Sur la couverture du nouveau roman de Marion Brunet, on voit une mère qui porte son fils sur son dos. Ce roman s’appelle "Vanda", c’est d’abord l’histoire d’une relation exclusive entre une jeune femme et son fils, qu’elle élève seule.
C’est à la fois très beau et inquiétant. Vanda, la trentaine, voue à son fils, Noé, six ans, un amour dévorant. Marion Brunet décrit cette passion de manière très physique.
Elle dit les effusions, les câlins, la peau, la sueur, les odeurs. Vanda couve son fils, il est à elle, elle le protège de manière animale, le renifle, respire l’odeur de ses cheveux, le lèche, le mordille.
Il n’y a que lui qui compte vraiment. « Je pourrais mourir pour toi », lui assène-t-elle.
Et cette relation est d’autant plus exclusive que Vanda est seule, depuis longtemps. Les autres comptent peu, ils passent. Ses amours sont d’un soir, ses amitiés superficielles, des verres alignés dans les bars ou des apéros sur la plage.
Car Vanda vit dans le sud de la France, à Marseille, même si la ville n’est jamais nommée. Plus jeune, elle s’est rêvée artiste, a fait un passage éclair aux Beaux-Arts.
Puis elle a enchaîné les petits boulots. Aujourd’hui, elle travaille comme femme de ménage dans un hôpital psychiatrique.
Elle galère, comme tous ceux qu’elle côtoie, salariés précaires, intermittents sans contrats, chômeurs en fin de droits, une marge qui devient la norme à force de brutalité économique.
L'écrivain, Marion Brunet, brosse par petites touches, par mille détails finement observés, le portrait de cette France délaissée des ronds points et des manifs de gilets jaunes.
Vanda voit sa vie lui échapper sans cesse
Le personnage de la jeune femme parvient difficilement à concilier son travail et ses responsabilités de mère que sa situation sociale rend encore plus compliquées. Elle est toujours en retard pour chercher Noé à la sortie de l’école.
Tous deux vivent dans un minuscule cabanon, sur la plage. Sans confort, ni eau chaude. Mais Vanda s’en contente. Elle adore nager et d’une certaine manière jouit de sa solitude avec son fils. Noé lui suffit, il est ce qui la fait tenir debout.
Un équilibre fragile…
Un équilibre fragile qui va se rompre quand le père de l’enfant réapparaît brusquement. Il s’appelle Simon, il est parti pour Paris sept ans plus tôt, dans la foulée de leur séparation.
Marion Brunet réussit, avec lui, un personnage complexe, fortement incarné. Un homme de 35 ans, qui revient à Marseille pour enterrer sa mère, et n’a jamais vraiment grandi.
Le deuil le fait soudain se découvrir adulte. L’oblige a faire des choix qu’il a toujours repoussés.
Il ne savait pas qu’il était le père de Noé, l’apprend brutalement. Cette nouvelle l’embarrasse mais le bouscule aussi. La paternité donne un sens à sa vie. Il se sent plus épais, moins transparent. Et décide de revendiquer ses droits sur son fils.
Le roman se construit alors sur la tension qui va naître quand Vanda réalise le danger. Une tension que Marion Brunet orchestre magnifiquement, que le lecteur ressent physiquement au fur et à mesure des pages, sans savoir sur quoi elle va déboucher.
« Tu ne sais pas ce dont je suis capable », menace-t-elle face à Simon.
En écho à cette rupture de l’équilibre qu’elle s’était construit, s’ajoute une autre crise. À l’hôpital où elle travaille, les soignants se mettent en grève pour dénoncer le manque de personnel et de moyens.
Marion Brunet réussit ainsi à lier, sans démonstration, de manière très concrète, l’intime et le politique, à montrer l’impact de la violence sociale sur les corps et les esprits.
Au bout du compte, ce roman noir, aux accents tragiques, réunit les mêmes qualités que ses précédents. Ceux qu’elle a écrit pour les ados, Dans le désordre ou Sans foi ni loi, et celui, pour adultes, qu’elle avait publié il y a deux ans, L’été circulaire, et qui avait obtenu le Grand prix de littérature policière.
Le regard de Marion Brunet est infiniment humain, subtil, au laser, sans doute nourri par son passé d’éducatrice spécialisée. Elle parle de ce qu’elle connaît. Sa langue est vive, crue, charnelle.
Le roman, Vanda dit, dans le même mouvement, la rage et la fatigue de vivre. C’est subtilement politique et tendrement mélancolique. En écho bouleversant avec le monde tel qu’il va aujourd’hui.
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