus tard. Et on en est seulement rendu au stade où la CPI se déclare compétente, rien de plus. Plus globalement, en un peu moins de 20 ans d’existence, la Cour Pénale Internationale n’a prononcé que trois condamnations. Et les instructions ont semblé parfois bâclées comme celle contre l’ivoirien Laurent Gbagbo.
Elle a aussi été beaucoup critiquée pour ne s’intéresser qu’aux pays Africains. C’est moins vrai aujourd’hui. On le voit avec cette volonté d’enquêter dans les territoires palestiniens. Et avec des investigations sur l’Ukraine, les Philippines, le Bangladesh, la Colombie, le Venezuela. Sans oublier l’Afghanistan, où elle instruit de potentiels crimes de guerre des Américains, ce qui insupporte les États-Unis.
C’est d’ailleurs là où on touche les limites de l’exercice. La CPI cherche ces dernières années à ne plus être seulement une justice de vainqueurs. Autrement dit : instruire aussi des dossiers contre des pouvoirs en place, pas seulement contre des pouvoirs déchus. Et là ça devient beaucoup plus compliqué, a fortiori dans un moment de l’Histoire où les nationalismes prennent le pas sur le multilatéralisme.
Les Palestiniens, parce qu’ils sont aujourd’hui dans le camp des vaincus, n’ont donc guère de chance d’obtenir quoi que ce soit au bout du compte.
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