« Les princes de Sambalpur », d'Abir Mukherjee

France Inter
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Après « L’attaque du Calcutta-Darjeeling », paru l’an dernier, voici « Les princes de Sambalpur », deuxième tome d’une série écrite par un Anglais d’origine indienne, Abir Mukherjee.

La série se passe à Calcutta, dans les années 1920, c’est-à-dire au moment où la domination britannique commence à être sérieusement contestée par le mouvement pour l’indépendance qui prend de l’ampleur.

Et l’on retrouve dans ce second tome les héros du premier, deux policiers de l’empire britannique, le capitaine Wyndham, ancien de Scotland Yard, et le sergent Banerjee, jeune brahmane bengali passé par Harrow et Cambridge. Tous deux aussi complexes que dotés d’un solide sens de l’humour.

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Et bien sûr ils vont devoir résoudre une nouvelle affaire…

Et pas des moindres puisqu’elle s’ouvre sur l’assassinat du fils aîné du maharadjah de Sambalpur, prince héritier d’un petit royaume au sud-ouest du Bengale.

Les deux policiers vont se rendre à Sambalpur, suivre de multiples pistes, celle d’un fanatique religieux, celle d’un complot politique, celle de la corruption autour des mines de diamants qui font la richesse du pays.

L’intrigue est dense, tricotée serré, dans la grande tradition du roman d’énigme à l’anglaise mais aussi du récit d’aventure. Rebondissements, fausses pistes, suspects multiples, l’enquête est on ne peut plus sophistiquée.

Et au delà de l’enquête policière ? Ce second volet de la série est aussi un roman historique…

Effectivement, c’est un portrait subtil d’un petit royaume de l’Inde traditionnelle. Mukherjee explore les couloirs du palais, tout le petit monde qui gravite autour de la famille royale.

Il nous fait pénétrer au coeur du harem où vivent les 3 épouses et les 126 concubines du maharadjah. Il met en scène une fumerie d’opium, un temple dédié au culte du dieu Jagannath, un chasse au tigre à dos d’éléphant.

Mukherjee rend à merveille l’atmosphère délétère de cette îlot de tradition millénaire en voie d’extinction où le prince se plaît à danser le soir sur la musique américaine à la mode, le turkey trot…

Qu’en est-il des relations entre les dirigeants du royaume et l’occupant britannique ?

C’est aussi l’objet du roman qui montre les manoeuvres politiques de la puissance coloniale pour maintenir son pouvoir de plus en plus contesté. L’instauration, sur le modèle de la Chambre des Lords, d’une Chambre des Princes destinée à apaiser la montée des exigences d’autonomie, est par exemple au coeur du livre.

Mukherjee montre également le poids des hiérarchies sociales et raciales. Et les préjugés tenaces des Britanniques, auxquels le capitaine Wyndham n’échappe pas quand il apprend que le prince indien a une maîtresse anglaise…

Extrait : 

Beaucoup d’hommes blancs ont des maîtresses indigènes, bon sang, la femme que j’aime depuis un an n’est pas blanche comme lys, alors pourquoi faudrait-il que ce soit différent quand un Indien tombe amoureux d’une femme blanche ? Et pourtant. Tous les hommes anglais le savent, ou plutôt le ressentent, car personne ne nous l’a appris de façon explicite. Nous l’absorbons avec le reste des inepties à propos de la supériorité de l’homme blanc. Et bien que je rejette l’essentiel de cette absurdité il semble que l’amour entre un Indien et une Anglaise soit une chose que je ne peux pas tout à fait accepter.

On verra comment le personnage évolue dans les prochains épisodes…

On les attend avec impatience ! C’est une série ambitieuse, d’une grande finesse, largement documentée. Et savoureuse, car les personnages principaux pratiquent, chacun à leur manière, un humour dévastateur !

  • « Les princes de Sambalpur », d'Abir Mukherjee traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle, est paru aux éditions Liana Levi.